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Entretien exclusif avec l’He Gérard Gbénonchi : « Le hautement social est déjà un acquis »

 Le chef de l’État dans son discours d’investiture le 23 mai dernier, a promis au peuple béninois que ce second quinquennat sera celui du « hautement social ». Cette annonce phare n’a laissé personne indifférent. Si cet engagement donne l’espoir d’un renforcement de l’amélioration des conditions de vie des citoyens béninois, son véritable contenu suscite néanmoins quelques interrogations. Que comprendre du “hautement social” annoncé par Patrice Talon ? Quel bilan social peut-on faire de l’ère Talon I ? L’Honorable Gérard Gbénonchi décrypte cette annonce et relève les vices du social auquel les citoyens étaient habitués. A ceux qui objectent « c’est la route qu’on va manger ? », il démontre « qu’on mange la route ». Interview exclusive.

Propos recueillis par Laurent KOKOU

Bénin Int. : Bonjour honorable. En faisant une telle promesse, le président de la République serait-il en train de donner raison à ceux qui pensent que le social était pratiquement absent au cours du premier mandat ?

He Gérard Gbénonchi : Merci beaucoup. La question telle qu’elle est posée, si je dois y répondre, on va travestir la réalité. Sinon, à l’investiture à Porto-Novo le 23 mai, le président Patrice Talon n’a pas dit qu’il place ce quinquennat sous le signe du social. Il a plutôt dit que le présent quinquennat sera hautement social. C’est exactement l’expression qu’il a utilisée. Et quand on dit hautement social, cela veut dire que ce sera plus haut. Ce qui suppose qu’il y avait quand même du social avant. Mais on aura droit à davantage du social. Autrement dit, c’est le mandat du social à grande échelle. C’est ce que je crois comprendre à travers les propos de Patrice Talon. Il est vrai que si on doit dire les choses telles qu’elles sont, c’est sous le volet du social que les critiques ont été acerbes contre la gouvernance de Patrice Talon pendant le premier quinquennat. Les gens lui ont reproché de ne pas faire du social. Mais pour moi qui suis président de la Commission des finances à l’Assemblée nationale, j’ai toujours dit que je n’ai pas la même lecture. En réalité, Le social est transversal, donc a plusieurs visages.

Quel bilan social peut-on établir du quinquennat Talon I ?

Je prends des mesures simples comme les cantines scolaires. Lorsqu’on permet à ce que, plus de la moitié des écoliers de notre pays puissent avoir chaque jour quand ils sont à l’école, un repas chaud aux frais du contribuable, ça c’est du social. Lorsqu’on amène de l’eau à ceux qui n’ont pas de l’eau et ils ne vont plus boire l’eau des marigots pour tomber malade et aller à l’hôpital au risque de mourir, l’économie qu’ils se font à cause de la bonne qualité de l’eau, ça rentre dans leurs poches, ça c’est du social. Je prends également la loi portant enrôlement dérogatoire à l’état civil qui a permis à environ 2,5 millions de béninois d’avoir des actes de naissance gratuitement aux frais du contribuable, c’est du social. L’argent que chacun devrait débourser pour avoir ce précieux sésame, au moins dix mille francs chacun, va rester dans leurs poches. Lorsque je prends l’asphaltage qui a permis de construire des routes ainsi que l’assainissement conséquent, toute chose qui rend la circulation plus aisée, c’est également du social. Aujourd’hui, nous ne sommes plus soumis aux grèves intempestives où vous voyez nos enfants errer dans les rues pour être soumis à toutes sortes de vices. Je pense que les parents sont très contents de cette avancée. Dans le secteur de la santé où on était habitué à des grèves sauvages inhumaines, où on laissait mourir les malades, ça n’existe plus. Je pense que ce sont des avancées à mettre à l’actif de l’ère Patrice Talon. Dans le secteur judiciaire, où on n’a plus ces grèves qui paralysaient l’appareil judiciaire pendant des mois, voire une année, je pense que tout cela permet aux justiciables de jouir de leur droit.

Quelle différence faîtes-vous entre le social que le Bénin avait connu et celui que prône le président Patrice Talon ?

Certains béninois sont encore nostalgiques d’une certaine forme de social. Ce social qui crétinisait, infantilisait et déshumanisait le béninois. Il n’était pas rare de voir nos mamans s’aligner devant le palais de la présidence de la République pour se faire distribuer cinq mille francs. C’est ça on appelait du social. À chaque voyage du chef de l’État, les bonnes dames des marchés quittaient leurs étalages pour aller se mettre sous le soleil afin de l’applaudir à son départ et à son retour moyennant quelques billets de banques. C’était ça on appelait du social. Les messes d’action de grâce qu’on organisait à chaque fois à l’intention du chef de l’État, des messes assorties de partage d’argent, c’était ça le social. Les défilés, ballets incessants, de corps constitués, des sages, des têtes couronnées, au palais de la Marina, c’était ça le social. Mais non, ce social fait du béninois un mendiant et ce n’est pas bon. Patrice Talon est venu avec un social beaucoup plus structuré. Il est structuré et permet que les béninois puissent en bénéficier sans s’en rendre compte. C’est ça le véritable social.

