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Clichés fatalistes sur l’Afrique : Les antidotes de Madougou pour « Soigner les certitudes »

Reckya Madougou. L’ancienne Garde des Sceaux du Bénin, Consultante internationale en inclusion financière et passionnée de mécanismes de développement, sera à nouveau en librairie. Cette fois-ci avec « Soigner les certitudes. Dialectique d’inclusion et du minimum humain en Afrique », livre-entretien avec le jeune écrivain béninois Stephens Akplogan.

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON

Native d’une Afrique martyrisée, traitée de tous les noms d’oiseaux, comment peut-elle rester passive ? Tel le prisonnier platonicien revenu dans la Caverne après son ascension vers la lumière, Reckya Madougou, en sœur illuminée, s’adresse à ses compatriotes. Ses mots dans cet ouvrage, sont valables aussi bien pour les gouvernants que pour les simples citoyens.
« Soigner les certitudes ». De quelles « certitudes » s’agit-il ? Et quelles antidotes pour les « Soigner » ? La démarche de l’actuelle Conseillère du président Faure du Togo, est celle empruntée au médecin, qui consiste à diagnostiquer le mal et à y donner des coups de remède. Le mal dont il s’agit se résume à l’Afrique des contradictions : pauvre malgré ses immenses richesses naturelles et humaines. En 150 pages environ, l’auteure s’élève contre « les fausses évidences et les clichés construits pour légitimer une certaine fatalité du drame africain ».

Ces certitudes qui maintiennent les pays africains, la jeunesse et les femmes dans l’assistanat, elle propose, pour les soigner, la « dialectique d’inclusion et du minimum humain en Afrique ». Il s’agit concrètement d’investir dans la formation, la citoyenneté économique, l’inclusion financière des populations, les dividendes de la digitalisation, l’autonomisation des femmes, la transformation structurelle de l’agriculture, l’entrepreneuriat, l’intelligence politique et la justice sociale. « Puisqu’il n’est pas productif et viable dans la durée, de confiner les plus démunis dans des options d’assistanat perpétuel, il est préférable de les orienter vers l’autonomisation, le social productif », argumente-elle. « Femme d’expérience, à l’écoute des bruits de fond de sociétés africaines en mutation, elle nous dit, à travers ces lignes passionnées mais lucides, que le développement n’a de sens que centré sur l’homme. Il faut arracher les plus démunis à l’étau de la pauvreté et du besoin. Grâce à l’inclusion financière, à l’éducation et à la formation, les femmes et les jeunes africains ont des ressources pour entreprendre, réussir et participer à l’effort collectif pour la prospérité. C’est le fond de ce que l’auteure appelle la « citoyenneté économique » qui se nourrit d’une « éthique de l’effort » ou encore d’une « spiritualité de l’effort », partage le préfacier Macky Sall, président de la république du Sénégal. Ce dernier appuie l’auteure que « L’économie sociale et solidaire, et son corollaire, la microfinance, ne sont donc pas des résidus d’une économie de riches affectés aux plus démunis. Mécanismes de transfert de fonds à ces derniers, elles sont une stratégie de correction des disparités sociales, mais surtout, grâce à l’entrepreneuriat, un moyen efficace de production et de gestion optimale de revenus leur permettant d’être rentables à la communauté. La microfinance autonomise alors les citoyens en faisant d’eux des agents économiques ».

Intégration

Outre le cadre microéconomique, des certitudes à panser existent également au plan macroéconomique. L’ouvrage de Madougou ne l’a pas justement occulté. Ce que relève le président Macky Sall. « Madame Madougou ne perd pas de vue le cadre macroéconomique, à l’échelle nationale comme à l’échelle du continent. Ce livre est tout aussi un long et insistant plaidoyer pour la transformation structurelle de nos économies, le renforcement de l’intégration prometteuse avec la Zone économique de libre échange continentale africaine (Zlecaf), la bonne gouvernance, la démocratie, l’éducation et la formation, le pari sur l’agriculture et pour la sécurité alimentaire et pour le développement économique, la maîtrise et la promotion du numérique, la modernisation de nos administrations, la lutte contre la corruption ». Dans ce sens, l’auteure plaide notamment pour l’agriculture, surtout sa modernisation. La révolution, croit-elle, est en effet une « étape clé pour réduire la pauvreté, créer massivement des emplois décents en améliorant les revenus des producteurs et renforcer la sécurité alimentaire ».

Exhortation

L’homme, premier acteur déterminant du développement, doit prendre part à ce processus. Mais comment peut-il le faire s’il reste sclérosé par ses émotions, ses peurs ? Madougou appelle alors la dynamique population africaine à se décharger de ces fardeaux. « Parce que cela ne s’entend pas qu’avec un potentiel humain de cette qualité et des richesses en terres arables ainsi que des matériaux les plus prisés dans l’industrie et la technologie nous soyions là, contemplatifs de complaintes et quémandeurs d’aides à tout vent et à toute épreuve. C’est une méprise », fustige-t-elle. « L’auteur de « Mon combat pour la parole… », son premier livre, sait que l’Afrique est naturellement riche. Elle sait aussi, et surtout, que ce potentiel profitera au continent seulement si les femmes et les jeunes se libèrent des chaînes du pessimisme, du complexe, du mimétisme, du regard de condescendance que portent sur eux, les femmes en particulier, la société. » souligne le préfacier. Et de résumer que « Reckya Madougou les invite à cultiver le leadership transformationnel qui outrepasse les limites de la peur, cultive l’innovation, exalte l’audace et valorise la connaissance qui permet, dit-elle opportunément, de « tutoyer les sommets sans complexe », et oriente nos tentatives individuelles et collectives vers la maîtrise de notre commun destin ».

« Réduire l’horizon de la citoyenneté économique à la question d’employabilité est une méprise en ce siècle de grande technologie et de digitalisation des réflexes. Ce qui rend cette citoyenneté pleinement authentique, n’est pas tant l’emploi en lui-même surtout avec la menace de disparition de certains emplois. C’est au bout d’une certaine individualité solvable que se situe la citoyenneté économique. Il ne suffit pas aujourd’hui et dans les prochaines décennies d’exercer un métier avec l’automatisme auquel cela prédispose. Il faut être à la mesure du monde qui bouge qualitativement avec sa créativité et son ingéniosité.
Paru aux Éditions Jean-Jacques Wuillaume dans la ‘’Collection découverte’’, “Soigner les certitudes” sera officiellement lancé la dernière semaine du mois de septembre 2020 à Cotonou. Une série d’activités d’échanges notamment avec les jeunes et les femmes, principales cibles de l’ouvrage s’en suivra à travers diverses capitales et villes.

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