Les ressortissants béninois en Chine sont en colère contre le gouvernement béninois. Ils dénoncent un mensonge d’Etat autour de la crise sanitaire qu’ils vivent et demandent à être évacués en un endroit sûr.
Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
Dans deux notes successives, le ministère des Affaires étrangères et de la coopération (Maec) a, dans un premier temps indiqué qu’aucun d’eux n’est infecté et qu’ils sont hors de danger. Le second communiqué en date du 5 février dernier indique qu’une assistance financière leur a été portée. Ce qui est faux, selon Prosper Amoussou, Secrétaire Général de la Fames (Fédération des amicales des étudiants et stagiaires Béninois en Chine).
Selon les preuves qu’ils nous a envoyées, les Béninois réunis au sein de la Fames ont, à travers leur président Guillaume Tchidi, adressé à l’ambassade du Bénin en Chine, le 31 janvier 2020, une demande d’assistance. <<Face à la situation grandissante, alarmante qui se précise dans la ville de Wuhan. Nous venons très respectueusement solliciter ce qui suit : • La fourniture de masque à nos frères qui se trouvent à Wuhan. Les masques étant devenu très rare mettant ainsi nos compatriotes vulnérables face l’épidémie ; • L’approvisionnement de denrée alimentaire qui devient rare pour eux et le soutien financier >>, ont-ils écrit. De plus, ils ont souhaité que les ressortissants “surtout ceux de Wuhan soient évacués et gardés sain et sauf”.
Suite à ces doléances, “Dans l’après-midi du mercredi 05 Février 2020, le Secrétaire Générale Fames a été contacté par l’Ambassade du Bénin près la Chine par téléphone qui a notifié qu’une somme de 1000 yuan par étudiant sera versée aux étudiants de la ville de Wuhan”. Cette annonce leur a paru très insignifiante face au drame qui se joue. <<Après concertation, avec le bureau des étudiants de Wuhan élargis à quelques anciens, il ressort que la crise qu’ils traversent va au-delà de 1000 yuan par étudiant à Wuhan, car c’est une question de vie humaine qui est en jeu. A l’unanimité nous avons formulé une réponse téléphonique à l’ambassade en lui demandant les éclaircissements suivants : 1-A quoi servira les 1000yuan ? ; 2-Quelle est la stratégie mise en place par l’ambassade pour la gestion de la crise à long terme ? ; 3-Une note officielle qui atteste l’entité qui donne l’argent et la somme exacte allouée en yuans.>>
Ils en étaient là “Dans l’attente de la note officielle” lorsque “à notre grande surprise, nous avons constaté sur les réseaux sociaux, un communiqué officiel N°002/MAEC/DC/SG/SGA/PFCOM du 05 Février 2020 publié par le ministère des affaires étrangères notifiant je cite : « Une assistance financière a été portée à chaque étudiant pour l’achat de masque de protection et autres produits de premières nécessités »”.
Et c’est ce qu’ils ont démenti hier à travers un communiqué de presse parvenu à notre rédaction. <<Nous venons par ce communiqué démentir cette information qu’aucun membre du bureau exécutif, ni de l’amicale de Wuhan, ni de la fédération n’a perçu aucun franc des mains des autorités à ce jour.>> lit-on dans le communiqué signé de Prosper Amoussou.
“aucun béninois de Wuhan n’est hors de danger”
Réagissant au premier communiqué du Maec, un Béninois en Chine nous avait écrit, reprochant à cette note de ne pas refléter la réalité. Voici son témoignage :
<<Je tenais à dire à l’auteur de l’article sur les Béninois actuellement à Wuhan, qu’il pouvait vérifier l’information au-delà du communiqué du ministère. C’était important. Et pour votre gouverne aucun béninois de Wuhan n’est hors de danger. Tous la vingtaine ici, sommes en danger. Nos camarades étudiants, 16 en l’occurrence, sont infectés et sont aujourd’hui dans le couloir de la mort. Pourtant, ils se sont protégés. Et telle la propagation du virus se fait nous ne sommes pas hors de danger. Nous sommes en danger et voulons quitter Wuhan. Nous n’arrivons pas à manger, il n’y a pratiquement plus d’eau potable, plus de kits basiques de protection. Des gens sont malades ici et ont besoin de médicaments, vous le savez ça, au moins ? Arrêtez de prendre pour Évangile les écrits de l’autorité. Et vérifiez les informations. Tout le monde est entrain d’être rapatriés. Nous nous sommes seuls. Plus aucun service public n’est fonctionnel, on ne peut d’ailleurs plus sortir de nos chambres. Le seul fait d’aller faire laver ses tenues dans l’immeuble est déjà à risque pour nous. Alors, prochainement quand vous voulez écrire de tels articles, faites de l’investigation et ne vous bases plus sur une parole, soit-elle de l’autorité.
