La hausse du prix de l’essence de contrebande, communément appelée ‘’kpayo’’ dont la vente est déjà interdite par le code pénal- donne raison à la politique d’anticipation au Bénin qui a favorisé la multiplication des stations-services. Alors que d’aucuns attendent une « mesure » de soutien à la population de la part de l’État, le gouvernement n’a jusque-là rien annoncé, tenant donc à la poursuite de la formalisation du secteur.
Par Bernadin ANATO et Sêmèvo Bonaventure AGBON
700 Fcfa/litre ici, 850 Fcfa là. L’annonce de la fin de la subvention des produits pétroliers faite par le nouveau président du Nigeria, Bola Tinubu lundi 29 mai à Abuja lors de son investiture, n’a pas tardé à faire grimper les prix au Bénin surtout de l’essence “kpayo”. Ils ont presque doublé là où le précieux liquide était cédé à 450Fcfa ou 500Fcfa. Des files « contenues » de motos et de véhicules ont commencé à se dresser devant les stations-service notamment à Cotonou, la capitale économique et Abomey-Calavi, la cité dortoir qui vendent, elles, à 650Fcfa le litre. Au niveau des stations-service, le prix n’a pas augmenté ; ils sont fixés en conseil des ministres par le gouvernement.
« C’est une situation très préoccupante », se plaint Ernest Gbaguidi, le président de Bénin Santé, une association de défense des consommateurs. « Si le Nigeria ne revoit pas sa politique, les consommateurs n’auront pas d’autre choix que de se rabattre sur les stations-services au Bénin. Maintenant ce sont ceux qui vivent dans les coins où il n’y a pas encore assez de stations-services qui vont véritablement en souffrir », craint-il.
L’arrivée au pouvoir de Bola Tinubu n’est pas du goût des vendeurs de “kpayo”. « Tous les vendeurs béninois sont mécontents et ils regrettent que les Nigérians l’aient choisi ! », confie Henri Assogba, porte-parole de l’Association des vendeurs de l’essence de l’Atlantique. Toutefois reconnait-il, « on ne peut rien attendre des autorités parce que nous exerçons une activité illicite ». La solution qu’il entrevoit à cette crise récurrente, réside dans la reconversion des milliers de vendeurs/ses qui vivent directement de ce commerce. « Nous prions Dieu pour que nos autorités créent des emplois pour que beaucoup de gens trouvent un autre travail », souhaite Henri Assogba.
Anticipation
Au siège de Bénin Intelligent vendredi 9 juin où il a tenu sa rencontre hebdomadaire avec la presse, le porte-parole du gouvernement, Wilfried Léandre Houngbédji a vanté la politique d’anticipation du gouvernement. Elle s’est traduite, a-t-il expliqué, par la multiplication des stations d’essence. Ces dernières années, elles ont, en effet, poussé comme des champignons dans plusieurs coins de rue surtout à Cotonou. Les plus en vue sont Bénin Petro, Ewell, Jehovah Nissi Petroleum (Jnp) et Oryx Energies.
La crise aurait été plus dure « il y a 10 ans ou 15 ans si la situation pareille se présentait et que nous n’avons pas encouragé, la multiplication, la diversification des stations-services dans nos grandes villes et dans tout le pays », a-t-il insisté. « Nous avons été dans l’anticipation en œuvrant que les stations essaiment partout afin qu’on ne dise pas ici à là, c’est parce qu’il n’y a pas de station, c’est parce qu’il n’y a pas de sources formelles que l’informel prospère », a-t-il souligné.
Formalisation
Le Code pénal béninois révisé en 2018 criminalise la vente d’essence aux abords des voies publiques. La répression, à travers la saisie des stocks des vendeurs par la Police peine toujours à venir au bout du phénomène, qui s’est imposé comme la principale source d’approvisionnement des Béninois. « 70% de l’essence consommée au Bénin provient du circuit informel. Structurellement nous avons donc aujourd’hui 30% des consommateurs d’essence qui vont dans les stations-services », a reconnu Wilfried Léandre Houngbédji.
En son article 929, le code dispose que « le commerce des carburants, notamment : essence super, essence tourisme, pétrole, mélange deux temps ainsi que celui des lubrifiants aux abords des rues , dans les agglomérations, et tout endroit autre que les dépôts et installations de la Société nationale de commercialisation des produits pétroliers ou des distributeurs agréés sont rigoureusement prohibés ». Les sanctions prévues figurent à l’article suivant, 930. Elles vont de la confiscation des produits pétroliers et des moyens utilisés pour les transporter, à des peines d’emprisonnement et des amendes à partir de 100 000 Fcfa.
Le secteur du commerce illicite de l’essence fait souvent parlé de lui par des incendies parfois avec des dégâts importants. Sans oublier l’impact aussi néfaste sur l’environnement, l’un des arguments brandis par les parlementaires d’alors pour justifier l’adoption du texte. Le gouvernement actuel a donc « encouragé les tenanciers de l’informel à se formaliser en se mettant ensemble pour avoir des stations », rappelle le porte-parole du gouvernement lors de sa sortie médiatique.
