
On est sans doute admiratif de la fidélité du président Patrice Talon en amitié. Et surtout, son souci de cohérence, de stabilité et de constance relativement à l’équipe gouvernementale. Depuis l’avènement du renouveau démocratique, il semble être le chef d’Etat sous lequel les ‘’maux’’ « remaniement » et « limogeage » ont été très peu usités.
Avant le cas du Garde des sceaux Sévérin Quenum –non encore attesté par un décret- le seul limogeage sous Talon de mémoire d’homme, date de 2017 à travers le décret n°2017-468 du 18 septembre 2017 signé par lui-même : Hervé Hehomey avait été mis à la porte « pour n’avoir pas été un week-end au chevet des populations après une rupture de voie dans le nord du pays ». Limogeage de trompe-l’œil d’ailleurs, puisque celui-ci a fait depuis mai 2021 son comeback au sein du gouvernement.
Aussi, le premier vrai remaniement qu’il avait opéré remonte au vendredi 27 octobre 2018. Il a essentiellement permis de « remercier » les ministres d’alors, proches de l’opposant Sébastien Ajavon et qui occupaient les portefeuilles de l’Agriculture, de l’Économie numérique et de l’Enseignement primaire.
Excès ?
Le 13 mars, en présence de son homologue nigérien, Patrice Talon a certainement fait montre d’un « excès » de sincérité au sujet d’un remaniement ministériel ou non. Il aurait pu convoquer à l’occasion son célèbre « j’aviserai !». Ce qui aurait pour avantage de maintenir les ministres autour de lui dans le suspens, et surtout dans l’entrain.
En rassurant aussi péremptoirement qu’il n’a pas « envisagé » un remaniement, et qu’ « on en change pas une équipe qui gagne », Patrice Talon a assassiné l’espoir de ses autres partisans qui espéraient une entrée au gouvernement. Désir légitime. Ne pas être en mesure de la leur garantir pouvait être exprimé autrement. La réponse de Patrice Talon face aux caméras a donc déçu.
À trois ans de la fin de son second mandat, Patrice Talon a-t-il intérêt aujourd’hui à créer un « camp des insatisfaits » dans son propre camp ? Le risque direct est de voir ceux-ci devenir de ‘’nouveaux adhérents’’ aux « camps des insatisfaits » de l’opposition.
Si Patrice Talon n’a plus rien à perdre, une telle alliance constituerait quand même une sérieuse embuscade à son dauphin. Le chantre de la Rupture a, en effet, le devoir républicain de faire gagner les élections de 2026 à un dauphin crédible, afin de sécuriser les courageuses réformes entreprises sous son règne.
Insuffisance de résultats
Le chef de l’Etat pense-t-il vraiment que tous les ministres autour de lui, obtiennent des progrès dans leur sous-secteur ? Une large partie des Béninois ne serait pas du même avis. Certains d’entre ses collaborateurs méritent bien d’être remplacés pour « insuffisance de résultats ». Il est trop évident qu’ils ont du mal à traduire le pragmatisme, la vision et les ambitions du président Patrice Talon dans les domaines relevant de leur compétence.
Les nombreux scandales, le ras-le-bol qui a secoué les prisons ces derniers temps ne reflètent en rien le côté humaniste et paternel du chef de l’Etat. Patrice Talon est-il au courant des grognes liées à l’eau potable, la cherté de la vie, le manque de laboratoire, d’amphi, l’insuffisance d’enseignants qualifiés ? A ce jour, des enseignants avec près de dix ans de vacation sont toujours au chômage alors que des apprenants demeures sans encadreurs.
Les jeunes crient désespérément à la cherté des services des réseaux Gsm. Une situation critique complètement à l’antipode de la politique de dématérialisation et de la promotion du numérique. Bien d’autres sujets d’insatisfaction exigent de remplacer les maillons rouillés.
Par Sènakpon DOSSOU
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