Connu dans le monde du cinéma comme l’imitateur du président Boni Yayi, Serge Dieudonné Yéou est réalisateur et producteur de cinéma. Membre du Conseil d’administration du Bureau béninois du droit d’auteur (Bubedra) entant que représentant des cinéastes de 2014 à 2018, il fût aussi expert cinéma au Fonds d’aide à la culture, le Fac d’alors pendant deux ans. A cœur ouvert, il parle de sa carrière, des difficultés du cinéaste Béninois et de ses projets.
Propos recueillis par Fidélia A. AHANDESSI
BI : Serge Yéou, parlez-nous de votre début dans le cinéma.
Mes débuts dans le cinéma remontent aux années 2000 où par hasard, j’ai fait la rencontre du réalisateur Sévérin Akando qui m’a découvert un jour sur l’émission « Ayessi » de Florent E. Hessou. Il m’a ensuite fait appel et m’a sollicité pour jouer dans l’une de ses séries dénommée « Laurence », une écriture de Romuald Binazon. Mais le film n’est jamais sorti puisque Sévérin Akando est décédé entre temps. Ayant pris goût au cinéma, j’ai décidé avec mes amis de la Compagnie « Aziza plus » de sortir avec l’aide de Alain Faure (technicien audiovisuel à Lc2 télévision) mon premier long métrage dénommé « Sènami ». C’est un film qui a connu beaucoup de succès et qui a fait le tour de toutes les salles de cinéma du Bénin. Je me suis ensuite fait former au Ghana au métier de réalisateur-infographiste ce qui m’a permis d’ouvrir ma structure de production, « Dys production ». J’ai eu donc à tourner plus de mille clips pour les artistes et réalisé des films pour des compagnies de cinéma telles que : Oncle Bazar, Pipi Wobaho, Yadjo.
De 2000 à ce jour, quelles sont vos réalisations cinématographiques ?
A mon actif, j’ai cinq films dont « Guélou le précipice », « Insécurité mère de tous les vices », les saisons 1 et 2 de la série « Monsieur le Président ». J’ai également réalisé des courts métrages et des documentaires. Mais il y a des films que j’ai coréalisé avec des amis. Ma plus grande réalisation c’est « Guélou le précipice ». Il a été tourné à Dassa et à Cotonou et a connu la participation de grands acteurs tels que Sébastien Davo, Koffi Gao, Alougbine Dine… C’est un film qui m’a beaucoup révélé parce qu’il a fait l’objet de sélection par le Fespaco 2009. « Guélou le précipice » continue de faire le tour des télévisions de la sous-région et même à l’international puisqu’il est distribué par « Côte ouest ».
Votre série « Monsieur le Président », est-ce un cri de cœur que vous lancez aux gouvernants ?
C’est une série qui ne traite que des faits socio-politiques mais avec humour. Nous l’avons fait avec le président Boni Yayi que j’ai eu du plaisir à imiter. Nous en avons fait cinq productions en plusieurs volumes avant le départ de Boni Yayi du pouvoir. Nous l’avons fait également avec l’actuel président Patrice Talon avec la deuxième saison de la série. Le film a été lancé le 24 mars dernier à Canal Olympia et a fait salle comble mais il n’est pas encore mis sur support Cd. Il est intitulé « Agbonnon dans les labyrinthes du réel ». La série va continuer avec le prochain président. C’est une série qui durera longtemps. Mais il faut dire qu’au départ c’était juste un sketch, je ne voulais pas en faire un film. Mais suite à notre prestation à la télévision le public avait aimé et nous en a félicités. C’est suite à cela que nous est venue l’idée d’en faire une série. Il m’a plu d’imiter le président Boni Yayi car j’étais personnellement séduit et sidéré par ses actions. J’ai remarqué en effet qu’après le départ du président Mathieu Kérékou, le Bénin a connu un président très fougueux et presque présent sur tous les fronts.
Parlant de la saison 2 de la série « Monsieur le Président » quel acteur a su jouer le rôle du président Patrice Talon ?
Je ne peux être à la fois dans le rôle du président Boni Yayi et du président Talon. D’ailleurs sur le plan physiologique, je n’ai aucun trait physique du président Patrice Talon. Pour ce film on a donc trouvé un autre acteur Arsène Cocou Yèmadjè qui est un grand comédien qui a vraiment réussi à imiter le président Talon avec professionnalisme. Dans le film, je suis resté dans le rôle Boni Yayi entant qu’ancien président qui s’oppose à l’actuel avec beaucoup d’intrigues politiques.
Quels sont les prix que vous avez remportés tout au long de votre carrière ?
Je n’ai pas reçu de grands prix. Il faut aller d’abord sur les festivals avant de remporter les prix et je ne suis pas l’homme des festivals donc je ne suis pas l’homme des grands prix. Mon objectif est de travailler pour que le cinéma retrouve ses lettres de noblesse. Les prix ne sont pas mon fort. Néanmoins, j’ai eu beaucoup de distinctions au plan national dont les trophées « Hokan » et « Yètché ».
Selon vous, comment se porte le cinéma béninois actuellement ?
Le cinéma béninois se porte très mal. D’ailleurs on n’a aucune salle de cinéma dans le pays. La seule salle de cinéma qu’est Ciné le Bénin a été transformé en salle de théâtre avec beaucoup d’échos. Ce n’est plus une salle de cinéma digne du nom. Ensuite, nous n’avons pas de grandes productions avec lesquelles on peut représenter le Bénin dans de grands festivals. Nous n’avons que des films d’écoles et de petites productions. Nous avons aussi une direction de la cinématographie qui peine à décoller. Nous avons toiletté le Code de la cinématographie pour qu’il puisse être voté par l’Assemblée nationale et qu’il puisse être promulgué par le Chef de l’Etat. Donc le Bénin ne dispose pas encore véritablement d’un Code de cinématographie. Mieux nous produisons avec nos propres moyens qui sont très limités. Tout ceci joue sur la production.
Le cinéma nourrit-il son homme au Bénin ?
Aucun cinéaste béninois ne peut dire qu’il vit de son art. Il y a quelques années c’était encore mieux car au moins les supports Cd des films étaient achetés par la population. Mais à l’heure actuelle, les gens n’ont plus les moyens d’acheter les Cd. Seulement nous continuons de faire ce métier par pure passion.
Quels sont vos projets ?
J’ai un long métrage en cours de préparation. Il est intitulé « L’oracle » et sortira les mois à venir. C’est un film qui vise à valoriser notre identité culturelle, surtout l’art divinatoire africain. Le tournage du film est prévu pour novembre ou décembre prochain. Nous avons fait un atelier de réécriture du scénario en décembre dernier pendant cinq jours avec de grands scénaristes. L’objectif de cette production est de capter l’attention des Africains en les réveillant pour qu’ils ne se laissent pas envahir par les religions importées en oubliant leurs cultures.
Un mot pour clôturer cet entretien
J’invite le gouvernement à tourner le regard vers le septième art qu’est le cinéma. Un bon investissement dans le cinéma fait développer le tourisme. Nous avons des compétences à faire valoir mais nous n’avons pas les moyens. Il faut que l’État nous aide afin qu’ensemble nous puissions révéler le Bénin. A mes collègues qui font ce travail, je leur souhaite beaucoup de courage afin qu’ils ne baissent pas les bras ou ne se découragent.