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Cybercriminalité : « La clémence du chef de l’État ne peut être envisagée qu’après condamnation », Junior Déguénon

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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Les jeunes arrêtés dans le cadre de l’opération de lutte contre la cybercriminalité risquent gros. « Les affaires cybercriminelles, non seulement sont d’une gravité extrême, elles sont pénales, très sensibles et très techniques », relève le juriste Junior Déguenon, titulaire d’une Licence en droit des Affaires et carrières judiciaires. Entretien !

Propos recueillis par Raymond FALADE

Bénin Intelligent : Qu’est-ce que la cybercriminalité ?

Junior Déguenon, juriste : La cybercriminalité, d’après Larousse, est ” l’ensemble des infractions pénales commises sur les réseaux de télécommunication, en particulier Internet’’. Elle renvoie à tout crime commis principalement à l’aide d’internet et des technologies de l’information, comme les ordinateurs, les tablettes ou les téléphones intelligents.
Selon le Code du numérique en République du Bénin, la cybercriminalité est assimilée sous le vocable « escroquerie par voie de télécommunication » et est une infraction grave qui ne peut être connue que par une juridiction spéciale qu’est la Criet [Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme, ndlr].

Quelle est la place de l’Ocrc dans la lutte contre ce fléau ?

L’Office central de répression de la cybercriminalité (Ocrc) est une unité de police spéciale qui ne fait qu’accomplir ses devoirs conformément aux pouvoirs et missions qui lui sont conférés. Leurs missions étant très spéciales, elles se réalisent à travers des interventions très spéciales conformément au Code de procédure pénale.

Les affaires cybercriminelles, non seulement sont d’une gravité extrême, elles sont pénales, très sensibles et très techniques, elles méritent une organisation très technique et spécialisée en la matière pour une réelle information, pour une bonne récupération des données.
Donc, l’Ocrc juridiquement et techniquement ne fait que suivre les lignes de ses missions, de ses engagements, de son serment envers la nation, ledit serment qui est d’aider les structures judiciaires à vraiment faire la lumière sur les faits criminels aux moyens de l’informatique, à recadrer les récalcitrants, ceux qui d’une manière ou d’une autre veulent être au-dessus des interdits.
L’Ocrc fait un très grand travail dans le domaine judiciaire. Je loue d’ailleurs leur prestation quotidienne.

Quelles sont les peines encourues pour les infractions liées à la cybercriminalité ?

Quant à la question des peines encourues pour cybercriminalité, la loi n°2017-20 portant Code du numérique en République du Bénin en parle plus largement. Les peines encourues par les personnes morales, pour les infractions visées au Titre I du présent Livre, sont :

1- une amende dont le montant maximum est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l’infraction ;
2- la dissolution, lorsque la personne morale a été créée ou, lorsqu’il s’agit d’un crime ou d’un délit puni en ce qui pour commettre les faits incriminés ; concerne les personnes physiques d’une peine d’emprisonnement supérieure à cinq (05) ans, détournée de son objet pour commettre les faits incriminés !
3- l’interdiction définitive ou pour une durée de cinq (05) ans au plus d’exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales
4- la fermeture définitive ou pour une durée de cinq (05) ans au plus d’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ;
5- l’exclusion définitive des marchés publics ou pour une durée de cinq (05) ans au plus ;
6- l’interdiction définitive ou pour une durée de cinq (05) ans au plus de faire appel public à l’épargne ;
7- l’interdiction pour une durée de cinq (05) ans au plus d’émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ;
8- la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit.

Toute personne morale condamnée à l’une des peines ci-dessus énumérées à l’obligation d’afficher la décision prononcée ou de la diffuser par la presse écrite soit par tout moyen de communication au public par voie électronique.

Qu’en est-il des personnes physiques et des peines d’emprisonnement ?

Les peines encourues par les personnes physiques pour cybercriminalité diffèrent selon la gravité des faits, les circonstances aggravantes ou atténuantes, etc.
Le code du numérique en a précisé selon la graduation, dans ses dispositions 566 et suivantes. Il prévoit en son article 566 que :

Quiconque, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en employant des manœuvres frauduleuses quelconques, se fait remettre ou délivrer des biens et valeurs par le biais d’un système informatique ou d’un réseau de communication électronique et a par un de ces moyens, escroqué tout ou partie de la fortune d’autrui est puni d’un emprisonnement de deux (02) ans à sept (07) ans et d’une amende égale au quintuple de la valeur mise en cause sans qu’elle soit inférieure à un million (1 000 000) de francs CFA.

