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Les enfants : martyrs près des lois

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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Que ce soit au plan international ou local, les instruments juridiques poursuivant la protection des enfants ont foisonné ces dernières années. Mais dans les faits, une enfance épanouie reste un objectif encore loin à atteindre. Tant les maux à panser pour y arriver sont assez ancrés et diversifiés.

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON

Salle polyvalente de la Chaire Unesco de l’Université d’Abomey-Calavi. Mardi 12 juin. C’est le tour de Ralmeg Drelaie David Gandaho, président du Conseil d’administration de l’Ong Changement Social Bénin (Csb) de donner la communication inaugurale dans le cadre du colloque sur le thème « Protection de l’enfant au Bénin : des textes

Ralmeg Gandaho, président du Conseil d’administration de l’Ong Changement Social Bénin

Ralmeg Gandaho, président du Conseil d’administration de l’Ong Changement Social Bénin

aux réalités », organisé par la Csb avec l’appui de l’ambassade de France. Une présentation assez longue mais qui a semblé très courte au regard des réalités décrites, chiffres à l’appui qui ont donné la chair de poule à l’auditoire. Il démontrait que « Malgré l’existence du cadre légal et institutionnel, les violations des droits des enfants persistent au Bénin ». Pour illustration, il a évoqué « quelques faits et constats…, tirés de divers rapports sur des pratiques de violation des droits de l’enfant, témoignent de la résurgence des actes de violation des droits des enfants ». Ils ont pour noms :

  • Les abus sexuels

« Un jour elle est allée au champ pour chercher des légumes, il y a un jeune homme de 29 ans qui allait aussi recueillir le vin de palme dans le champ. Donc aussitôt aperçu la fille, il se dirigea vers elle pour lui dire qu’il y a longtemps qu’il la désirait et elle est là à ne rien dire. Mais aujourd’hui “nous allons nous amuser”. La fille répond en disant mais…quel amusement ? Le jeune répond qu’il va tenir un rapport sexuel avec elle. La fille voulant crier, le jeune homme l’a renversée et lui dit si elle crie encore qu’il va la charcuter avec son coupe-coupe. La fille en voulant insister, le garçon met un pagne dans sa bouche et envoie le pénis dans son vagin et c’est le sang qui commence par couler sérieusement par la suite. Ayant appris l’histoire, nous l’avons amené à l’hôpital et après les soins on nous a délivré un certificat médical. J’ai mené toutes les démarches nécessaires pour interpeler le type mais vous savez qu’il a pris la fuite et est parti complètement ! Il a complètement quitté le pays pour aller s’installer au Nigéria et n’est pas encore de retour jusqu’à ce jour ». Ce témoignage vient de l’« Enquête TRaC sur la capacité d’identification, de prévention et de dénonciation des abus sexuel faits aux enfants y compris le mariage des enfants dans 12 communes du Bénin », a indiqué le communicateur.

  • La mendicité

Selon le rapport consacré au phénomène, quelque 4003 enfants sont impliqués dans la mendicité dans trois grandes villes béninoises que sont Cotonou, Malanville et Parakou. « Le phénomène touche plus Malanville (41% des enfants en situation de mendicité estimés pour les 3 villes contre 35% à Cotonou et 24% à Parakou). Près de la moitié (45%) des enfants en situation de mendicité recensés dans les trois (3) villes sont des talibés », a rapporté Ralmeg Gandaho. Ce moyen de survie se déroule dans des conditions de vie effroyables : « Un environnement morbide associé à de longues heures de marche parfois pieds nus sous le soleil et la pluie marquent la vie des enfants en situation de mendicité. Les investigations indiquent que plus de la moitié (52%) de ces enfants ont passé la nuit précédant l’enquête en dehors de leur maison ».

  • Les mutilations génitales

Les mutilations génitales féminines persistent dans certaines régions, révèlent une étude réalisée par OFFE en décembre 2017. Une pratique à hauts risques pourtant. En effet, « certaines filles meurent après l’excision à cause de l’hémorragie ou pour n’avoir pas supporté les douleurs. J’ai été quelques fois confrontée à ces genres de situations », témoigne une exciseuse reconvertie de Sékégourou, le 18 juillet 2017, a cité Ralmeg Gandaho.

