Le Dr. Patrick Hinnou, est le chef adjoint du département de Sociologie-Anthropologie de l’Université d’Abomey-Calavi (Uac). Il a pris part, samedi 20 mars 2021 à la célébration du cinquième anniversaire du décès de Jean-Marie Cossi Apovo, inventeur de la Boologie. Une science qui, a-t-il soutenu, « ne doit pas mourir » et « mérite d’être encouragée ». Face aux projets portés par celui qui en est actuellement le continuateur, professeur Raymond Assogba et les difficultés qu’il rencontre, son collègue l’exhorte à frapper aux « guichets qui soutiennent l’éclosion de la science qui prend racine dans la culture endogène ».
Propos recueillis par Sêmèvo Bonaventure AGBON
Bénin Intelligent : Pour vous personnellement, la Boologie est-elle une science de la honte puisque ayant pour objet d’étude, une réalité culturelle endogène considérée comme négative?
Dr. Patrick Hinnou : Il faut d’abord souligner que la Boologie a été initiée et inaugurée par le professeur Jean-Marie Apovo qui a été notre enseignant dans cette université et qui a travaillé sur le Boo. Il a soutenu une Thèse d’Etat en France dont le titre est « Anthropologie du Boo. Théorie et pratique du gri-gri ». Donc vous aurez constaté qu’il a pris comme référence les valeurs endogènes, les cultures endogènes et a estimé qu’il est temps pour l’Africain qu’il était de s’intéresser à la culture et de faire une recherche digne du nom qui puisse intéresser le reste du monde. L’ « Anthropologie du Boo » a connu un développement plus tard. Toutes ses publications dans ce sens ont été formalisées dans une autre science, une science connexe appelée la ‘’Boologie’’. Il est utile de dire que la Boologie fait la fierté des Africains qui plus est des béninois. Il est important de le dire et de le clamer haut et fort parce que cette science fait connaître la culture, ou si vous voulez les variantes de la culture, de notre culture, de la culture béninoise. Et, en arriver à faire de cette culture une perspective scientifique qui obéit à la rigueur et à la méthodologie de la science, notamment la science Socio-anthropologique, en arriver à établir une telle relation mérite d’être souligné, d’être reconnu. Jean-Marie Apovo n’a pas eu la chance de développer cette science dont il est l’auteur. Il a fait du chemin et aujourd’hui, le professeur Raymond Assogba se positionne comme le continuateur de l’œuvre d’envergure scientifique qu’il a laissée.
Donc, pour me résumer la Boologie a pris racine dans la culture béninoise, la culture africaine, a été théorisée comme science et mérite d’être poursuivie, d’être reconnue comme telle. Parce que ce qui vient d’ailleurs ne doit pas avoir la primauté forcément sur ce qui est de chez nous. L’essentiel à rechercher pour ce genre d’exercice c’est d’en arriver à créer la distanciation nécessaire pour que ce qui est initié ici comme science soit connue et respectée des autres.
Le professeur Assogba, aujourd’hui porte-flambeau de cette science nourrit des projets : ouverture du master en Boologie, création d’un laboratoire…Mais il se plaint souvent du manque de soutien et d’un environnement hostile à cette science. Qu’est-ce que vous promettez, qu’est-ce qu’il y a lieu de faire ?
Nous sommes tous d’accord que l’entreprise dont se trouve être garant le professeur Raymond Assogba mérite d’être développée. Pour qu’il en soit ainsi il faut mobiliser des moyens matériels, humains…Au département de Socio-Anthropologie nous n’avons pas un budget. Mais comme je l’ai souligné, nous sommes décidés à l’accompagner, parce que cette science ne doit pas mourir. Nous sommes décidés à l’accompagner en offrant notre cadre de travail, en faisant l’effort d’être présents à ses manifestations, en encourageant les étudiants à s’intéresser à cette rubrique de la science. Nous accompagnerons toute dynamique qui vise à faire connaître davantage la science dont il est garant.
Par ailleurs nous l’encourageons vivement à frapper à des portes, à d’autres guichets, des guichets qui encouragent la science, des guichets qui soutiennent l’éclosion de la science qui prend racine dans la culture endogène. Nous l’encourageons sur ce terrain et nous pouvons aussi l’encourager (peut-être) à ouvrir des portes, à échanger avec des partenaires pour que ces derniers s’intéresser à ce qu’il fait. Ce qu’il fait, ce n’est pas seulement pour lui. C’est pour la communauté scientifique, c’est pour l’Université d’Abomey-Calavi. Donc l’Uac est plus indiquée, parce que je suis sûr qu’il y a des rubriques pour encourager la recherche au niveau du rectorat. S’il tente de frapper à ces portes, le rectorat peut contribuer à appuyer, à soutenir ses initiatives dans la recherche scientifique axée sur la Boologie.
Merci.