Sandra Idossou, activiste écologiste et le professeur Martin Pepin Aina, le Directeur général de l’environnement et du climat (Dgec) ne s’accordent pas sur la manière dont la lutte contre les sachets plastiques est menée au Bénin.
Si pour ce dernier, le pouvoir joue son rôle et qu’il revient aux citoyens de changer de comportement, l’initiatrice de la campagne ‘’Sachet héélou’’ déplore quant à elle, l’hypocrisie des gouvernants, qui se cacheraient juste derrière un cadre légal insuffisant.
Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
Nous sommes à la 6ème édition de la conférence internationale sur la finance verte, que le Bénin a accueillie à Cotonou le mardi 5 juillet.
Lors du premier panel ayant porté sur le thème : « Rôle du gouvernement et des partenaires au développement », Sandra Idossou demande le micro lors du temps de parole du public. Sa question est spécialement adressée à la Directrice du cadre de vie et du développement durable, Jeanne Akakpo figurant parmi les panélistes.
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Des années après l’adoption de la loi n°2017-39 du 26 décembre 2017 portant interdiction de la production, de l’importation, de la commercialisation… des sachets plastiques en République du Bénin, Sandra Idossou constate qu’ils sont toujours omniprésents dans le quotidien des béninois. Elle interpelle alors la directrice afin de savoir concrètement ce qui est fait dans la lutte contre ces menaces environnementales.
Juste après son intervention, le micro parvient au Prof. Martin Pepin Aina, Directeur général de l’environnement et du climat (Dgec). Il a préféré répondre à la préoccupation de l’activiste, car, a-t-il justifié, « cette question revient souvent ».
Un peu comme agacé, il a fait comprendre que le gouvernement mène bel et bien la lutte contre les sachets non biodégradables et s’offusque du fait qu’on semble ne pas lui reconnaître son mérite. « Ce que nous ne comprenons pas, dit-il, quand on frappe, on crie en disant : « ils ont frappé ». Quand nous ne frappons pas on crie, on nous demande de frapper. C’est ce qui se passe. Je ne comprends pas cette schizophrénie où on dit : tant qu’on n’a pas frappé… », s’est indigné le Dgec Martin Pépin Aina.
Sur un ton ferme, il va affirmer que « L’État a pris le temps à sensibiliser, à former, à investir dans le domaine. Il revient à chacun de nous d’adopter des comportements responsables ». Entre autres actions illustratives du combat du gouvernement contre les sachets plastiques, il évoqué la prise des décrets.

Aussi « Nous avons investi auprès des artisans –les couturiers par exemple, pour qu’ils puissent confectionner des sacs en tissu. Ce sont des alternatives que nous promouvons. Nous avons investi auprès des femmes formant des groupements de développement, pour qu’elles puissent fabriquer des sacs à base de jacinthe d’eau, à base de raphia. Donc nous avons donné libre court à assez d’alternatives pour des sacs biodégradables ».
Le gouvernement ne verse donc pas dans la répression comme l’aurait souhaité les activistes, note Prof. Martin Pepin Aina. « Aujourd’hui on n’attaque plus la bonne dame qui vend des beignets. Mais nous asséchons les magasins, les grossistes. Ça il n’y a pas de feu de projecteur là-dessus, donc on ne voit pas cette action », a-t-il déploré.
Selon ses confidences lors de la conférence, il y a actuellement « deux magasins sous scellés parce qu’ils n’ont pas reconnu justement que c’était des sachets non biodégradables. Ils ont mis des étiquettes biodégradables sur des sachets non biodégradables. Donc ces magasins sont sous scellés sur constat d’huissier et on va les traduire devant les tribunaux ».
Le pouvoir, a martelé le Dgec, ne frappera pas suivant le goût de la société civile. « Ne nous demandez pas d’aller attaquer la bonne dame qui vend des beignets. Parce que, justement, elle n’a pas les moyens de détecter si le sachet qu’on lui donne est biodégradable ou non », a-t-il rejeté.
Des lobbies accusés
Aussi éloquente soit-elle, cette clarification du Dgec n’a pas du tout convaincu l’activiste écologiste Sandra Idossou. « Personne ne demande d’aller brutaliser la dame qui vend des beignets », va-t-elle contrattaquer à la sortie, approchée par des médias. La lutte contre les sachets plastiques n’est pas aussi compliquée, persiste-t-elle. « Les sachets plastiques s’introduisent dans le pays par de grands fournisseurs. Ils ne sont pas dix milles. Ils sont quelques-uns connus par eux (le pouvoir) », a-t-elle dénoncé.
Il suffit donc, insiste-t-elle, de traquer les importateurs et le problème est résolu. « Si on ferme l’entrée la bonne dame ne trouvera plus de sachets plastiques. Donc pour moi ce n’est pas la bonne dame le problème ; ni le consommateur même s’il est responsable de sa santé, même s’il doit prendre des décisions par rapport à sa santé ; c’est d’abord les grands importateurs », martèle Sandra Idossou.
Si les sachets plastiques sont toujours disponibles, fait-elle remarquer, la bonne dame ou le citoyen lambda sera amené à s’en servir encore longtemps. Elle reste convaincue que, « si on assèche les sources d’entrée, même si on pense que aller au marché avec le panier relève du passé, si on n’a pas une autre alternative, on est obligé de s’en contenter ».
Sandra Idossou va jusqu’à accuser sans nommer des lobbies qui feraient fortune dans la commercialisation des sachets plastiques. Ce sont eux qui n’ont pas intérêts que la lutte aboutisse. Et le pouvoir politique les protège, selon Idossou.
« Nous avons un lobby derrière qui est plus important ou qui a plus de pouvoir que nous la société civile qui est sur le terrain. Tant qu’on le laisserait continuer par envahir nos marchés de sachets plastiques, tout ce que la société civile ferait n’aura pas beaucoup d’impacts. Moi je pense que ce n’est pas compliqué. Si on met vraiment la nature, la protection de l’environnement, la santé de nos populations au cœur de tout ce que nous faisons, je pense que ce n’est pas compliqué », persiste Sandra Idossou.