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Décès du professeur, militant politique et ancien détenu politique Albert Gandonou

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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Grosse perte dans le milieu intellectuel béninois ! Le journal Bénin Intelligent a appris le décès, ce mardi 30 juillet, du professeur Albert Gandonou. Il est militant politique et professeur de grammaire et de stylistique françaises. Il est par ailleurs président-fondateur du mouvement Chrétiens pour changer le monde (Cpcm).

Dans le forum WhatsApp de CPCM, les éminences intellectuelles qui le composent sont inconsolables. Les messages de condoléances et d’affliction abondent depuis ce matin. «Oh Seigneur, mon Dieu ! Je m’incline très respectueusement devant la mémoire de ce CHRÉTIEN qui, toute sa vie durant, a œuvré à CHANGER LE MONDE, en le rendant plus Humain et plus JUSTE surtout. ALBERT, TU “as combattu le bon combat…”, dors en paix !» écrit le professeur Albert Bienvenu Akoha.

Albert Gandonou est mort des suites d’une longue maladie. Il a soutenu en 1999, en Sorbonne à Paris, une thèse sur le thème : «Le Roman ouest-africain de langue française. Étude de langue et de style». Il rejette «l’africanité supposée d’œuvres écrites en français». Selon lui, «la littérature ne s’écrit pas avec des idées, mais avec des mots», résume Garnier, X. (2002).

Albert Gandonou a surtout mené par ailleurs un militantisme politique agité et périlleux en tant que membre du Parti communiste du Bénin (PCB) depuis sa création en 1977. Son activisme pro démocratie et justice lui a valu de connaître l’exil et la prison. Il fait partie des tout premiers détenus politiques sous le président Nicéphore Soglo.

En effet, il a été arrêté un «jeudi noir», le 25 juillet 1991 avec neuf compagnons. Il passera ensuite 8 mois en prison. Leur procès a d’ailleurs fait la Une du quotidien national du 19 septembre 1991. L’un de leur compagnon eu moins de chance : Segla Kpomassi, puisqu’il a été fusillé au marché d’Azovè le dimanche 16 septembre 1990 «par un gendarme aux ordres du ”Renouveau démocratique”.

Lettre de Prison

Albert Gandonou raconte cette «croix» qu’il a vécue, dans une autobiographie minutieuse de 300 pages intitulée : ” Lettre de prison. Chronique d’une détention politique sous le ”Renouveau démocratique” au Bénin» (Éditions de l’Etincelle, 2011). L’ouvrage-épistolaire est adressé à sa fille, Finafa auprès de qui il justifie son engagement politique qui a fait de nombreuses victimes collatérales accusées de complicité (mère, oncle, parents matraqués, emprisonnés à cause de lui). Finafa, élève au moment des faits, aurait voulu qu’il abandonne tout ça pour être près d’elle, en paix en famille.

À travers le recours aux guillemets dans le sous titre du livre, Albert Gandonou montre la mue du Renouveau démocratique en ”autocratie démocratique”. Il l’illustre en racontant avec rigueur, la purge subie par exemple par la Région Sakété-Ifangni étiquettée comme nid de «communistes et démocrates» nocifs. Le Bénin était donc retombé dans l’Etat de non-droit et d’autoritarisme que l’historique conférence des forces vives de la nation était censée avoir enterré.

Albert Gandonou, qui a démissionné de son poste de professeur en Côte d’Ivoire, dirigea dans ce pays la section de l’Association pour le développement économique, social et culturel d’Ifangni (Adesci), une sous-section préfectorale de l’Adesco (créée en 1986) qui, elle, concerne tout le département de l’Ouémé dont le chef-lieu est Porto-Novo.

Il était donc marqué comme un fauteur de trouble et a échappé à des tentatives d’assassinat. Dans ”Lettre de prison”, il raconte la précaire vie des prisonniers, montre que la prison est remplie de gens sans histoire victimes de méchanceté. Il se désole surtout de la répression des masses paysannes par le nouveau régime.
Il montre aussi que le PCB n’a pas été dans les grâces de l’Église (catholique). Dans les églises, ils étaient pourfendu par certains prêtres lors des homélies.

Trahison … toujours ?

Pour leur travail d’éveil des consciences, l’abbé Jacob Affognon les définissait par exemple comme des gens «très dangereux», des «communistes, c’est-à-dire des athées, des gens qui ne croient pas en Dieu et veulent supprimer les religions» p.191. Albert Gandonou, dont le parcours est tout le contraire de cette perception, observe justement que :

« avec le Renouveau [démocratique], les curés sont devenus très engagés. La ”démocratie”, c’est le pouvoir de l’Église au Bénin, c’est le paradis sur terre pour elle».

