Le colloque scientifique international “10 janvier : et après ?” a été lancé mercredi 19 janvier par le professeur Ansèque Gomez Couami‚ représentant de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique. La cérémonie d’ouverture qui s’est déroulée dans l’amphi Idriss Déby Itno de l’Université d’Abomey-calavi‚ a drainé un public impressionnant aux profils divers.
Par Sènan Nadège WANGNANNON (Stag.)
Repositionner le Vodùn et lui redonner sa légitimité épistémologique. Tel est l’objectif de cette rencontre scientifique internationale placée sous le thème : «Le Vodùn dans un monde en mutation : De la prétention cartésienne à la rationalité mantique».
Après trois éditions des “Conférences à panels” intitulées “Le 10 janvier : et après ?” le Laboratoire de Boologie et de l’Intégral Développement (LaBooID) du Dr (MC) Raymond Coovi Assogba a voulu passer à la vitesse supérieur en organisant la 4e édition ainsi sous forme de colloque scientifique. Il y voit «le signe du boulevard que nous construisons pour unir l’enseignement supérieur à la pensée du Vodùn; et ce boulevard sera réservé aux pensées qui serviront de bouclier aux pandémies à l’impuissance intellectuelle des ”akowé” et aux délits des brebis galeuses qui ternissent la légitimité technologique de la communauté vodun.» La pertinence de cette initiative a vite convaincu l’École doctorale pluridisciplinaire Espaces‚ cultures et développement (Edp-Ecd) de la Faculté des sciences humaines et sociales (Fashs) qui a accepté de la parrainer. «Les rationalités cartésiennes basées sur la preuve, basées sur le principe de non contradiction, basées sur le principe de démonstration, d’expérience et d’expérimentation, sont-elles compatibles avec les rationalités du Vodùn ? qui ont tout une part de mystère, qui ont tout une part de l’insondable, qui ont tout une part de transcendant, autrement dit les savoirs du Vodùn se suffisent-ils des éléments de preuve, le Vodùn et ses savoirs s’introduisent-ils dans un environnement de preuve, ou s’introduisent-ils dans un environnement de foi, ou les deux»? a interrogé le directeur de l’Edp‚ Pr Placide Cledjo pour qui, c’est à cette question que vont tenter de répondre toutes les interventions dans les différents paliers prévus.
Le recteur de l’Uac‚ Pr Félicien Avlessi observe qu’il faudra dépasser le caractère festif de l’institution du 10 janvier. À ce titre espère-t-il‚ les assises doivent identifier dans le Vodùn ce qui peut aider entre autres‚ à «revisiter ou raffermir nos valeurs et pratiques éducatives‚ transmettre les compétences susceptibles d’accorder nos communautés au rythme du progrès technologique et édifier une conscience de plus en plus ouverte sur le sens de l’auto-prise en charge par les diplômés».
Pendant trois jours‚ d’intenses communications sont prévues pour non seulement redonner au Vodùn sa légitimité épistémologique mais aussi et surtout le repositionner au coeur du développement du Bénin. Cela‚ le gouvernement du président Talon l’a compris très tôt‚ a indiqué le Professeur Ansèque Gomez Coami. Ce qui explique‚ dit-il‚ les projets structurants prévus pour promouvoir ce patrimoine. Le colloque lancera‚ croit-il‚ les bases d’un renouveau scientifique. «L’Africain‚ précisément le Béninois ne peut se passer de la culture Vodùn»‚ a-t-il déclaré lors de son discours d’ouverture des travaux au nom de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique (Mesrs) dont il est le représentant.
D’éminentes personnalités ont rehaussé de leur présence la cérémonie d’ouverture dont Daagbo Hounon Hounan II. Accompagné d’autres dignitaires‚ ce chef spirituel suprême du Vodùn a dirigé la prière d’ouverture. Il a félicité «Les chercheurs qui osent des thèses sur le Vodun»‚ car «Pendant des années on ne connaissait que le fétiche au Bénin alors que là-bas (en Occident) on connait le Vodùn ». Et de conclure que «C’est une aberration d’appeler la réalité du Bénin fétiche». Que «l’intelligentsia traditionnelle soit invitée à présenter des thèmes» lors des prochaines éditions‚ a-t-il enfin suggéré. Autour de lui‚ Sa Majesté Agassa Sossa Guèdèhounguè‚ successeur du Vénérable Feu Sossa Guedehounguè; le Roi Agonglo; et Dodji Amouzouvi‚ professeur titulaire/Cames‚ directeur du Laboratoire d’analyse et de recherche religion‚ espace et développement (Larred). Étaient également présents‚ le Vén. Alphonse Gazozo Dansou‚ président du Syndicat national des médecins et intellectuels traditionnels du Bénin (Synamitrab), Pr Maxime da Cruz‚ recteur honoraire de l’Uac et et Médard Dominique Bada‚ professeur titulaire de Linguistique‚ roi d’Abomey-Calavi et des Doyens‚ Vice-doyens‚ directeurs d’entité et Chefs de département.
Le professeur Jérôme Alladayè‚ historien des religions a eu l’honneur de délivrer la communication inaugurale sur le thème : «Le Bénin‚ pays Vodun». Il y a montré que l’institution du 10 janvier n’est pas le “scandale du siècle” comme le pensent certains chrétiens sectaires qui souhaitent sa suppression; au contraire elle n’est que justice et équité dans un État laïc vu la place prépondérante qu’occupent les religions endogènes dans le coeur des populations. Son exposé qui comporte trois parties a fait ressortir les croyances basilaires du Vodùn‚ son organisation et fonctionnement et sa place dans l’environnement religieux du Bénin.
Ateliers
À l’issue de la cérémonie d’ouverture‚ les communications ont suivi avec l’Axe 1 intitulé : «Diagnostic des maux et vitalité humaine par les plantes dans une approche mantique» sous la présidence du Pr Rock Houngnihin et le Dr Vignigbé Marius comme rapporteur. L’atelier 1 a regroupé quatre communications. Primo‚ «Croyances et itinéraires thérapeutiques de la maladie mentale à Niamey»‚ donnée par Amadou Soumana, de l’Université Abdou Moumouni de Niamey (Niger). Secundo‚ «Culture traditionnelle de la santé : complémentarité du Fa, du Vodùn et des plantes» par Athanase Deguenon (Bénin). Tertio‚ «Facteurs de réticence au don de sang en milieu vodùn des Torinu de Tori-Bossito au Bénin»‚ développé par Alexandre Kokoun de l’Université d’Abomey-Calavi. Et enfin‚ la journée a été clôturée avec la communication sur thème «kpãlingã (griot) dans l’arène royale au sud Bénin : Cécile Ahomlanto, une femme contemporaine à l’assaut de l’art oratoire à Abomey»‚ exposée par Fiacre Anato.
Ce jeudi 20 janvier‚ la deuxième journée du colloque sera ouverte par une conférence inaugurale sur le thème «Sakpata et Xêbiosso : deux divinités de fonction judiciaire et éducationnelle en milieu Fon» par le Pr Paulin Hounsounon-Tolin de l’Uac. S’ensuivra une communication du Pr Dodji Amouzouvi sur le thème interrogatif : «Vodùn : dieu ou religion ? ».
Au total‚ 34 communications sont prévues pour le compte de ce colloque. Le public peut y participer en se rendant dans l’amphi Idriss Déby Itno.