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Toïhen Dègnon Epaphras, artiste-sculpteur : Un problème d’identité

Toïhen Dègnon Epaphras sculpte les souches de teck, leur redonne vie dans une démarche de conservation de la mémoire et de promotion de l’identité. Pour ce créateur singulier dont quelques oeuvres sont présentées au palais de la Marina dans le cadre de l’exposition « Art du Bénin d’hier et d’aujourd’hui : de la restitution à la révélation », le Bénin a un problème d’identité.

Propos recueillis par Sêmèvo Bonaventure AGBON*

Bénin Intelligent : Que vous inspire cette exposition diptyque à la présidence de la République ?

Toïhen Dègnon Epaphras : Cette initiative de l’État, je l’approuve vraiment et je la prends avec beaucoup de joie. J’ai été sélectionné par la Galerie nationale. Je fais déjà partie du patrimoine artistique de l’État à travers les deux acquisitions des deux dernières années. Parmi mes pièces qui sont présentées ici, vous verrez certaines qui sont déjà dans le patrimoine de l’État. Il y a une pièce qui fait partie de ma collection personnelle que l’État a décidé de présenter.

D’où vient votre intérêt pour la mémoire ?

Je travaille le plus souvent sur la conservation de la mémoire. Pourquoi la mémoire ? Parce que, depuis des années, je réside au Brésil et j’ai vu certaines choses. On te demande « tu viens d’où ? », les gens ne connaissent même pas le Bénin. Tu es obligé de dire : vous connaissez le Nigeria ? Le Bénin, c’est un petit pays à côté du Nigeria. Même les descendants des esclaves qui sont partis d’ici ne connaissent pas le Bénin. Pour eux, le Vodun vient d’Haïti, de Cuba, de la Martinique, de la Guadeloupe, etc. Donc, je me dis qu’il y a ce problème d’identité, de reconnaissance et d’acceptation de soi qui se pose. Vous allez voir que dans mon travail, je mets les scarifications et les souches en valeur.

Pourquoi les souches ?

Parce que c’est d’abord une histoire qui est enfouie dans la terre. Je pars donc les déterrer et je mets des images des inconnues là-dessus : les ouvriers. Vous allez voir une pièce intitulée ‘’La souche de l’oubli’’.

Comment êtes-vous arrivé à la sculpture?

La sculpture, c’est une longue histoire. Je tiens à préciser que parmi les 26 œuvres que la France a restituées au Bénin, il y a une pièce de mon arrière-grand-père Donvidé. Pour moi, c’est une grande joie. Je fais partie d’une lignée de sculpteurs qui vient de Banamè. Donvidé était sculpteur et travaillait à la cour d’Abomey. C’est un héritage pour nous. Donc, d’abord, c’est par pure tradition que je fais ça, et j’ai aussi poussé un peu plus loin. Je représente le Bénin actuellement à l’Expo de Dubaï 2020 [une exposition universelle qui se tient aux Émirats arabes unis du 1er octobre 2021 au 31 mars 2022. Le Bénin y a un pavillon dénommé ‘’Benin day’’, ndlr].

Pourquoi le choix du teck et pas un autre bois ?

Le choix du teck parce que c’est un bois léger qui résiste aux variations du climat. Les œuvres peuvent voyager comme les 26 trésors royaux. Quand elles quittent un continent pour un autre, le bois qui s’adapte le mieux, pour moi c’est le teck. Donc, il ne faut pas travailler un bois d’ici dans notre climat et qui va craquer une fois en Occident. Et ça risque de craquer quand la température change. Il faut choisir un bois qui est vraiment résistant, qui peut durer dans le temps.

Depuis le début de l’exposition, avez-vous eu des sentiments particuliers par rapport à vos œuvres ?

Le sentiment qui m’a le plus touché, c’est la réaction du chef de l’État qui a demandé à prendre une photo avec moi ; tellement il était sidéré par ma pièce. Le plus souvent, j’aime me cacher, je laisse mon travail s’exprimer. Mais il est venu et a dit « je cherche celui qui a réalisé ces œuvres, je veux le voir ». Je me présente et il me dit, « vraiment je suis fier de vous, vous avez du génie ». Ces propos venus d’une telle personnalité, m’ont fait plaisir.

 

*(École du patrimoine africain et ministère du Tourisme, de la culture et des arts / Formation des journalistes culturels sur la restitution des biens culturels au Bénin par la France)

 

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