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Wilfried Soédja Gnanvi‚ journaliste, artiste : « Il faut dissoudre le Bubedra à défaut de le réformer »

Des journalistes polyvalents‚ il y en a au Bénin. Wilfried Soédja Gnanvi l’un d’eux‚ concilie le métier d’information avec les casquettes d’artiste, scénariste et gestionnaire. Il ne transpire pas pour y arriver. L’un des auteurs du célèbre chant “Lokossa vi lè di é” revient ici sur la genèse de sa carrière musicale. L’homme est franc et direct quand il s’agit de se prononcer sur le secteur musical béninois. Selon lui‚ si de nombreux artistes talentueux sont vite tombés dans l’oubli‚ c’est qu’ils sont “soutenus par un public mais démoralisés par un système sociopolitique toxique à leur épanouissement”. Wilfried Soédja Gnanvi fait alors des propositions pour l’amélioration de l’environnement artistique béninois.

Propos recueillis par Raymond FALADE

Bénin Intelligent : Depuis quand avez-vous commencé par chanter ?

Wilfried Soédja Gnanvi : L’an 2000, c’est l’année dans laquelle j’ai composé une chanson pour la première fois. J’étais alors en classe de 3ème et le hip-hop était ma passion. J’avais alors composé une chanson RnB. Je me souviens encore des paroles comme si c’était hier : “…Il faut le voir pour le croire, les noirs sont les rois dans le noir, je le dis par ma foi…”
À l’époque, le Hip-hop commençait à s’installer dans les rues de Cotonou et le seul clip vidéo diffusé à la télévision nationale Ortb était celui de Eric Harlem – qu’est-il devenu?- ; puis il y a eu ensuite “venons sur la terre pour faire l’amour” de Sakpata Boys. Collégien au Ceg 1 de Lokossa à l’époque, je me suis associé à un certain Emmanuel Wétohossou qui a d’ailleurs fait carrière bien après sous le nom de Jade à Lokossa, puis à Brice Lawson et Serge Atchanhouin. Ce quatuor formait l’emblématique groupe de Hip-hop nommé Recto-verso dans les années 2000. Nous avons enregistré quelques chansons chez feu André Quenum de Musigerm, puis avons presté plusieurs fois en représentant Lokossa à des évènements impliquant la télévision nationale. Par exemple l’émission “La Poule aux Oeufs d’or” de la Loterie nationale avec le maître de cérémonie Jean Louis Azé, et l’anniversaire de l’émission dimanche organisée dans le Couffo avec les présentateurs télé Ahmed Gounou et Florent Eustache Hessou. C’était avec notre célèbre chant “Lokossa vi lè di é”.

La musique pour vous est une passion ou héréditaire ?
Les deux ! La musique pour moi est une passion. J’ai monté ma première chorégraphie en classe de 5ème au Ceg Bassila dans le Nord du Bénin sur une célèbre chanson du groupe zouglou ‘’Les Potes de la rue ‘’. À l’époque, personne ne m’avait enseigné comment on monte une chorégraphie. Plus tard lorsque j’ai commencé à composer mes chansons, j’ai gardé la même passion que lorsque je dansais le zouglou, le nbombolo, et autres. Autre paramètre de ma passion c’est que j’aimais beaucoup écouter toutes musiques et voir en détail le processus de composition des chansons, je les disséquais en quelque sorte. Toute cette passion m’a véritablement formé.
C’est bien plus tard que j’ai découvert les talents artistiques de ma grand-mère paternelle qui malgré ses 90 ans environ a encore une voie intacte et un plaisir de danser digne des jeunes. Passion et hérédité donc !

Quel message véhiculez-vous à travers vos chansons ?

Je véhicule surtout des messages de foi, de joie, d’amour et d’espérance. J’ai eu une expérience de vie particulière avec Dieu notre Créateur et cela se ressent dans mes compositions.

Quels sont les rythmes que vous faites ?
À la base féru de Hip-hop, je suis aujourd’hui très ouvert à la variété. Je choisis mes rythmes en fonction de la nature et de la qualité du message à passer. Je peux faire aujourd’hui le RnB à merveille, de même que le reggae, la Salsa, la musique moderne d’inspiration traditionnelle.
Je suis flexible et polyvalent.