  • La prostitution de survie

Abandonnées, orphelines, ou simplement dépourvues de moyens de subsistance, des filles de 13 à 17 ans ne trouvent parfois que dans la prostitution ou pornographie leur ‘’salut’’. Pour l’illustrer, le président du Conseil d’administration de l’Ong Changement social Bénin s’est appuyé sur l’ « Enquête sur la prostitution et la pornographie impliquant les enfants dans les villes de Cotonou et de Malanville réalisée par l’OFFE en juin 2016 ». Certaines des filles rencontrées au cours de ladite enquête, témoignent :  Primo « Je préfère les étrangers surtout les ” Ibo” (Nigeria). Avec eux, c’est mieux et ils paient bien. Ils ont même mon numéro de téléphone et ils m’appellent au besoin. Or avec nos frères béninois ça devient comme de l’embêtement et moi je n’aime pas », fille, 17ans (Cotonou). Secundo : « Je suis orpheline de mère. Mon père est au Gabon. C’est là-bas que je suis née avant de venir au Bénin. Je fréquentais quand je suis tombée enceinte et j’ai laissé l’école. L’enfant est avec ma sœur à Porto Novo et c’est l’homme qui s’occupe de lui. C’est comme ça que j’ai connu une dame à Porto- Novo et c’est elle qui m’a initié à la prostitution. Je fais ce métier depuis moins de deux ans. Je fais ça parce que je n’ai pas appris et je n’ai rien d’autre à faire et ça me permet de subvenir à mes besoins. Je fais ce métier seul, je n’ai pas d’ami ici. Quand je quitte chez moi je viens directement ici. Je fais le travail avec les clients. Quand je viens ici, je me positionne au bord de la voie et les hommes passe. Comme tu vois ce client qui a garé sa moto et est entrain de m’appeler. Je m’approche d’eux et ils me demandent le prix. Quand je dis le prix, on discute et si c’est bon, je pars avec eux soit dans les auberges, soit dans les hôtels. On fait l’amour, il me donne mon argent et je reviens ici sur le site pour chercher un autre client et ainsi de suite. Je donne aussi mon numéro de téléphone aux clients qui appellent quand ils ont besoin de moi. Je fréquente ici le site de Gbégamey seulement. Il y a tout genre de fille ici. Mais c’est les filles qui manquent de moyens. Il y a aussi les élèves surtout pendant les vacances… En moyenne, on gagne 20.000 F par jour. Mais tu peux venir ici, ne rien gagner et rentrer les poches vides. La passe n’a pas un prix fixe, ça dépend de ce que le client veut. L’argent gagné est utilisé pour s’entretenir, s’habiller, manger payer le loyer, mon enfant aussi et un peu d’économie. Souvent c’est quelqu’un qui est proche à toi qui t’initie surtout dans les périodes de difficulté. Je ne maitrise pas comment les nouveaux sont accueillis », une fille de 17 ans orpheline impliquée dans la prostitution de survie.

  • Enfin, les violences et mariages précoces

Dans leur majorité écrasante, les enfants entre 1 à 14 ans sont en proie aux châtiments corporels ou agression psychologique, selon une enquête Mics. De même, elle indique, selon le communicateur, « que 8.8% des femmes de 15-49 ans ont été mariées ou en union avant l’âge de 15 ans et que 32% des femmes de 20-49 ans ont été mariées ou étaient en union avant l’âge de 18 ans (Unicef, 2014) ». Par ailleurs, a-t-il ajouté, les personnes atteintes d’albinisme subissent de mauvais traitements à cause de leur peau. « Selon le rapport sur l’état des lieux de la situation des enfants handicapés dans les communes de Gogounou, Karimama, Malanville, Segbana, So-Ava et Za-Kpota « les albinos continuent d’être considérés comme des hommes “sacrés” ; aussi dans les villages y-a-t-il encore des sourds qui ne vivent que dans les couvents parce qu’ils ont des vertus sacrées », a-t-il déploré.

Recommandations onusiennes

En résumé, certaines pratiques traditionnelles, l’exploitation économique, les enlèvements, les mariages précoces et forcés, l’infanticide, la maltraitance et les mutilations génitales sont les goulets d’étranglement pour l’épanouissement des enfants. Leur résurgence, a souligné Ralmeg Gandaho, a valu au Bénin de nombreuses recommandations lors de l’Examen périodique universel (Epu) à la 28ème session du Conseil des droits de l’homme en 2017. L’Onu exhorte donc, entre autres, à l’accélération de la mise en œuvre du Code de l’enfant en vue d’éliminer les pratiques préjudiciables aux enfants ; l’intensification des efforts pour faire mieux respecter l’interdiction des mutilations génitales féminines dans toutes les régions du pays et chez tous les groupes de population avec la mise en place de foyers d’accueil pour faire baisser le nombre de cas de mutilations génitales féminines dans le pays ; et la sensibilisation du public à l’interdiction du travail des enfants, compte tenu en particulier de la coutume consistant à placer un enfant, généralement une fillette, dans une famille plus aisée que la sienne qui l’engage comme domestique, contexte propice à la commission d’actes relevant de la traite des personnes.

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