Le procès du professeur Joël Aïvo a connu son épilogue vers 2h du mardi 7 décembre. Retenu depuis 8 mois‚ l’homme a été à condamné à 10 ans de détention criminelle ferme plus 45 millions Fcfa d’amende. Il était poursuivi pour complot contre l’autorité de l’État et blanchiment de capitaux”. Il a toujours clamé son innocence.
Les deux autres accusés‚ Boni Sare Issiakou et Ibrahim Bachabi Moudjaidou ont écopés également de 10 ans de détention criminelle ferme plus 5 millions 700 Fcfa d’amende. Seul le comptable du professeur‚ Alain Dotou Gnonlonfou, a été acquitté au bénéfice du doute.
Pilule amère
Relaxe pure et simple ou à défaut‚ un non-lieu. C’était l’attente de ses partisans. Et ils ont prié pour. Pas une lourde condamnation à 10 ans de prison ferme assortis de 45 millions francs d’amende. Hélas ! C’est le «résultat du procès de la honte»‚ commente le politologue Richard Boni Ouorou. Tout comme l’accusé qui a plaidé non coupable jusqu’au bout‚ ses admirateurs n’hésitent pas aussi à y voir une persécution politique.
Difficile de prédire que le conseil du condamné exercera le droit d’interjeter appel au profit de leur client. Les avocats restent indécis sur la question. «Nous aviserons»‚ a indiqué Me Robert Dossou. Et si…le condamné n’obtient pas gain de cause à l’issue de l’appel ? D’aucuns prédisent que seule une grâce présidentielle sortirait le professeur Aïvo d’affaire. Le président Talon répondra-t-il favorablement à une telle doléance au moment opportun ?
Par Sènankpon DOSSOU
Verbatin des propos de Aïvo à la barre
1-« Madame la Présidente, messieurs les accesseurs. Il ne revient pas à la justice criminelle d’arbitrer les adversités politiques.
Ensuite, j’aimerais vous faire remarquer que seule la démocratie est éternelle. On peut en sortir mais croyez-moi, on y revient toujours. La démocratie, c’est la sécurité et la sûreté pour tous. Hors de la démocratie, c’est l’aventure pour nous tous. Aujourd’hui c’est moi, à qui le tour demain ?
Pour finir Madame la Présidente, Messieurs les accesseurs, depuis le 15 avril, j’ai décidé de faire don de ma personne à notre pays. Vous êtes aussi des enfants de ce pays, faites de moi ce que vous voulez. »
2-« Depuis huit (08) mois, l’État m’a abandonné et livré à mes adversaires politiques. Depuis huit (08) mois, je n’ai rencontré sur mon chemin de croix aucun serviteur de l’État soucieux de mes droits. Madame la Présidente, l’État m’a abandonné aux mains de mes accusateurs qui ont eu le loisir de faire de moi ce qu’ils ont voulu et parfois en violant les lois de la République. En huit (08) mois, on m’a affligé toute forme d’humiliation : Me voici en gilet de prisonnier devant vous. J’en ai en bleu barré jaune fluor et en bleu barré rouge fluor. Je suis présenté devant le Procureur Spécial, je suis présenté au Juge d’Instruction, puis enfin en session criminelle. Comme un criminel. J’ai connu la sirène hurlante de la Police et de la voiture des prisonniers. J’ai même connu les menottes, oui les menottes, car figurez-vous, que le Capitaine Rodrigue RIDAGBA, Régisseur de la Prison Civile de Cotonou m’a posé les menottes pour quelques minutes sur un trajet de moins de dix (10) mètres à l’intérieur de la prison avant de me les enlever une fois dans la voiture. Evidemment, chacun savoure le trophée qu’il tient en main. Madame la Présidente, j’ai dit que l’État m’a livré à la vengeance et à la punition de mes adversaires et que la justice ne s’est jamais préoccupée de mes droits. Au contraire. En prison j’ai connu l’insalubrité de ma cellule, l’indignité, l’humiliation de recevoir mon épouse debout et parfois sous la pluie. Depuis huit (08) mois, je n’ai jamais pu m’asseoir avec ma femme pour régler les problèmes de nos enfants. Cette maltraitance que je subis depuis huit (08) mois sans avoir rien fait à personne, c’est mon chemin de croix. Je porte ma croix depuis huit (08) mois et je serai prêt, si c’est votre décision, à reprendre ma croix et à la porter de nouveau avec dignité et patriotisme. »
3-« Mais, je voudrais que vous sachiez que la prison qui m’est infligée n’est pas ce que j’ai le plus redoutée dans ce parcours. Pendant deux ans, sur les routes du Bénin, à la rencontre des béninois, de ville en ville, de village en village, j’ai vécu avec l’idée d’être assassiné sans trace, car je savais que mes idées dérangeaient. Madame, Messieurs les juges, l’Éternel ne l’a pas ainsi décidé. Me voici donc vivant devant votre Cour. Je ne suis pas mort, je peux donc porter sur mes épaules une croix. »
4-« Madame la Présidente, je ne suis dupe de rien. Je suis poursuivi pour avoir incarnée une alternative démocratique pour mon pays. Je suis poursuivi pour avoir préparé une candidature indépendante capable de provoquer l’alternance au sommet de l’Etat. Et la violence du traitement qui m’est infligé depuis le 15 avril 2021 est à la hauteur du signal fort que le régime actuel veut lancer à quiconque sera tenté par une candidature crédible et non contrôlée par le régime. Mais la brutalité de l’injustice qui me frappe de plein fouet suffira-t-elle à dissuader demain, dix (10) millions de béninois de s’engager pour la défense de leur pays et surtout nourrir des ambitions pour leur pays ? j’en doute fort ».