La célébration de la fête annuelle du culte Oro dans la commune de Sakété est suspendue jusqu’à nouvel ordre par un arrêté du maire Nestor Idohou en date du vendredi 21 août. Raisons évoquées, la pandémie du Covid-19 et ‹‹les nécessités de service››. Ce qui fâche les adeptes et divise même.
Par Raymond FALADE
Depuis cette annonce, les adeptes et dignitaires du culte Oro sont divisés. Si d’aucuns apprécient cette décision, d’autres pensent par contre que le maire est allé très loin et menacent de ne pas respecter cet arrêté.
Le vendredi 6 août, le préfet du département du Plateau, Valère Setonnougbo a effectué une tournée dans les cinq communes où la divinité Oro est célébrée le mois d’août de chaque année (Ifangni, Sakété, Adja-Ouèrè, Kétou et Pobè). Au cours de cette séance d’échange qui a réuni autorités politico-administratives et dignitaires du culte Oro, l’autorité départementale les a informés du caractère sobre que doit prendre l’édition 2020 de cette célébration. Ceci, au regard du contexte particulier marqué par la pandémie du coronavirus et qui a amené le gouvernement à interdire les manifestations à caractère festif. C’est pourquoi, ‹‹ pour ne pas vous empêcher que vous fassiez des cérémonies, vous allez les faire de façon simple dans la forêt. Mais pas avec un grand nombre parce que la police sera en train de surveiller et s’il y a un grand nombre, nous allons vous disperser et on va mettre fin à la cérémonie. La nuit, on peut tourner un peu de zéro heure à quatre heures du matin, mais pas avec des chansons et tams-tams… Et vous savez qu’il n’y aura pas de fermeture les jours parce que les enfants vont commencer l’école dès lundi et jusqu’en septembre…›› avait déclaré le préfet à cette rencontre.
Une directive qui n’avait pas plu aux adeptes du culte Oro. Selon eux, la divinité n’est pas célébrée juste pour plaire. À les en croire, « elle est beaucoup plus vénérée dans les communes du Plateau pour diverses raisons. Lors des fermetures, la divinité Oro met en difficulté les mauvais esprits pouvant déranger la quiétude des populations de cette localité. Les différents sacrifices qui s’opèrent pour la bonne marche des choses dans la société sont rapidement exaucés. Pour preuve, il n’est pas rare de constater que certaines divinités révèlent à travers le Fâ leur incapacité de faire face à certains problèmes de la vie et c’est ainsi que la divinité Oro vient en appui pour conjurer le mauvais sort. Oro demeure la seule qui n’a jamais fléchi devant les problèmes auxquels elle fait face dans le monde. Elle est invoquée par an pour conjurer les mauvais esprits qui minent la société. L’interdire c’est faire appel soi-même aux difficultés de tout genre. Je ne vous apprends rien. Je veux dire, c’est très dangereux de ne pas l’invoquer en son temps. Nous risquons le pire qui n’épargnera personne. La fermeture du jour à mon avis serait le meilleur confinement qu’on puisse connaître en ces périodes. Si le préfet en a décidé ainsi, nous allons respecter l’ordre intimé par l’autorité, la distanciation et les mesures barrières seront respectées par tous les adeptes de cette divinité qui sont d’ailleurs mieux avertis. Quant à la reprise des classes, cela nous concerne tous. On ne refuse pas de décaler les jours des fermetures pour permettre à nos enfants d’aller à l’école. Mais ne pas fermer le jour peut engendrer des conséquences fâcheuses à la nature » avait expliqué l’un des responsables de la divinité dans le département du Plateau rapporté un journaliste de la localité.
Après la séance de travail avec le préfet, les dignitaires du culte Oro de la commune de Sakété ont multiplié entre eux des rencontres pour décider de la conduite à tenir face aux propositions du préfet. C’est ainsi que le dimanche 16 août, certains adeptes et dignitaires de la commune se sont retrouvés pour prendre une décision commune, celle d’annuler la célébration cette année. Pour eux, on ne saurait célébrer la fête de Oro en tenant compte des ‹‹injonctions du préfet››, c’est-à-dire, sans tam-tam ni fermeture. Ainsi, ils rendent « les autorités préfectorales et communales responsables des conséquences qui découleraient›› de la non célébration de cette fête culturelle et ancestrales faute de conditions normales pour faire les sacrifices nécessaires.
