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Menstruation et rendement professionnel : « Les femmes « font face aux …difficultés d’humeur, de santé et de performance », Hermyone Adjovi

Menstrues

Hermyone Adjovi ne soutient pas l’instauration d’un congé menstruel. Même si chez les femmes en milieu professionnel, la période menstruelle peut rendre « difficile leurs interactions avec leurs collègues » ou même affecter « leurs aptitudes à produire de bons résultats tel qu’espéré d’elles par leurs supérieurs hiérarchiques », reconnaît la présidente de Mata-Yara, une Ong au service des femmes et des enfants défavorisés. Elle propose des pistes en faveur de l’équité en milieu professionnel. 

Propos recueillis par Sêmèvo Bonaventure AGBON

 

Bénin Intelligent : Quels impacts les menstrues et les malaises qui y sont associés peuvent-ils avoir sur le rendement professionnel de la femme ?

Hermyone Adjovi : Déjà, il faut dire que les menstrues influencent plusieurs facteurs chez les femmes selon les spécificités de leur organisme. Chez certaines, l’humeur sera affectée et elles pourraient donc s’irriter pour un rien ou juste être de mauvaise humeur sur toute la durée. Chez d’autres, ce sera plutôt l’énergie qui sera influencée et elles se sentiront épuisées, stressées, etc. Dans d’autres cas, ce sera carrément d’affreuses douleurs (règles douloureuses), les rendant littéralement incapables de faire quoi que ce soit, en dehors de rester allongées et se tordre.

Lorsque l’on fait un tour rapide en milieu académique, une étude menée auprès de 21 573 jeunes femmes en 2019, démontre que 40% des personnes interrogées déclarent que leurs menstrues avaient un impact négatif évident sur leur capacité à se concentrer, à participer aux examens scolaires, et par ricochet sur leur rendement en classe. 20% ont souligné quant à elles, qu’elles s’absentent carrément de l’école durant les périodes de menstruations.

En faisant un parallèle avec le monde professionnel, on peut aisément affirmer que les femmes, vivant également ces différents changements et impacts, font face aux mêmes difficultés d’humeur, de santé et de performance. Ce qui, évidemment, rendrait difficile leurs interactions avec leurs collègues pour maintenir un environnement de travail sain et convivial ; ou tout simplement leurs aptitudes à produire de bons résultats tel qu’espéré d’eux par leurs supérieurs hiérarchiques. Cette affirmation est corroborée par une étude de l’Institut français d’opinion publique (Ifop) qui révèle que 65% des femmes en activité salariée sont confrontées à diverses difficultés liées à leurs règles au travail.

« Mieux, de la même étude mentionnée plus haut, il ressort que 82% des salariées craignent que le congé menstruel puisse être un frein à l’embauche ou à l’évolution des femmes.»

Il faut surtout considérer la diversité des professions et les exigences de chacune d’elles. Nous le savons, tandis que certains métiers offrent une relative flexibilité, d’autres sont plus contraignants et requièrent par exemple une position debout prolongée (enseignant, chirurgien, coiffeuse, etc.). Rapidement, la vie d’une femme en milieu professionnel peut donc se transformer en cauchemar pendant 5 jours consécutifs au moins.

Seriez-vous prête à réclamer/militer pour un “congé menstruel” comme une solution ?

Que celles qui ne sont pas du même avis veuillent bien m’en excuser mais en toute sincérité, non. Ou du moins, pas pour le moment.  C’est dommage mais la place des femmes dans le milieu professionnel n’est déjà pas acquise. Si des femmes sont renvoyées de certains postes professionnels ou certaines cohortes de formations pour motif de grossesse ou du fait d’être nourrice ; si des femmes se voient déjà refuser des opportunités professionnelles pour cause d’être mère d’enfant en bas-âge, je trouve qu’il ne faut pas en rajouter en créant un congé menstruel pour le moment.

C’est injuste, j’en ai conscience. Voici littéralement ce que cela traduit : « Si on tient compte de ma santé (chose totalement normale, mon droit pourtant), les avancées vers la mixité, l’égalité de chances s’effaceraient ». Cela sonne totalement insensé dit ainsi, mais c’est, pour l’heure, la qualité de société dans laquelle nous vivons. Mieux, de la même étude mentionnée plus haut, il ressort que 82% des salariées craignent que le congé menstruel puisse être un frein à l’embauche ou à l’évolution des femmes.

«Si des femmes sont renvoyées de certains postes professionnels ou certaines cohortes de formations pour motif de grossesse ou du fait d’être nourrice ; si des femmes se voient déjà refuser des opportunités professionnelles pour cause d’être mère d’enfant en bas-âge, je trouve qu’il ne faut pas en rajouter en créant un congé menstruel pour le moment.»

Ainsi, en attendant que les luttes pour changer la donne aboutissent, je pense que les femmes pourraient plutôt essayer d’adopter des moyens particuliers selon leur corps, pour vivre sereinement leurs périodes de menstruations. Et c’est d’ailleurs ce travail que fait l’Ong Mata-Yara dont je suis présidente : sensibiliser les filles/femmes, les conseiller sur les précautions à prendre avant, pendant et après les règles pour rester en bonne santé physique, psychologique et émotionnelle.

À titre d’exemple : apprendre à se connaître (écouter leur corps et ses besoins) ; s’adapter aux changements pour tirer le meilleur des variations hormonales car c’est totalement possible (certaines femmes sont plus créatives par exemple lorsqu’elles ovulent) ; essayer d’en parler librement avec les hommes autour pour qu’ils soient solidaires et compréhensifs (car chaque directeur ou collègue est aussi le frère, le père, l’ami ou le mari d’une femme qui peut l’aider à comprendre). Plusieurs autres conseils sont donnés aux femmes qui ont recours à nous, pour apprendre à vivre dans la plus grande sérénité cette période.

Quelles dispositions suggérez-vous aux entreprises pour un meilleur accompagnement des femmes en période de menstrues ?

Il faut déjà que les dirigeants de ces entreprises lèvent le tabou sur le sujet des menstrues et intègrent à leurs règlements intérieurs, des sanctions dures contre toute réflexion sexiste/misogyne, toute raillerie, tout sobriquet injurieux ou toute attitude tendant à humilier/ridiculiser de quelque manière que ce soit, la femme ayant ses règles.

« Ainsi, en attendant que les luttes pour changer la donne aboutissent, je pense que les femmes pourraient plutôt essayer d’adopter des moyens particuliers selon leur corps, pour vivre sereinement leurs périodes de menstruations. »

Par ailleurs, la sororité et au sens plus large la solidarité, voudrait que des collègues essaient autant que faire se peut de décharger leur collègue lorsqu’elle traverse une période critique (ou de baisse de performance) liée à ses menstrues. Il existe par exemple le concept de “calendrier menstruel” qui peut être établi par chaque femme afin de savoir d’avance les moments où elle ne peut assumer de lourdes responsabilités, et se faire alléger par tel ou telle autre collègue. C’est un concept que les dirigeants pourraient également insérer dans leur règlement intérieur pour montrer leur soutien à l’équité en milieu professionnel.

 

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