Le dérèglement climatique et les pollutions de tout genre accentuent la crise de l’eau aux conséquences fâcheuses. Cette année, à l’occasion de la journée mondiale de l’eau du 22 mars, les Nations unies demandent du secours pour les victimes à travers le thème « Ne laisser personne de côté ». Le Dr Flavien Edia Dovonou, spécialiste du management environnemental et de la qualité de l’eau et enseignant à l’Institut national de l’eau (Ine-Uac) décrypte la situation. Il indique les défis à relever pour un accès universel à l’eau potable et recommande surtout la gestion rationnelle de cette ressource tarissable.
Propos recueillis par Sêmèvo Bonaventure AGBON
BI : Depuis 1993 la communauté internationale célèbre chaque 22 mars la journée mondiale de l’eau. Le thème retenu cette année par l’organisation des Nations unies est : « Ne laisser personne de côté ». Pourquoi ce thème ?
Dr Flavien Edia Dovonou : Ce thème parce que le constat en matière d’accès à l’eau potable est triste. Dans des régions du monde, le manque d’eau potable ou la consommation d’eau insalubre est devenue le quotidien de millions de personnes. On estime, en effet, à près de 663 000 000 le nombre de personnes dans le monde entier qui, chaque matin, font la queue avant d’avoir de l’eau potable. On a 2,3 milliards de personnes qui n’ont pas de l’eau potable et qui vivent de l’eau de surface. Une école sur quatre dans le monde ne dispose pas d’eau potable, donc les enfants ne boivent pas de l’eau après avoir mangé à l’école ou alors ils boivent de l’eau de qualité douteuse. Vous constatez avec moi que les handicapés, difficilement, ont accès à l’eau. De même que les personnes âgées. Aujourd’hui dans le monde, 700 enfants de moins de 5 ans meurent chaque jour parce qu’ils consomment de l’eau de qualité douteuse. Face à ce tableau lugubre, et vu que depuis 2010 il est décrété que l’accès à l’eau est un droit universel, l’Onu exige de « Ne laisser personne de côté ». Il s’agit d’attirer l’attention de toute la communauté sur ce droit.
BI : Qu’est-ce qu’il y a lieu de faire pour que personne ne soit laissée de côté ?
Dr Flavien Edia Dovonou : Il est déjà prévu dans le Programme du développement durable à l’échelle internationale qu’à l’horizon 2030, tout le monde doit avoir de l’eau en quantité et en qualité. Pour que cet objectif soit atteint, il y a des efforts à fournir. Primo, c’est de tout faire pour rapprocher les points d’eau des communautés à la base. Et secundo, faciliter l’accès à l’eau aux communautés à la base, accompagner les personnes handicapées par exemple et les personnes en situation difficile- les réfugiés de guerre- à avoir l’eau potable à portée de main.
Chez nous au Bénin il y a le Programme d’action du gouvernement (Pag) ; il y est clairement affiché qu’à l’horizon 2021 on doit pouvoir avoir de l’eau en quantité et en qualité pour tout le monde. C’est alors dans le but d’atteindre cet objectif que le thème « Ne laisser personne de côté » est choisi. Nous devons tout faire pour atteindre cet objectif.
Nous sommes aussi dans un contexte de dérèglement climatique qui provoque l’assèchement des points d’eau. Dans ces conditions, est-il possible d’atteindre cet objectif ? Comment trouver l’eau ?
C’est ce que nous appelons les crises de l’eau. Les crises de l’eau, c’est la pollution de la ressource et le dérèglement climatique qui amène à la rareté de la ressource. Alors, qu’est-ce qu’il faut faire ? C’est d’aller à la gestion durable et rationnelle de la ressource. Aujourd’hui nous faisons trop de gâchis en utilisant l’eau. Vous allez voir certaines personnes qui en voulant se brosser les dents, au lieu d’utiliser par exemple deux verres d’eau, elles utilisent dix litres d’eau parce qu’elles laissent le robinet ouvert. Aussi vous allez voir certaines structures où pour laver la voiture, au lieu d’utiliser à peine dix à vint litres d’eau, on préfère utiliser deux cent litres d’eau voire trois cent. C’est du gâchis ! Nous devons prendre conscience du fait que la ressource eau n’est pas intarissable, l’eau n’est pas inépuisable. Donc nous devons aller à la gestion rationnelle de cette ressource.
Le Bénin dispose-t-il d’assez de ressources en eau ?
Le Bénin est un pays bien arrosé. Quand on parle de ressource en eau, je pense aux eaux de surface et surtout aux ressources en eaux souterraines. Notre pays est donc suffisamment arrosé. Nous avons beaucoup de cours d’eau, de plans d’eau. Notre pays a beaucoup de ressources en eau souterraine parce que le réservoir est là, les aquifères sont vraiment chargés, mais attention ! Les risques de pollution sont là. Ce sont les risques de pollution qui font que l’eau existe mais on n’a pas de l’eau de qualité. La cité lacustre de Ganvié a de l’eau, mais Ganvié n’a pas d’eau potable. Il faut tout faire pour amener de l’eau à cette communauté qui vit sur l’eau mais manque d’eau potable. C’est très sérieux, il faut qu’on le fasse. Il n’y a pas que Ganvié. Il y a bien d’autres localités et des îles où les gens traversent l’eau avant d’aller chez eux mais n’ont pas de l’eau potable. Un effort doit donc être fait pour leur apporter l’eau potable.
La qualité de l’eau et la pollution toute azimute au Bénin. Que faire ?
L’eau et la pollution ne font pas bon ménage parce que les déchets polluent la ressource. Quand vous allez au niveau de nos berges lagunaires, les déchets pullulent et polluent nos cours et plans d’eau. La nappe phréatique à Cotonou est polluée parce que pendant des années nous avons enterré les déchets dans le sol. Ces déchets dans le sol se décomposent et polluent les puits de nos arrondissements de Cotonou. Je dis attention car il est plus facile de dissoudre un morceau de sucre dans un verre d’eau que de le retirer. Ce qui voudrait dire qu’il vaut mieux prévenir la pollution que d’aller à la dépollution qui est plus coûteuse.
Un appel ?
L’appel que j’ai à lancer à la communauté internationale et à mes concitoyens Béninois, c’est de savoir que sans eau pas de vie. Nous devons donc préserver la ressource, nous devons tout faire pour que tous les Béninois aient accès à l’eau en qualité et en quantité.
Cher Docteur,
Je suis de votre avis : une gestion saine et responsable va de l’intérêt de nous tous. Merci infiniment, doc.