Depuis vendredi 11 mars, le réseau Gsm Mtn Bénin applique aux utilisateurs des services de transfert d’argent via, une taxe contributive de 5%. L’opérateur de téléphonie mobile s’est justifié en indiquant qu’il s’agit d’une exigence du Code général des impôts (Cgi). Dans l’opinion ainsi que sur la toile, cette nouvelle mesure est très critiquée et une campagne de désabonnement est engagée par les abonnés contre l’opérateur.
Par Raymond FALADE
« Cher client, en application du Cgi [Code général des impôts, ndlr], une taxe de 5% sera ajoutée à vos frais de retrait et de transfert à partir du 11 mars ». Tous les abonnés du réseau de téléphonie mobile Mtn ont reçu dans la soirée du jeudi 10 mars ce message. Il a suscité beaucoup de réactions au sein de la population mais également sur la toile. Les abonnés n’ont pas digéré ”cette augmentation” des frais de retrait et de transfert qui étaient déjà pour certains exorbitants.
« L’augmentation des frais de retrait et de transfert ne nous arrange pas », dénonce Aimé Dossou, conducteur de taxi-moto rencontré à Cotonou au lendemain de l’entrée en vigueur de la mesure. Il estime que les frais que payaient les abonnés pour les transactions financières étaient chers et suffisaient pour payer les taxes et impôts à l’État. « J’ai l’impression qu’ils sont en train de nous voler. Lorsque vous voulez faire un retrait de 1000 francs par exemple, il y a désormais une taxe de 16 francs. Ce qui veut dire qu’il faut déposer au moins 125 francs d’abord puisqu’on n’a pas 16 francs dans notre pays pour qu’on puisse donner 116 francs. Le reste, vous ne le verrez point parce qu’on vous dira qu’il n’y pas la monnaie. C’est le consommateur final qui perd », a-t-il démontré.
« Moi par exemple, je viens d’Adjohoun dans le département de l’Ouémé. Si je dois envoyer 500 francs à ma femme, cela veut dire que je dois aller chercher 125 ou 150 francs pour qu’elle puisse retirer cela ? », s’interroge Pierre, un autre conducteur de taxi-moto. « C’est de l’escroquerie », croit simplement Lucien Zounon. Le jeune étudiant ne comprend pas pourquoi pour un retrait de 1 à 5000f par exemple, les frais de retrait s’élèvent à 116f dont 16f pour la taxe. « Maintenant, où vont les 100f restants? » s’est-il demandé avant d’inviter les autorités à interpeller l’opérateur Gsm pour le bonheur de la population.
Migration
Sur la toile, les internautes crient eux aussi leur ras-le-bol. Les commentaires vont dans tous les sens pour dénoncer cette nouvelle taxe. L’activiste Comlan Hugues Sossoukpè a même lancé, vendredi 11 mars sur les réseaux sociaux, une campagne dénommée « Je me désabonne de la page Mtn Bénin pour exprimer mon ras-le-bol par rapport à l’augmentation des frais de transfert Momo et la mauvaise qualité du service de ce réseau de téléphonie ». Cette campagne explique-t-il, vise à obtenir 1000 abonnés de moins sur la page officielle de Mtn Bénin par jour.
Pour la première journée du vendredi 11 mars, l’objectif « a été atteint », s’est-il réjoui dans un post sur sa page Facebook.
Sur le terrain, le constat est visible. Les consommateurs préfèrent aller vers un autre réseau Gsm pour leurs opérations financières. Les vendeurs des produits de Mtn ressentent cette migration ailleurs. « Depuis vendredi, les populations ne viennent plus faire des retraits sur Mtn comme ça », a témoigné une tenancière de point de vente de produits Gsm. Certains abonnés très remontés pensent changer carrément d’opérateur. « Le lundi, moi je vais payer une Sim Moov pour faire mes opérations », a annoncé Kamal, jeune entrepreneur.
De son côté, le réseau Moov Africa profite de ce désamour entre Mtn et ses clients pour communiquer davantage autour de ses produits notamment sur les frais liés au transfert et au retrait d’argent ainsi que sur le changement d’opérateur tout en gardant le même numéro. Mais attention, prévient l’activiste Comlan Hugues Sossoukpè. « L’objectif n’est pas de changer d’opérateur mais d’obtenir la baisse des prix et l’amélioration de la qualité des services de Mtn Bénin », a-t-il clarifié à l’endroit des internautes.
Ce que dit le Cgi selon le Dgi
Le chapitre XIV du nouveau Code général des impôts en vigueur depuis le 1er janvier 2022 est consacré à la contribution sur la vente de services de communications électroniques sur les réseaux ouverts au public. Ce chapitre dispose en son article 293-19 que « le taux de la contribution est fixé à 5% du prix de vente hors taxe du service ». Les articles 293-18 et 293-20 précisent respectivement que « la contribution est collectée par l’opérateur ou le fournisseur ayant délivré le service » et que « les modalités de déclaration, de contrôle et de recouvrement, ainsi que les obligations et sanctions sont celles prévues au chapitre premier du présent code relatif à la taxe sur la valeur ajoutée. »
Invité sur l’émission « 90 minutes pour convaincre » de la Radio nationale, dimanche 23 janvier, le directeur général des impôts (Dgi) Nicolas Yenoussi, a confirmé l’instauration de la taxe sur les services électroniques tout en apportant quelques clarifications. Le patron des Impôts a indiqué qu’il y a effectivement la taxe de 5% sur les services électroniques dont le champ est élargi maintenant au transfert d’argent. Cependant, avait-il clarifié, « il ne s’agit pas de taxer la transaction, de taxer le montant transféré ou le montant retiré. Lorsque vous faites le transfert ou le retrait d’argent, la maison de Gsm perçoit jusque-là une commission. Cette commission qui est taxée à 5% et les 5% sont en dedans et non en dehors ». Nicolas Yenoussi avait précisé que les frais de transfert et de retrait ne vont pas augmenter parce que la taxe est dedans, donc n’agit pas forcément sur les usagers.
Ainsi, a-t-il fait savoir, que les pourparlers continuent entre la direction générale des Impôts (Dgi) et les opérateurs des réseaux Gsm sur l’interprétation de cette taxe qui avait déjà suscité de polémique. « Nous travaillons avec les sociétés de Gsm. On n’a pas fini. On continue pour qu’il n’y ait pas une mauvaise interprétation de la mesure» avait-il informé.
Qui croire alors ?