Concrètement, que met le président Patrice Talon dans le “hautement social” ?

Quand il dit que se sera hautement social, je suis en train de voir certains projets phares qui sont programmés pour ce quinquennat qui vient, tels que le Fonds national de développement agricole (Fnda). On va mettre cent milliards Fcfa à la disposition des jeunes qui ont des projets agricoles pour qu’ils puissent emprunter, et développer leurs projets. Cela permet à ces jeunes de sortir du lot des chômeurs ; de sortir de la précarité. Ça c’est du social structuré. Le Programme spécial d’insertion dans l’emploi (Psie) qui permet à des milliers de jeunes béninois d’aller faire leurs premières armes dans des entreprises et à la fin d’être employables et pouvoir bénéficier des ressources de l’État ou s’auto employer. C’est ça le vrai social. Ce qui est prévu dans le prochain quinquennat au plan éducatif, c’est que nos enfants déscolarisés seront orientés vers l’apprentissage et à la fin, l’État mettra à leur disposition les crédits pour s’installer ; acheter les premiers outils de travail afin d’être autonomes. Ça, c’est du hautement social. Tous ces projets mis en œuvre vont permettre de consommer une part importante du stock de chômeurs que nous avons. La transformation de la structure de l’éducation au Bénin pour permettre d’orienter les apprenants vers la formation professionnelle et technique afin d’être opérationnels sur le marché de l’emploi. Le social c’est aussi cela. Mais je ne vais pas m’arrêter à ces projets transversaux qui sont des projets qu’on devrait qualifier de social structuré. Je suis convaincu que le Patrice Talon que je connais pour avoir prononcé ce mot, a déjà prévu les moyens et les mécanismes pour réussir.

Quelle sera la part des fonctionnaires dans ce hautement social ?

J’ai l’assurance que le président Patrice Talon ne finira pas ce mandat sans faire un clin d’œil aux travailleurs. Je pense que le Smig sera revu à la hausse et je reste persuadé qu’il va s’attaquer à cette épineuse question de l’amélioration du point indiciaire des salaires des travailleurs. Mais rien qu’à voir les grands projets que je viens de citer, le hautement social est déjà un acquis.
Reconnaissez-vous au moins que le panier de la ménagère n’est pas du tout reluisant ?
En fait, les gens ont toujours critiqué Patrice Talon au motif que le panier de la ménagère souffre et que l’argent ne circule pas. Mais est-ce à dire que le gouvernement viendra se positionner au niveau des carrefours avec des cantines d’argent à distribuer ? Je ne pense pas. Aucun gouvernant ne fait ça et dans aucun pays au monde, cela ne se passe pas ainsi. Lorsqu’on parle de l’amélioration du panier de la ménagère, premièrement ça part de la bonne gouvernance. Lorsque le climat des affaires est amélioré, et que les entreprises fonctionnent bien et créent de la richesse, cette richesse est forcément redistribuée et touche tous les paniers de nos ménagères. Aussi faut-il reconnaître que le contenu de ce fameux panier de la ménagère est hétéroclite et je viens de citer beaucoup de choses tout à l’heure pour dire, que si les routes sont bonnes alors votre moto ne va plus se gâter et donc vous n’allez plus vers le mécanicien. L’économie que vous faîtes rentre dans le panier de la ménagère. Si les bonnes dames qui autrefois sont transportées sur des routes cahoteuses, avec pour conséquences les maux de dos et de reins, circulent désormais sur des routes de bonne qualité, elles seront épargnées de ces problèmes de santé et feront certainement des économies en n’allant plus à l’hôpital. Cette économie, rentre dans le panier de la ménagère. Donc, il y a plusieurs paramètres pour mesurer la qualité et le contenu du panier de la ménagère. Et quand les gens disent : c’est la route qu’on va manger ? Je leur réponds qu’on mange la route et je viens de démontrer comment on mange la route. Il faut donc retenir fondamentalement sur ce volet, que lorsqu’on conduit les grands travaux, les infrastructures qui améliorent notre économie, cela crée de l’emploi et par ricochet, de la richesse ce qui améliore le panier de la ménagère.

On ne saurait parler du volet social sous la rupture sans évoquer le projet Arch. En quoi ce projet va-t-il impacter les conditions de vie des béninois ?

Le projet Assurance pour le renforcement du capital humain (Arch) est le projet phare d’envergure sociale mis en place par le gouvernement Talon. C’est un projet innovant qui comporte plusieurs composantes dont celle de l’assurance maladie universelle. Ce volet va permettre à des milliers de béninois de se soigner soit gratuitement pour les plus indigents, soit à moindre coût pour les autres couches sociales. Alors, si vous ne dépensez plus pour les soins de santé et que vous êtes pris en charge aux frais de l’État, l’argent que vous ne déboursez plus, c’est ça le panier de la ménagère. Rien que la mise en œuvre et donc la généralisation de ce projet, va améliorer sensiblement les conditions de vie des populations. Le panier de la ménagère, n’est-ce pas aussi le coût des denrées vivrières sur le marché ?

