Inculturation. Ce qui était parti comme un choc passager de s’est révélé plus profond.
Au-delà de l’indignation contre la christianisation du ‘’Hoxosùn’’ –rituels des jumeaux- l’opinion découvre que toute la politique de l’inculturation engagée par l’Église catholique au lendemain du concile Vatican II est combattue.
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Faut-il le rappeler, à l’issue de cette assemblée d’évêques qui a duré de 1962 à 1965, l’Église catholique s’est repentie. Désormais, elle :
« ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions [non chrétiennes, ndlr]. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent sous bien des rapports de ce qu’elle-même tient et propose, cependant reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. (…) Elle exhorte donc ses fils pour que, avec prudence et charité, par le dialogue et par la collaboration avec les adeptes d’autres religions, et tout en témoignant de la foi et de la vie chrétiennes, ils reconnaissent, préservent et fassent progresser les valeurs spirituelles, morales et socio-culturelles qui se trouvent en eux. ».
Ce changement officiel d’attitude au plus haut sommet de l’Église, explique qu’au Bénin, le Seigneur peut danser aux sons des rythmes en principe sacrés Hanyé, agbochebou (de la divinité Sakpata). Pendant longtemps, les dignitaires et sympathisants du Vodun ont observé l’Église catholique progresser jusqu’à adopter aussi le « mɛwiwhɛndò » (“sillon noir”, rites funéraires).
Cela devrait en principe réjouir les vodunsi et vodunnon. Ils devraient tressaillir de joie en constatant que la même institution dont les légionnaires-missionnaires ont dénigré leurs cultes et cultures hier, déniche aujourd’hui des valeurs, des pratiques qu’elle adapte à son catéchisme romain.
Mais, non. L’inculturation fait mal ! Elle fait très mal aux dignitaires du Vodun. Ces derniers ne la considèrent d’ailleurs pas comme telle, ils l’assimilent plutôt à une incursion dangereuse. Ils désapprouvent que le Vodun inspire alors qu’il continue toujours d’être égratigné par les mêmes qui réclament aujourd’hui le droit de le copier. Encore que les promoteurs de l’inculturation «tiennent la position la plus avilissante, la plus coloniale» selon laquelle l’Église catholique purifie ce qui est puisé du Vodun.
In fine, l’inculturation demande une profonde clarification. En attendant, voici un répertoire non exhaustif de préoccupations qui persisteront à propos : l’inculturation, qu’est-ce que c’est ? En son nom peut-on « marcher » sur un domaine d’une autre religion ? Autorise-t-elle à intervenir sur une pratique consacrée d’une religion ou à l’importer dans une autre ? Comment est-on sûr de bien démarquer le cultuel du culturel ? Chercher des solutions aux fidèles d’une spiritualité A, autorise-t-il les prélats d’une autre religion à prendre les éléments fondamentaux d’une spiritualité B ? Adopter une pratique d’une autre religion ne suppose-t-il pas la prendre avec toute sa charge spirituelle d’origine ? Ne va-t-elle pas conduire à un christianisme défiguré‚ et donc finalement méconnaissable ? Etc.
Une inculturation sincère ne doit pas consister à l’émasculation de la croyance des autres. Du moins tel est le sentiment qu’elle inspire actuellement aux contempteurs. Une inculturation prometteuse devrait être une ouverture non hiérarchisante des religions et des cultures. Cette attitude occidentale n’a conduit jusque-là qu’à tous les crimes contre l’humanité commis sur l’Afrique et les Africains.
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Contrattaque ici. Répliques peu fraternelles là. Les vives discussions ayant occupé les réseaux sociaux depuis la vidéo de Koffi Aza et de Justin #Bocovo autorisent à s’inquiéter. L’inculturation deviendra-t-elle le sujet par qui la cohabitation religieuse entre vodunsi et catholiques cessera d’être pacifique ? Il est urgent de revenir à la table du dialogue interreligieux. Sans condescendance et complexes. Heureusement que Mgr Barthelemy Adoukonou‚ le pionnier de ce mouvement est encore vivant.