Merci>>
Il est clair que la guerre autour du Coronavirus se tient entre Cotonou et Wuhan.
Wadoud Fadikpè, un ressortissant en Chine : “Qu’ils arrêtent de mentir…”
<<Ici en Chine par rapport au dernier recensement qu’on a eu à faire, nous sommes environ 400 étudiants béninois. Il y a 21 qui sont présents actuellement au Wuhan où le virus a commencé par sévir. Mais il y a un manque de communication autour de la maladie. Vous savez, tout le monde ici en Chine est sous la panique, sous la psychose. Tout le monde! On est tous en quarantaine. Moi par exemple, cela fait 12 jours que je ne suis pas sorti de chez moi. Et pourtant, je ne suis pas à Wuhan. Je suis à 100 kilomètres de Wuhan. Ma ville aussi est une ville qui est sur la liste rouge. Donc, ce n’est pas seulement au Wuhan que le truc se passe. C’est toute la Chine. Les gens disent que c’est Wuhan, non!
Nous ne forçons pas le gouvernement pour une assistance. S’ils le font c’est bon et s’ils ne le font pas aussi, ce n’est pas grave. Mais qu’ils arrêtent de mentir. Qu’ils arrêtent de mentir parce que actuellement, si un parent par exemple, veut acheter un billet d’avion à son enfant ou veut lui envoyer de l’argent pour lui porter assistance. Et ce dernier lit dans les journaux que le gouvernement béninois a porté assistance à tous les étudiants béninois qui sont Chine (sans préciser qu’ils sont en train d’envoyer de l’argent seulement à ce qui sont au Wuhan). Ils n’ont même pas encore envoyé l’argent. Nous avons appris seulement qu’ils vont porter assistance de 1000 yuan à chaque étudiant. Ce qui est vraiment insignifiant et n’est rien. Et jusque là, on a pas encore donné. A Wuhan, il y a 21 étudiants. Il ne faut pas qu’ils mettent tout le monde dans même le panier. Si un parent veut envoyer de l’argent à son enfant actuellement où bien veut faire rapatrier sont enfant et il lit dans les journaux que les béninois qui sont en Chine sont hors de danger et que l’ambassade est en communication avec eux et qu’on les a porté assistance, ce parent ne fera plus rien à son enfant. Cet enfant sera laisser pour compte. Or, nous sommes entre la vie et la mort tout les jours que Dieu fait. On ne sait même pas ce qui nous arrive. Tu ne peux même pas sortir pour manger. Tu ne peux rien faire. Ce que nous vivons aujourd’hui, il n’y a pas de différence avec la prison. Vraiment, cela nous dépasse. Il ne faut pas que les gens écrivent des trucs comme cela. Ils écrivent des truc dont eux-même n’en ont pas connaissance. Nous nous sommes sur le terrain ici. On sait ce que nous vivons.
Ils disent que nous sommes déjà hors de danger. Le vaccin n’est même pas encore trouvé. Jusqu’à présent, nous n’avons pas encore repris les cours. Il y a une autre ville actuellement à Nanchang. On m’a appelé aujourd’hui depuis Nanchang où l’Université a demandé aux étudiants de rentrer chez eux, qu’ils ne sont plus en mesure de les prendre en charge. Il leur ai demandé attendre une note de l’Université qui va leur dire quand est-ce qu’ils vont reprendre. Tous ces étudiants qui sont là-bas (je pense qu’il y a quatre à cinq béninois qui sont là-bas) sont en train de crier maintenant parce qu’ils ne savent pas à quel saint se vouer. En même temps les gens disent que nous sommes hors de danger. Quand je lis ces genres de truc, vraiment moi je ne sais plus quoi dire. Ils ne savent pas réellement ce qui se passe sur le terrain. Tous les jours, nous avons peur. Vont-ils attendre une minute de silence avant de venir au secours des gens? S’ils veulent venir au secours des gens, vont-ils attendre qu’ils soient dans la tombe pour porter assistance au tombeau? S’ils veulent faire quelque chose, ils n’ont qu’à le faire tant que nous avons encore ce souffle de vie parce que moi-même qui suis en train de parler ici, je ne sais pas si demain je vais chopper le virus et que dans sept jours je vais mourir. Je ne sais pas. Nous cotôyons la mort maintenant tous les jours. S’ils doivent attendre, qu’un béninois soit d’abord atteint du virus et qu’il soit hospitalisé où s’ils veulent qu’un béninois passe de vie à trépas avant qu’ils ne nous viennent en aide, il n’ont qu’à nous dire. Comme nous les béninois, nous aimons toujours une minutes de silence, et c’est fini. Après cela la vie continue.>>