Mais force est de constater que les denrées coûtent excessivement chères sur le marché. Comment la politique sociale du président Patrice Talon entend régler cet épineux problème ?

Le constat est réel. Mais vous savez que le Bénin a été soumis à une double crise : la crise liée à la fermeture des frontières du Nigéria et celle de la Covid-19. Cela a empêché la transaction entre pays frontaliers ce qui fait que lorsque les producteurs n’écoulent plus leurs productions et perdent ainsi les récoltes, beaucoup se sont découragés. Vous savez aussi que les pluies n’ont pas été au rendez-vous mais malgré cela, le Bénin s’est positivement illustré en étant premier producteur de coton en Afrique et premier producteur de vivriers dans l’espace Uemoa. Avec les réformes en cours dans le domaine de l’agriculture, il s’agira de produire abondamment, de sorte qu’il soit possible d’exporter tout en ayant suffisamment de vivres pour nourrir les béninois. Il nous faut donc atteindre l’autosuffisance agricole afin que ce soit le surplus qui soit exporté. Si ce surplus est vendu cher, je pense que ce sont les producteurs qui en sortiront gagnants. Donc la politique que mène le gouvernement, c’est qu’on puisse davantage produire mais qu’on puisse aussi trouver des marchés d’écoulement pour que les producteurs puissent placer et vendre leurs produits et se faire de l’argent.

L’autre annonce forte du chef de l’État au cours de son investiture était que désormais, le peuple pourra desserrer les ceintures. Quel est le véritable contenu de ce concept ?

C’est vrai qu’à son arrivée en 2016, le chef de l’État nous a demandé qu’on serre la ceinture. Il a eu à expliquer à plusieurs occasions ce que cela revêt. Je l’ai entendu expliquer le concept lors de sa tournée de reddition de compte. Serrer la ceinture, veut dire par exemple de ne plus voler l’argent publique, de travailler dur et de mériter son dû. Maintenant qu’il dit qu’on va desserrer les ceintures, serait-il en train de se dédire en ouvrant les vannes du vol, de la corruption, du favoritisme ? Non. Ce que cela veut dire concrètement, et le chef de l’État l’a rappelé est ceci : lorsque nous avons pu sécuriser nos ressources, lorsque les réformes engagées ont pu sécuriser les finances publiques, empêché les détournements, les vols d’argent public et qu’il y a de l’argent dans la caisse du pays pour être orienté vers la réalisation de projets d’envergure qui impactent la vie des béninois ; lorsque nous avons fini de faire les routes, de faire les investissements structurants, qu’est-ce qui reste ? Il ne reste plus beaucoup de choses. Si nous n’avons plus besoin de dépenser pour les routes, si nous n’avons plus besoin d’engloutir de gros sous pour les hôpitaux que nous avons fini de construire, si nous n’avons plus besoin de construire les salles de classe que nous avons fini de construire, l’argent qui reste, on fait quoi avec ? On améliore les conditions de vie des populations. On l’injecte dans le bien-être quotidien des béninois. On leur fait un clin d’œil. D’ailleurs le chef de l’État avait dit : “il faut produire avant de distribuer”. C’est justement ça le hautement social. Aujourd’hui, une fois que les finances publiques sont sécurisées et que les fondamentaux du développement sont posés, on peut par exemple commencer par améliorer les salaires, mettre plus de fonds à disposition pour que les jeunes puissent emprunter à des taux concurrentiels, c’est ça desserrer les ceintures. Desserrer la ceinture, c’est commencer à mettre de l’argent public à disposition pour que les béninois puissent emprunter et réaliser leurs projets.

Donc il ne s’agit nullement d’ouvrir quelques vannes autrefois verrouillées…

Pas du tout. Aucune vanne ne sera rouverte. Elles seront davantage fermées et je dis bien hermétiquement pour qu’on ne puisse pas voler l’argent public. Et lorsque l’argent public va rester et qu’on aura fini de réaliser les grands projets de développement, on peut puiser légitimement dedans pour satisfaire les besoins des béninois. C’est comme ça que la ceinture sera desserrée.
Vous avez donc espoir qu’à la fin de son second et dernier mandat, le président Patrice Talon sera effectivement porté en triomphe.

Est-ce que vous n’avez pas cette impression-là ? Il a fini le premier quinquennat avec succès. Au début, c’était difficile. Personne n’y croyait. Deux ans après, on ne voyait pas venir mais à partir de la troisième année, le moteur a pris et à la fin, tout le monde est unanime sur le fait que quelque chose s’est passé au Bénin, que les lignes ont bougé. Même si le président Patrice Talon ne s’arrêtait rien que sur ce mandat, il est déjà porté en triomphe. On n’oubliera jamais son nom. Maintenant que les béninois lui ont donné la chance de poursuivre la dynamique, il a dit qu’il entend faire trois fois ce qu’il a fait au premier mandat. Et ce président que je connais en tant qu’homme de parole, je n’ai nul doute qu’à la fin du quinquennat qu’il vient d’amorcer, il sera véritablement porté en triomphe pour mériter comme il l’a dit, le sobriquet “Agbonnon”.

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