Quelle est votre source d’inspiration ?
Dieu est ma source d’inspiration. C’est en lui que je tire l’essentiel de mes chansons

Comment arrivez-vous à concilier votre métier de journaliste et la musique ?
Pas du tout difficile, le journalisme et la musique partagent communication créativité. Les deux ne sont pas des disciplines séparées. Mais il n’y a pas que ces deux dimensions en moi. Avant d’aller étudier le journalisme et la communication au Cesti à Dakar, j’ai été diplômé en administration des finances à l’Enam (Uac). Je viens de réussir au concours fonction publique, je deviens en plus gestionnaire désormais. Au-delà de tout cela, la musique demeure pour moi une fenêtre qui permet de m’évader. L’art en général, je dirai ! Car en juin 2020, j’ai écrit une série télévisée intitulée ‘’La famille de Chegoun’’, une production de l’association Suisse Graines de Paix. La série a été diffusée sur deux télévisions de la place y compris la télévision nationale Ortb.
En somme, je suis un homme de culture à la fois intellectuelle et artistique.
Les deux me sont vitales pour ma survie et mon épanouissement en ce monde.

Avez-vous déjà réalisé des albums ?
Oui j’ai réalisé un album en 2009, produit par l’Ong américaine Wycliffe Bénin et dirigé à l’époque par le musicien et entrepreneur Arnaud Karl Job. Il y avait sur cet album des collaborations avec des artistes comme Roland du groupe de gospel Sion Muzik à l’époque et Sandra Hériti.

Comment trouvez-vous l’environnement musical béninois ?
L’environnement musical béninois est comparable à un sol aride, manque de fertilité. Et les décideurs n’y apportent malheureusement pas assez de terreaux pour changer la donne. C’est pourquoi le showbiz béninois a du plomb dans les ailes.
Des années 60 à nos jours, le Bénin a eu les meilleurs musiciens de la sous-région. Les Poly Rythmo, GG Vickey, Gnonas Pedro, Sagbohan Danialou et un peu plus récemment, Rabi Slo, le groupe Afafa, Vi Phint, Ignace Don Metok etc., la majorité de ces grands artistes n’ont pas eu de grosses fortunes sur la base de leur art, comparé aux artistes de même talent au Nigeria voisin ou en Côte d’ivoire. Manquaient-ils de talents ? Aucunement ! Certains d’entre eux ont fini par abandonner par découragement à cause de l’environnement. Le problème ce n’est pas le public mais la volonté politique pour mettre en place des structures pérennes pour sécuriser le travail des artistes. Savez-vous que jusqu’à ce jour le Bubedra demeure une machine bizarre qui fonctionne de sorte qu’aucun artiste ne sait même par quelle alchimie, il se retrouve avec des miettes de redevance après avoir dépensé des millions dans la production et la promotion de clips vidéos ? Les talents musicaux au Bénin s’éteignent finalement à cause de cet environnement de showbiz non favorable pour leur éclosion. Le Bénin regorge de meilleurs talents de la sous-région, soutenus par un public mais démoralisés par un système sociopolitique toxique à leur épanouissement. Tel est malheureusement le diagnostic. S’il n’y avait pas tous ces problèmes, je démissionnerais de mes autres activités pour me consacrer exclusivement à la musique qui me passionne tant.

Que faut-il améliorer selon vous ?
Il faut dissoudre le Bubedra à défaut de le réformer. Il faut informatiser totalement la structure qui va gérer les droits d’auteurs, de sorte que chaque diffuseur de musique soit systématiquement comptabilisé, paye des redevances de façon automatique et que tout ceci soit redistribué de façon transparente. Il faut également que l’état mette les moyens pour la digitalisation du showbiz sur le plan de la promotion des œuvres. Il faut avant tout identifier les pôles de formation nécessaires et ouvrir des filières pour former les ressources humaines dans ce cadre. Si nécessaire, il faudrait envoyer les cadres se faire former dans le domaine à l’extérieur du pays et revenir servir. Nous avons du chemin en la matière.

Quels sont vos projets ?

Mes projets sont concentrés sur la mise en place des structures et conditions nécessaires pour assurer ma formation davantage dans le domaine musical et surtout la formation de ma progéniture.
Les enfants, c’est eux l’avenir !

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