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Souska Antoine Kassa, Rp du Pndpe/Materi et de Cobly : « La malnutrition était perçue comme une maladie d’origine spirituelle »

Malnutrition projet Pndpe

Au niveau des communes de Materi et de Cobly dans l’Atacora ouest, Souska Antoine Kassa est responsable du Projet de nutrition et de développement de la petite enfance (Pndpe) financé par la Banque mondiale. Il parle de plus de 18000 enfants impactés, même si des difficultés se sont révélées dans la mise en œuvre. Il salue surtout le changement de comportement induit par le projet au niveau des communautés qui concevaient la malnutrition tout sauf comme une maladie d’origine alimentaire.  

Propos recueillis par Sêmèvo Bonaventure AGBON

 

Bénin Intelligent : Quel est selon vous, l’impact social le plus marquant du Pndpe dans votre région ?

Souska Antoine Kassa : Il faut dire que par rapport à la nutrition et au développement de la petite enfance, au démarrage des activités la malnutrition était perçue, pas comme une maladie alimentaire, mais comme d’origine spirituelle, donc liée aux actions des sorciers, des pratiques occultes qui envoûtent les enfants qui présentent des formes de malnutrition.

Mais lorsque les activités ont démarré par des sensibilisations et les références des enfants malnutris, l’alimentation équilibrée par des démonstrations culinaires et les foyers d’apprentissage, ces enfants qui étaient soupçonnés comme étant envoûtés ont récupéré. Donc très tôt les parents ont compris que contrairement aux pensées ou antécédents qu’ils avaient, cette maladie n’est pas forcément liée aux pratiques occultes et que c’est vraiment une mauvaise alimentation et l’alimentation déséquilibrée qui conduisent à la malnutrition.

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Aujourd’hui on peut considérer que le projet a un impact positif lié aux questions de nutrition avec les causes qui sous-tendent ces différentes pratiques. L’impact aussi positif que le projet a généré, est lié au développement de la petite enfance, la stimulation et l’éveil à travers les contes, panégyriques, et d’autres activités ludiques qui entretiennent l’enfant, permettent tôt de déceler si l’enfant couve en lui des malformations et il pourra être facilement référencé.

Donc cette restauration de nos pratiques culturelles, à travers chants, danses, contes, panégyriques…a davantage galvanisé, impliqué les communautés à comprendre que, au-delà des questions alimentaires, il y a l’épanouissement, il y a les hormones que le bienêtre génère. Par rapport à ces aspects il faut davantage attirer les communautés autour des activités.

Aussi, l’animation des espaces communautaires a créé en quelque sorte au sein des villages un dialogue entre la jeune génération et la nouvelle génération. Parce que les gens qui avaient des savoir-faire en termes de chant et de danse viennent les enseigner aux enfants, cela crée un espace ludique de réjouissance. Cela également a été un impact positif.

A-t-on aujourd’hui une idée du nombre d’enfants impacté ?

En ce qui concerne Materi nous avons 8000 enfants qui sont impactés. A Cobly nous avons plus de 10 000 enfants qui sont impactés. Chaque animateur a en charge au moins mille enfants, or nous avons 10 animateurs à Cobly et 8 à Materi.

Quand on parle de malnutrition, c’est une alimentation déséquilibrée qui l’induit progressivement. Au niveau communautaire il y a des femmes qui savent concevoir ce qu’on appelle ‘’farine enrichie’’ pour permettre la prise en charge des enfants malnutris. Nous avons également la promotion des jardins de case. Quand vous arrivez au nord aujourd’hui nous sommes à 16° voire 17° donc c’est la sécheresse, il n’y a plus d’eau. Nous encourageons la pratique des jardins de case, qu’on ait un endroit dans la famille où on a des feuilles vertes pour pouvoir faire un repas avec.

Nous avons la promotion du petit élevage. Dans le nord on fait beaucoup plus de la production, de l’élevage mais rarement nous les utilisons pour la consommation. C’est beaucoup plus pour la vente. Les sensibilisations sont également focalisées sur le fait qu’il faut également bien nourrir, bien nourrir l’enfant vous amène à épargner.

Sinon quand vous refusez de bien le nourrir, quand il sera malade vous serez obligé de l’envoyer aux soins intensifs, au lieu donc d’attendre la maladie, on encourage les familles à anticiper, à avoir les actions de prévention afin de permettre le mieux-être des enfants dans leurs communautés.