Quiconque, soit en faisant usage de faux noms ou de fausses qualités, soit en employant des manœuvres frauduleuses pour persuader de l’existence de fausses entreprises, d’un pouvoir ou d’un crédit imaginaire, pour faire naître l’espérance ou la crainte d’un succès, d’un accident ou de tout autre événement chimérique, ou pour abuser autrement de la confiance ou de la crédulité se sera fait remettre ou délivrer des données informatiques, et a par un de ces moyens escroqué tout ou partie de la fortune d’autrui, est puni d’un emprisonnement de deux (02) ans à sept (07) ans et d’une amende égale au quintuple de la valeur mise en cause sans qu’elle soit inférieure à un million (1 000 000) de francs CFA.

Les peines d’emprisonnement sont portées de dix (10) ans à vingt (20) ans et l’amende au quintuple de la valeur mise en cause sans qu’elle soit inférieure à vingt-cinq millions (25 000 000) de francs CFA lorsque l’escroquerie est réalisée :
1- par un dépositaire de l’autorité publique ou un chargé de service public, dans l’exercice ou à l’occasion de ses fonctions ;
2- par une personne qui prend indûment la qualité de dépositaire de l’autorité publique ou chargé de service public ;
3- par une personne ayant fait appel au public en vue de l’émission d’actions, obligations, bons, parts ou titres quelconques soit d’une société, soit d’une entreprise commerciale ou industrielle ;
4- au préjudice d’une personne dont la situation de vulnérabilité en raison de l’âge, d’un état de grossesse, d’une maladie, d’une infirmité ou d’une déficience physique ou mentale était apparente ou connue de l’auteur des faits.
Les coupables d’infractions visées aux alinéas précédents peuvent se voir prescrire une interdiction, à titre de peine complémentaire, par les tribunaux compétents au sens de l’article 583 du présent code.

Dans quelle mesure peuvent-ils obtenir la clémence ?

En sus de cela, comme on le dit, une faute avouée est à moitié pardonnée. Donc, ceux qui après les interrogations, vont reconnaître leur faute, se verront peut-être dans une clémencité du juge spécial, ou se verront face à une peine pas aussi sévère lors des condamnations ou à défaut, bien qu’ils auraient reconnus leur faute, se verront appliqués une peine stricte. Cela dépendra également du travail de leur avocat.

Certains invitent les autorités judiciaires à sanctionner durement ceux qui seront reconnus coupables, d’autres par contre, demandent la clémence des juges. Quelle est votre position sur ces différentes réactions ?

Pour ma part, je dirai tout simplement que ceux qui encouragent la police à poursuivre l’opération n’ont pas tort ! Ils ont raison, à chacun sa philosophie ! Ils ont raison parce que c’est une bonne opération qui permet d’ailleurs d’avoir une idée claire sur la situation du pays avec nos jeunes frères et sœurs qui ne veulent rien faire mais plutôt préfèrent accéder aux gains faciles, une sorte de vol masqué.
Je suis de leur côté aussi, je les encourage également. Mais je les exhorte à ne pas dévier aussi en faisant des dénonciations calomnieuses ou basées sur des suppositions.

Pour ceux qui demandent la clémence des autorités, je dirai que l’État est gouverné par un président, chef de la nation. Ainsi donc le pays est comme une famille et au sein d’une famille, lorsque quelqu’un enfreint aux règles établies par la famille, ce dernier subit une punition parce qu’il n’est pas en marge de cela car ce dernier sait très bien que ce qu’il est en train de faire est mauvais et punissable.
D’un autre côté, on peut accéder à cela aussi car lorsque quelqu’un faute et demande pardon il faut le lui accordé dans certains cas d’espèce.
Mais dans le cas d’espèce, je ne pense qu’elle soit possible parce qu’il y a l’indépendance de la Justice et le pouvoir exécutif ne peut influencer en aucun cas le pouvoir judiciaire. Chacun a ses missions indépendantes et l’un ne peut influencer l’autre dans ses missions.

La clémence du Chef de l’État ne peut – être envisagée qu’après condamnation des personnes, d’où interviendra peut-être les grâces présidentielles et autres faveurs.
Je pense du point de vue de tout citoyen que demander une clémencité dans le cas d’espèce, c’est laisser aller le mal, laisser courir le danger et mettre en danger le patrimoine des citoyens ! Et il ne faut pas laisser faire cela.

 

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