Jamais les Hommes, les entreprises et les Eglises n’oublieront la grande épreuve qu’a été pour eux, la crise sanitaire du coronavirus. Pendant près de deux mois, lieux de culte, paroisses, temples et mosquées sont restés hermétiquement fermés, obligeant leurs usagers à se contenter d’une relation intime à domicile avec Dieu. Néanmoins, cette crise est pleine de leçons et d’enseignement. Par exemple, le Covid-19 a rendu incontournables les réseaux sociaux pour l’œuvre d’évangélisation, révélé les limites à la formation des pasteurs et oblige à rechercher d’autres sources de financement des charges et activités de l’Eglise, retient le Révérend Moïse Gnao Biao, pasteur en charge de l’Eglise protestante méthodiste du Bénin (Epmb), temple de Godomey.
Propos recueillis par Sêmèvo B. AGBON
Bénin Int. : Quelles sont vos impressions après la réouverture des lieux de cultes ?
Pasteur Moïse Gnao Biao : C’est des impressions de joies et de satisfaction morale puisque la fermeture des lieux de cultes était contraire personnellement à ma vocation. Jésus-Christ demandait à Pierre : « M’aimes-tu ? si tu m’aimes pais mes brebis ». Mais s’il arrivait que tu ne vois plus tes brebis, c’est contraire à la mission que le Seigneur t’a confiée. Il a posé trois fois la même question. Avec la crise sanitaire nous étions loin de nos brebis et c’était triste ; des brebis qui avaient soif de la parole de Dieu car c’est elle qui nourrit, c’est elle qui vivifie et c’est elle qui entretient la fièvre religieuse, la foi dans l’Eglise. La fermeture des lieux me mettait pour cela mal à l’aise.
Le premier dimanche après la levée de cette mesure, j’ai senti vraiment une joie, une allégresse au niveau de chaque fidèle. C’était une grande fête pour moi et je ne regrette pas, cela nous a permis de conclure que le Christ est toujours à l’œuvre. Quand bien même nous étions confinés et chacun était chez lui, l’esprit de Dieu a fait son œuvre.
Avez-vous pu garder le contact avec vos ouailles par quelques manières pendant la fermeture des églises ou c’était la rupture totale ?
Nous ne pouvions pas rompre donc nous avons créé un forum WhatsApp spécial d’échange au niveau de notre paroisse. Aussi, nous diffusions des émissions sur YouTube. Donc des prières et études bibliques, des prêches les dimanches se faisaient pour pouvoir entretenir notre foi chrétienne.
Cette crise ne vous a-t-elle pas amenés à mettre les réseaux sociaux au service de la foi ?
Oui, nous avons trouvé un plus. Nous continuons toujours et nous continuerons à faire des émissions en ligne pour atteindre nos fidèles. Mais nous ne devons pas nous en tenir à cela. L’important c’est d’aller à la rencontre de l’autre, lui parler de vive voix et qu’il y ait le contact, l’échange de langage. C’est plus actif et plus pratique pour notre œuvre d’évangélisation.
Le gouvernement insiste sur le respect des mesures sanitaires en vue de la protection des fidèles. Quelles sont les dispositions que vous avez prises à cet effet ?
Déjà dès le samedi 6 juin nous avons convoqué une réunion du bureau pour réfléchir sur la manière dont nous allons redémarrer les cultes. Après cette rencontre de concertation, nous avons élargi le cercle le lundi de Pentecôte pour rencontrer les présidents et les directeurs de certains groupes. Les mesures barrières ont été respectées lors du tout premier culte. Le lavage des mains, des gels de désinfection étaient disponibles. Sur les forums nos fidèles ont été sensibilisés à venir à l’Eglise avec leur masque, sans quoi ils n’entrent pas. Malgré cela nous avions prévu des masques à acheter sur place pour ceux qui auraient oublié. La distanciation est aussi respectée. La commission de contrôle a trouvé que nous devrions plus distancier. Nous avons pris bonne note pour y veiller les prochaines fois.
Nous n’avons pas démultiplié les cultes. Nous avons fait le seul culte en disposant environ 250 chaises à l’extérieur du temple en plus des 150 à l’intérieur.
Pendant la crise beaucoup de moqueries ont circulé, que les pasteurs vont chômer puisqu’il n’y a plus de quêtes et dîmes. Qu’est-ce que ces réactions vous ont inspiré ? Vous étiez frustré ?
Tout ceci doit nous interpeller que nous ne sommes pas encore au bout de nos peines dans l’œuvre d’évangélisation, d’éducation et d’enseignement. Nous devons redoubler plus d’efforts pour amener nos fidèles et même les non-fidèles à comprendre que l’Homme sans Dieu n’est rien et que nous devons toujours recourir à lui. Nous prions pour eux comme Jésus a prié pour ses détracteurs. Nous prions que le Saint-Esprit touche leur cœur, les amène vraiment à la vie.
Est-ce qu’au-delà de ces critiques, vous ne voyez pas que la crise que nous traversons rend caduque le mode actuel de formation des pasteurs est caduque. En ce XXIe siècle le pasteur ne peut-il pas exercer d’autre métier tout en continuant à servir le Seigneur ?
Depuis deux ans, l’Epmb a pensé à ce sujet et a exhorté les pasteurs à se faire former dans d’autres domaines. Nos patrons nous ont encouragés dans ce sens, qu’en plus du pastorat, que le pasteur ait une autre activité pour pouvoir joindre les deux bouts. On a compris que les collectes et les actions de grâce ne résolvent plus les problèmes dans les églises. C’est beaucoup plus insuffisant. Maintenant il faut créer d’autres sources de financement qui mettent à l’aise les pasteurs. Les domaines encouragés sont l’enseignement, la médecine, la comptabilité, les finances, la gestion… Peu à peu ça prend. Parmi nous il y a déjà des professeurs qu’on a détachés dans nos Complexes scolaires protestants (CSP), certains servent dans le public.
Quelles sont les grandes leçons que l’Eglise peut tirer de l’épreuve de cette crise sanitaire ?
Rien n’arrive dans ce monde au hasard. Si Dieu l’a permis c’est pour nous amener à améliorer notre hygiène. Moi je faisais toute une journée et ne lavais qu’une seule fois mes mains. Mais depuis je les lave ou désinfecte régulièrement. C’est déjà un plus. La distanciation c’est pour éviter le contact et d’attraper la maladie. C’est une bonne chose. Se masquer est aussi une bonne chose du fait de la pollution de l’environnement. Même avant le Covid-19 on se masquait surtout quand on est dans la circulation pour moins respirer les gaz d’échappement. La crise a accéléré notre hygiène quotidienne. Dieu a peut-être trouvé que nous étions trop sales.
Votre appel à l’endroit des fidèles, des chrétiens
Toutes les activités sont autorisées, mais avec le respect des mesures sanitaires. La maladie est là, nous devons vivre avec elle tout en prenant les dispositions pour ne pas l’attraper.