Comment se passent les démonstrations culinaires ?

Les démonstrations culinaires sont des occasions d’apprentissage sur les itinéraires technologiques de cuissons de mets. Par exemple, si nous voulons préparer un repas qu’on appelle ‘’waché’’, on a déjà une conception classique qui consiste à mettre le haricot sur le feu, passer à ébullition, mettre de la potasse pour que ça puisse vite cuire, etc. L’usage par exemple de la potasse dans le haricot conduit forcément à détruire les oligoéléments qui sont à l’intérieur ; ainsi, cela ne sera plus utile à la consommation.

Les démonstrations culinaires abordent la manière de préparer tout en gardant les éléments nutritifs à l’intérieur des mets. Certains avaient l’habitude, avant de mettre la tomate, de laisser bouillir l’huile. Puis vous entendez un bruit et l’odeur envahit toute la maison et on s’exclame : « voilà une bonne cuisinière ! » Or tous les éléments nutritifs sont ainsi détruits. Donc nous transmettons des pratiques modernes qui joignent et connaissance et présence des nutriments dans les mets. Cela est fait au profit des femmes ayant des enfants de moins de 5 ans afin de conserver les nutriments au sein des aliments pour ne pas manger pour manger, mais pour apporter une plus-value à notre organisme.

Quelles sont les faiblesses relevées dans la mise en œuvre du Pndpe ?

Un paquet d’activités comme la nutrition, qui embrasse les questions d’état civil, de genre, les questions alimentaires, de jardin de case, d’élevage, de transformation…un paquet d’activités qui évoluent ensemble ne peut pas manquer de difficultés.

Nous avons des difficultés aujourd’hui que la communauté s’approprie les questions du dispositif de lavage des mains. Dans la stratégie de mise en œuvre du projet il est prévu qu’il y ait des dispositifs de lavage des mains, pour que, à toute occasion critique où les communautés entrent en contact avec autre chose, qu’elles aient la possibilité d’avoir les mains propres. Mais aujourd’hui le dispositif moderne est cher. Cela fait que peu de personne ont les moyens de les adopter.

Le dispositif alternatif facile à obtenir, facile à monter se gâte facilement parce que c’est de petits bidons de 5 litres, c’est des ficelles et du bois qui permettent de maintenir le bidon. Comme c’est de façon archaïque son utilisation n’est pas facile en milieu urbain. Nous avons ces difficultés d’adaptation aux matériels.

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Nous avons la responsabilité des élus, notamment les services déconcentrés de l’Etat qui doivent accompagner la mise en œuvre de certaines activités, mais malheureusement qui sont sollicités par beaucoup d’autres acteurs et qui ont également leurs cahiers de charge et pour lesquels on attend d’eux un accompagnement, un appui. Pas un refus, mais très sollicités ailleurs, ils n’arrivent pas être présents à ces différents niveaux.

Nous avons le projet qui est mis en œuvre au niveau communautaire. Parce que c’est du volontariat, c’est sans motivation financière. Par contre, il y a d’autres projets ou programmes qui ont un modèle de motivation mensuel, ou semestriel. Alors que du côté de la mise en œuvre du Pndpe nous avons beaucoup plus des motivations qui passent sous le renforcement des capacités directement liées aux bénéficiaires. Donc lorsqu’ils sont sollicités par les mêmes projets dans le même village, dans un même rayon, ils savent que de l’autre côté ils seront motivés or chez vous ils doivent travailler pour le bénévolat…alors ils iront là où ils seront motivés.

Il y a de ces petites difficultés qui ont été discutées longuement avec des approches de solutions. Il faut aussi reconnaître que les distances qui séparent les lieux de référence des enfants que nous identifions malnutris aigus sévères avec complication, sont parfois vraiment longues, et peuvent aller jusqu’à 40 voire 50km.

Or la mère va quitter, abandonner le ménage, quitter ses activités génératrices de revenus et venir garder l’enfant malade pendant deux ou trois semaines au centre de prise en charge afin qu’il récupère, avant de retourner à son village. Cela aussi ne se fait pas sans difficulté. Bien qu’il y ait une prise en charge pendant dix jours, ça ne règle toujours pas les ambitions, les attentes de la dame qui doit s’occuper de ses enfants. Il y a d’autres aspects du fait desquels ont dit qu’aucun travail humain n’est parfait. Mais on essaie de les corriger, de les contourner.

Merci.

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