En ce dimanche ensoleillé du 31 octobre, des véhicules d’officiels prennent d’assaut Avloh-plage, dans la commune de Grand-Popo. La présence massive de journalistes, cadreurs et d’adeptes Vodun singuliers par leurs parements, présage un événement de taille. À onze heures quarante, l’invité attendu fait son apparition au milieu des cris de motards. Tous accourent. De l’eau fraîche versée par terre en guise de bienvenue. Ousmane Diagana foule ainsi le Bénin pour la toute première fois depuis son ascension au poste de vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’ouest et centrale.
Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
Accueilli entre autres par le maire de la commune et le préfet du département, la première occupation de l’étranger est une visite guidée des travaux d’urgence d’aménagement et de stabilisation de la berge sud du fleuve Mono réalisés dans le cadre de « Waca ». Approuvé en 2018, ce programme constitue une plateforme fédératrice qui assiste les pays d’Afrique de l’Ouest dans la gestion durable de leurs zones côtières et le renforcement de leur résilience socio-économique face aux effets du changement climatique.
Veste bleue, cache-nez blanc au point, les yeux dissimulés derrière les lunettes, le Vp/Bm écoute et constate d’une maquette à l’autre l’évolution des travaux et les résultats salutaires déjà obtenus. Eliassou Hamidou Seko fournit les explications au cortège. Coordonnateur général de l’Unité intégrée de gestion des projets (Uigp) du ministère du Cadre de vie et du développement durable (Mcvdd), il rappelle que les travaux ont été dictés par une urgence climatique. En effet, l’érosion galopante de la berge menaçait d’effacer la « Place du 10 Janvier », site hautement culturel, culturel et touristique qui accueille annuellement près de vingt-cinq mille adeptes et curieux. De plus, des routes, écoles, cimetières… situées entre l’océan Atlantique et la lagune côtière et neuf villages de 25 569 habitants n’étaient pas aussi épargnés. Avec une vitesse d’érosion de 2m par an, le Bénin a perdu au niveau de ce site, 4m entre 2019-2021. D’où « Les travaux d’urgence ont consisté à faire du dragage du lit pour résorber les problèmes d’érosion que nous observons. Il fallait redonner une profondeur au lit mineur du cours d’eau et les sables issus de ce dragage servent à revêtir la rive », décrit Eliassou Hamidou Seko. Après quelques mois seulement, la rive est maintenant stabilisé sur près de 700 mètres et l’ouverture mécanique de l’embouchure de la rivière permet un écoulement régulier des eaux fluviales vers l’océan pendant les fortes pluies. Ousmane Diagana a pu marcher sereinement sur les terres fermes arrachées à la mer.
Le Bénin de Patrice Talon rêve grand. Il ne compte pas se contenter de travaux d’urgence précaires. Il envisage un aménagement durable. Un revêtement en enrochement est donc prévu tout le long de la berge. Les travaux de dragage se poursuivront. « Tel qu’on a stabilisé, les courants qui étaient responsables du déplacement de la rive suivront la ligne historique pour rejoindre l’île et continuer vers l’embouchure. Là on règlera le problème d’inondation qui se pose au niveau de l’arrondissement et nous aurons réglé aussi le problème d’érosion de la berge », détaille le coordonnateur. Ces travaux garantiront une durabilité d’au moins 50 ans, la longueur de la berge sera repoussée à plus de 250m, dévoile Eliassou Hamidou Seko. Conformément à sa vocation touristique, un embarcadère émergera de la reconstitution de la rive, ce qui permettra la reprise des activités économiques et touristiques avec un impact sur la réduction de la pauvreté dans la localité. La maquette qui miroite ce futur est digne d’admiration. L’image renvoie bien à une belle plage fleurie de jolis cocotiers en ordre et des lampadaires.
Gap à combler
Ambitieux projet qui demande quand même un lourd investissement financier. Si le Bénin doit aller au-delà des travaux d’urgence d’aménagement et de stabilisation, onze millions d’euro sont nécessaires contre actuellement, une disponibilité de 2,5 millions d’euro. « Soit s’adapte avec une bonne durabilité soit on se contente des travaux de stabilisation, ce qui sera vraiment dommage », redoute l’autorité préfectorale. Dèdègnon Bienvenu Milohin saisit alors la présence du vice-président de la Banque mondiale. « Pour nous, perdre cette Place est une grosse perte et heureusement cette phase d’urgence a été initiée pour sécuriser le domaine. Nous voulons plus à travers ce projet à long terme », confesse-t-il. Par conséquent, « pouvoir concrétiser ce projet en mobilisant le gap qu’il faut va rehausser la valeur culturelle et cultuelle de ce lieu. Nous voudrions donc solliciter la Banque mondiale de nous aider à combler ce gap financier », formule-t-il. Une doléance appuyée par le maire Jocélyn Ahyi Coué. Lui-même très satisfait des travaux d’urgence souhaite qu’on aille loin. « L’essentiel c’est de pouvoir sauver et d’aller vers des solutions durables. C’est pourquoi le gouvernement du Bénin n’a pas relâché et a continué par taper la porte aux partenaires financiers pour qu’ils viennent assister comme d’habitude afin qu’on ait un projet définitif qui pourrait durer sur 50 ans environ », insiste-t-il.

Assurance
Si les autorités préfectorale et communale auraient souhaité une réponse claire de la part du visiteur de marque, lui a préféré un langage diplomatique face aux journalistes qui ont voulu savoir à quel hauteur la Banque mondiale pourrait soutenir le Bénin dans la mobilisation des 8,5 millions d’euro manquant. Certes Ousmane Diagana a compris la justesse du plaidoyer mais, « On ne peut pas parler de montant », objecte-il. « Nous travaillons déjà avec le Bénin dans beaucoup de domaines. Certes le développement durable, le développement des communautés c’est une priorité et nous allons soutenir les pays », assure-t-il tout court. Le changement climatique affecte tous les pays. En cela « ce qui a été fait à Grand-Popo est très encourageant mais la problématique est beaucoup plus grande et par conséquent, il faut travailler dans la durée pour apporter une solution qui permette à ces communautés et que cet endroit qui est si riche sur le plan culturel et cultuel puisse être protégé », reconnaît-il. Le vice-président a alors conclu sa visite guidée sur la promesse de la poursuite du partenariat entre le Bénin et la Banque mondiale au profit du développement économique en général.
En juin 2021, la Banque mondiale a approuvé un financement additionnel de 36 millions de dollars de l’Association internationale de développement (Ida) pour aider le Bénin et le Togo à lutter contre la dégradation avancée de leur littoral. « La protection de la côte devient une urgence régionale absolue pour préserver les activités économiques et garantir la survie de millions de personnes menacées par la dégradation du littoral ouest-africain », avait reconnu Deborah L. Wetzel, directrice de l’intégration régionale pour l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à la Banque mondiale.