Le rapport de cette rencontre étant envoyé au maire Nestor Idohou, il a encore invité le vendredi 21 août, les adeptes et dignitaires de la divinité Oro pour une concertation. C’est à l’issue de cette séance que le maire a sorti l’arrêté qui suspend ‹‹jusqu’à nouvel ordre›› la célébration du culte Oro dans la commune de Sakété. À l’en croire, cette décision aurait été prise de commun accord avec les dignitaires.
Des voix discordantes
Très tôt, la publication de l’arrêté a suscité beaucoup d’indignation aussi bien chez les adeptes du culte Oro que les fils et filles des localités concernées. Ils accusent le maire d’être responsable de tout ce qui se passe. Pour Dominique Lahitan, c’est le maire qui devrait défendre sa commune et sa culture. ‹‹Au moment où le président Talon travaille pour valoriser les richesses culturelles du Bénin, interdire la fête de Osro est inadmissible.›› À l’en croire, ‹‹c’est l’une des divinités du département du Plateau qui résistent encore aujourd’hui››. Pour lui, la pandémie du coronavirus ne saurait justifier cette décision du maire. ‹‹Le maire a un autre objectif›› soutient-il. ‹‹Sinon, c’est pendant le coronavirus qu’on est allé voter pour que le maire soit là aujourd’hui non ? ››, interroge-t-il. ‹‹On peut interdire le regroupement, mais refuser que les tam-tams résonnent est exagéré›› ajoute-t-il.
Idrissou pour sa part estime que c’est parce que le maire ne maitrise pas Sakété. ‹‹Il a donné ainsi raison à ceux qui disaient hier qu’il ne maîtrise rien de la culture des Nago››, déclare ce dernier. ‹‹C’est une surprise pour les filles et fils nago du Plateau d’apprendre qu’il n’y aura pas la fête de Oro cette année ››, s’est désolé Jean A, un dignitaire Oro. Ce n’est pas à cause de la pandémie que la fête a été suspendue, croit-il. ‹‹Il y a une autre idée qui se cache derrière›› soutient-il. ‹‹Ceux qui circulent dans les marchés, qui prennent taxi en commun et qui circulent même sur les voies dépassent ceux qui vont célébrer cette fête ». Il accuse aussi les dignitaires qui ne sont pas unis. « Moi je suis d’accord qu’on puisse interdire par exemple, la fermeture du jours dans les centres villes, mais dans les villages, ce n’est pas possible››, tempête-t-il. ‹‹Les autorités veulent tout simplement supprimer la fête Oro et elles veulent profiter du coronavirus pour mettre en exécution leur plan››, conclu Jean A.
Des appels, et des menaces.
Pour nos interviewés, c’est le moment plus que jamais que chacun puisse jouer véritablement son rôle pour la valorisation des richesses culturelles de la commune et la pérennisation du culte Oro. Jean A. propose que le roi joue son rôle de gardien de la tradition. ‹‹Les ministres, députés, directeur général et autres natif de Sakété sont où ? Ont-ils abandonné les dignitaires Oro ? ›› se demande-t-pour les inviter à défendre leur culture. ‹‹ S’ils ne sont pas en mesure de le faire, ils n’ont qu’à supprimer Oro et on saura que les nago du Plateau n’ont plus une richesse culturelle particulière à vendre. Mais en le faisant, qu’ils n’oublient pas de supprimer les cultures des autres localités du pays pour que les gens sachent qu’au Bénin, la culture n’existe pas », s’emporte-il.
Confusion
L’édition 2020 de la fête Oro devrait démarrer le dimanche 23 août pour une durée de 17 jours dont 3 à 4 jours de fermeture selon les localités. Malgré la suspension par le maire Nestor Idohou, certains menacent toutefois que la fête se tiendra. Aux dernières nouvelles, les ‹‹appels de Oro›› qui marquent l’ouverture de la célébration ont été entendus dans plusieurs localités de la commune. Les tambours ont résonné et la divinité Oro aussi a répondu. Au niveau de la forêt centrale de la ville de Sakété, c’est après la cérémonie d’ouverture que les policiers républicains sont allés disperser les populations sorties pour nourrir leurs yeux, a indiqué un témoin. Dans le village Dèguè, précise toujours la source, les festivités ont été également lancées sans anicroche. Dans l’arrondissement d’Aguidi et un peu partout dans les autres arrondissements de la commune de Sakété, la cérémonie d’ouverture a eu lieu au niveau des différentes forêts sacrées renseignent nos sources.