Au Bénin, la sextorsion prend de plus en plus une proportion inquiétante. Les arnaqueurs se font de l’argent laissant derrière eux leurs victimes avec les conséquences sur les plans professionnel et social assorties parfois des cas de suicide. Pour lutter contre cette pratique, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’informations (Anssi) et l’Office central de répression de la cybercriminalité travaillent de commun accord pour traquer les auteurs. Dans cette interview exclusive, Guéric Gonçalves, analyste cybersécurité et agent à l’Anssi explique le mode opératoire des arnaqueurs, appelle les utilisateurs de l’internet à la vigilance et à protéger leurs photos et vidéos intimes. En moyenne une cinquantaine de plaintes de victimes locales et internationales sont enregistrées, a-t-il dévoilé.
Propos recueillis par Raymond FALADE
Bénin Intelligent : Qu’est-ce que la sextorsion ?
Guéric Gonçalves, analyste cyber sécurité : La sextorsion est une forme d’arnaque où des personnes mal intentionnées réussissent à gagner la confiance d’enfants, de jeunes ou d’adultes par le biais d’Internet. Au début, les conversations sont anodines et les acteurs malveillants paraissent dignes de confiance. Toutefois, le but de la sextorsion est d’obtenir des photos ou des vidéos compromettantes de la victime pour la soumettre à un chantage. En d’autres mots c’est l’utilisation du sexe comme moyen de pression ou du chantage par rapport à du contenu de la victime qui est gardée et dont l’acteur malveillant a possession.
Quand est-ce qu’on peut dire que quelqu’un est victime de sextorsion ?
On qualifie une victime de sextorsion à travers le chantage que cette dernière subit par une personne malveillante qui lui demande une compensation sous peine de dévoiler des vidéos intimes à ses proches ou sur Internet. En tant que cible de cette personne la victime subit des pressions. Reste à savoir dans certains cas si ces vidéos ou images sont montées ou véridiques. Dans le dernier cas de figure, protéger ses données personnelles est la première barrière contre ce type d’escroquerie.
Quelles peuvent être les conséquences sur la victime ?
Les conséquences de la sextorsion peuvent être professionnelles et/ou sociales. La victime peut perdre son emploi ou peine à en trouver, elle perd en réputation et en crédibilité. Si elle cède au chantage, il peut y avoir aussi des conséquences financières car la personne malveillante a tendance à demander des rémunérations de façon récurrente sous peine de publier la vidéo ou photo compromettante. Sur le plan psychologique, la sextorsion joue sur la peur et la honte du fait de son caractère intime, car la victime peut être vue comme perverse ou immorale aux yeux de ses proches et du public. Ces inquiétudes se transforment très vite en angoisses, entrainent une dépression et conduisent parfois au suicide.
Quand je suis victime de sextorsion, que dois-je faire ?
Vous devez tout d’abord en parler à quelqu’un de confiance si vous êtes mineure. Si vous êtes majeur, portez plainte au plus vite à l’Office central de répression de la cybercriminalité (Ocrc) ou à travers les canaux de l’Anssi, même si c’est déjà trop tard pour que justice soit faite par rapport à cela. De manière générale il faudra rester calme : l’arnaqueur n’a rien à gagner en publiant l’élément compromettant de suite s’il réclame une compensation. Il faudra conserver les preuves et signaler la tentative d’extorsion aux autorités compétentes.
Que font l’Anssi et l’Ocrc dans ce sens ?
Nous faisons tout notre possible pour pouvoir appréhender ces acteurs malveillants par tous les moyens possibles. L’Anssi et l’Ocrc coopèrent efficacement en ce qui concerne la lutte contre toutes les formes de cybercriminalité. La sextorsion est punie par la loi. Les institutions compétentes font de leur possible pour la faire respecter et aussi décourager ce fléau qui prend de plus en plus d’ampleur ces dernières années.
Justement au Bénin, le phénomène prend de plus en plus d’ampleur. Combien de plaintes recevez-vous au minimum par mois ou par an ?
Nous recevons en moyenne une cinquantaine de plaintes de victimes locales et internationales. Ce fléau touche également toutes les tranches d’âge, ce qui le rend très nuisible vu son ubiquité.
Que faites-vous après réception des plaintes ?
À la suite d’une plainte l’Ocrc et Anssi travaillent conjointement afin de réunir les preuves nécessaires pour une traduction en justice
La sextorsion met en jeu deux individus : la victime et l’arnaqueur. Les deux sont-ils punis par la loi ?
En aucun cas, la victime n’est punie par la loi car elle subit des conséquences de ce crime. Les auteurs doivent être punis selon la gravité de leurs actes.
Comment déposer une plainte à l’Anssi et quelle est la durée du traitement de la plainte ?
Déposer une plainte à l’Anssi se fait à travers nos divers canaux : notre site web, Facebook et twitter (par message privé)
Les plaintes se gèrent au cas par cas car aucun d’elle n’est la même. Ces enquêtes se font à partir de nos recherches et les preuves que nous collectons. Les autorités compétentes (Ocrc et Criet) se chargent de conclure l’enquête dans les règles de l’art. Donc, on ne peut déterminer une durée fixe des cas. La procédure, c’est que vous déposez une plainte à travers les canaux Ocrc ou Anssi. Le site web vous redirige vers notre formulaire de plainte afin qu’elle soit officielle. L’Anssi ou l’Ocrc contacte la victime pour écouter et recueillir les preuves afin de résoudre le cas le plus tôt possible.
Quelles sont les peines encourues par les auteurs de la sextorsion ?
La sextorsion est un cybercrime, donc punie par le Code du numérique. Les peines encourues sont de 3 à 15 ans en moyenne.
Quels conseils aux utilisateurs de l’internet ?
Pour les utilisateurs de l’internet, ne conservez jamais vos photos privées sur vos téléphones, ne les partagez pas en ligne ou avec vos proches puis soyez vigilants de vos publications en ligne car tout ce qu’on poste sur Internet y reste à jamais.