Germain Iroko Ouédraogo Oussou a plusieurs casquettes. Auteur dramaturge, comédien, metteur en scène, entrepreneur culturel, gestionnaire et concepteur de projet, il est derrière le texte et la mise en scène du ‘’Trône vide’’ représenté, samedi 12 février dernier à l’espace culturel “Le Centre” de Lobozounkpa. Dans cet entretien‚ le diplômé de l’École internationale de théâtre du Bénin (Eitb) dévoile les coulisses de ce projet artistique mené sous la bannière de l’Union culturelle et artistique des étudiants (Ucae) de l’Université d’Abomey-Calavi.
Propos recueillis par Sêmèvo Bonaventure AGBON
Bénin Intelligent : Racontez-nous l’idée de ce texte. Elle vient d’où ?
Germain Iroko Ouédraogo Oussou : L’inspiration était venue un jour, je discutais avec mes jumeaux. J’étais revenu des Francophonies à Limoges en 2019. Je me suis rendu directement à l’Ucae à ma descente de l’avion parce que j’avais un souci lié à ma session Théâtre qui était en train de tanguer. J’ai rencontré les jumeaux qui m’ont dit qu’ils ont une idée : ils veulent un spectacle dans lequel les jumeaux vont se disputer un trône. J’ai dit ok, ça me dit. En tant qu’auteur j’ai écrit une première version que je leur ai exposée, ils ont dit qu’elle ne leur a pas convaincus. Je suis retournée en réécriture. Nous sommes allés à près de huit réécritures. La huitième ils ont toujours estimé n’avoir pas été convaincus. Alors je leur ai dit que nous allons essayer des choses dans l’espace. Ainsi ils ont vu les contraintes, et nous avons corrigé des choses. J’avoue que l’écriture m’a pris cinq mois sans pose.
Est-ce votre première sortie ?
La mise en scène m’a pris un an. Un an, à raison de deux répétitions par semaine. Nous avons sorti la grande première dans la grande salle du Fitheb sur billetterie, 2000F et la salle était pleine. La deuxième à l’université et la troisième à l’Espace Mayton. Nous avons fait également une quatrième sortie lors du Fedap Hwenusu (Festival de danses et de percussion). Nous sommes donc à notre cinquième ici à l’espace culturel « Le Centre ». Nous espérons continuer notre tournée.
Pourquoi vous avez choisi de construire la dispute du trône autour des êtres extraordinaires que sont les Hoxo, jumeaux ? Pourquoi pas simplement des frères ou juste deux concitoyens ?
Moi je suis Jumeau et dans notre culture ici, on ne peut pas traiter les Hoxo de façon inégalitaire, injuste. Autrement les jumeaux n’ont pas droit au trône. Voilà que le roi n’a que deux fils après dix ans d’infertilité et qui sont des Hoxo. On ne peut pas donner un à l’un et deux à l’autre. Voilà que le trône est un, indivisible. Partant de cette métaphore nous nous sommes dit : et si les jumeaux devaient se disputer un trône, qui va laisser qui s’asseoir ? L’aîné ou le cadet ? D’où nous avons bâti l’histoire sur ce nœud.
« Trône vide » soulève les questions politiques de l’Afrique. Les questions politiques, les rapports entre gouvernements, les capitalistes, les politiciens…L’Afrique aujourd’hui et le pouvoir. Que sera l’Afrique de demain avec ces despotes qu’on a au pouvoir ? Qu’est-ce qu’ils vont laisser demain comme continent aux générations futures ? Est-ce un trône vide ou un trône occupé par un patriote capable de conduire le peuple vers le bien-être ?
De votre représentation, que peut-on répondre ? Est-ce un trône définitivement vide puisque vous avez mis en scène des Hoxo qui n’ont pu accéder au trône. Le choix de ces êtres pour parler du pouvoir républicain en Afrique d’aujourd’hui n’est-il pas anachronique, trop poussé ? Est-ce qui ne faut pas que le trône ait après tout un occupant ?
Non, déjà que la reine a maudit le trône personne ne pourra durant l’éternité l’occuper. Ce n’est pas de la fiction. Les guerres autour du trône subsistent même dans notre Bénin encore.
Dans votre mise en scène on a senti un grand investissement aussi bien financier qu’intellectuel. On a vu divers tableaux, la prestation des Guèlèdè, etc. À peu près combien a coûté ce projet ?
Pour le projet ‘’Trône vide’’ les deux ans quelques mois environ de création (écriture, mise en scène et réécriture) on a dépensé plus de trois millions francs Cfa. Les artistes ont cotisé par jour. Des gens tombaient malades et nous les amenions aux soins. Certains n’avaient pas de moyens et on a dû supporter leurs frais de transport. Nous même, pour la grande première je me suis endetté. C’est normal ! Nous avons fait cette formation et c’est notre passion. La majorité s’est endettée, les artistes se sont endettés. Ils ont mis leur énergie dans le projet. Le comité s’est investi corps et âme.
Quelles sont les perspectives ?
Nous aimerions vivement que nos autorités aient un regard positif envers ce spectacle. Le Directeur des arts et du livre était venu au spectacle à l’espace Mayton et nous a fait des promesses. Des cadres du ministère du Tourisme, de la culture et des arts (Mtca) aussi. Sans oublier d’autres personnalités qui nous ont promis des accompagnements. Nous espérons toujours, que ce ne soit pas des promesses à la politique.