Albert Gandonou constate avec amertume que les pouvoirs politiques ont toujours trahi les masses même lorsqu’ils sont issus de la lutte des masses. Le système capitaliste, pourtant chantre de la démocratie, prospère partout sur les terreaux de la corruption, l’arbitraire et la bureaucratie. Très astucieux, ses tenants n’hésitent pas à vendre la peur aux populations pour les dominer, les confiner dans la résignation.

Mais «La guerre est une loi de l’Histoire (…) Bref et de toutes les façons, les bourgeois ne sont pas des hommes de paix. Ils allument la guerre dès que leurs intérêts sont en jeu ou que leur pouvoir est menacé. Et dans ces cas-là, ils savent mystifier les pauvres, les masses démunies, pour les amener à mourir pour eux, à leur servir de chairs à canon. En prenant seulement dans notre siècle, on formerait une longue chaîne avec les exemples, de la première guerre mondiale jusqu’à la récente guerre du Golfe, en passant par la deuxième guerre mondiale, par les guerres d’Indochine, du Viêt-Nam, d’Algérie, etc. Leurs discours sur la non-violence sont destinés seulement à endormir les masses. Ils ne parlent de paix que pour empêcher les pauvres de se battre, de façon autonome, pour défendre leurs propres intérêts, pour conquérir le pouvoir à leur propre profit» p. 195

Témoignage

Le professeur Guy Ossito Midiohouan salue en Albert Gandonou, «le combattant et défenseur de la liberté et des droits de l’homme».

«C’était un homme de grande qualité. Profondément humain ! Je suis triste. Ô mon Dieu ! Je l’aimais vraiment. Pour sa simplicité, son humilité, ses convictions fortes, sa douceur, son sourire. J’affirme que nous avons perdu quelqu’un», s’exclame le professeur de littéraires africaine à la retraite.

Albert Gandonou a été libéré après 8 mois de prison ferme, avec Dominique le 19 mars 1992. Les huit autres une semaine plus tard. Parmi la liesse populaire, 21 coups de canon ont été tirés.

«La lutte politique du PCD et des conventionnels contre l’institution de la taxe civique s’est généralisée dans tout le pays et a débouché sur la suppression de cette taxe en janvier 1994, soit moins de deux ans après notre libération», écrit-il.

Sous Kérékou II, la loi d’amnistie n°96-028 du 22 décembre 1998, a été votée. Elle «reconnaissait enfin officiellement le caractère politique» de la détention d’Albert Gandonou et d’autres camarades à travers le pays. Hélas «rien n’est fait pour réparer les torts et les préjudices qu’on nous a injustement causés. Mais, je l’ai dit, la lutte des classes continue et elle doit se poursuivre jusqu’à la victoire finale !»

Redevenir africain ou le dialogue interreligieux

Grand artisan du dialogue interreligieux, il a mené sous la bannière de l’association CPCM, des travaux intellectuels et culturels dans le sens du respect mutuel et de la compréhension en matière de religion. Il s’était remarié à une musulmane sans que cette différence de religion ne les éloigne d’une vie de couple heureuse.

Impossible donc de parler d’Albert Gandonou sans évoquer son affranchissement et sa dénonciation de l’impérialisme religieux occidental. Il le raconte dans “Comment je suis redevenu africain” (2014). Un ouvrage publié comme le second Manifeste du Mouvement Chrétien pour changer le monde. Chose paradoxale, «c’est avec des amis Européens qu’il a redécouvert les valeurs du Vodun de chez lui, le continent africain. «Ce sont eux qui m’ont ‘’réconcilié avec ma terre’’».

Ancien séminariste, Albert Gandonou dit avoir découvert que «l’Eglise n’est pas, surtout en Afrique une force de transformation de la société mais une force d’appoint du système d’exploitation et d’oppression des peuples». Lequel système amène les peuples africains à détester leurs propres valeurs, cultures et spiritualité.«Toutes les religions à commencer par les religions naturelles sont respectables et valables au même titre. Ils n’en existent pas de plus vraies que d’autres et l’on retrouve les mêmes symboles dans toutes les religions du monde».

Les Pères Francis Aupiais et Pierre Saulnier figurent parmi ceux qui ont réconcilié Albert Gandonou avec le Vodun, témoigne-t-il. Jusqu’à sa mort, Albert Gandonou est resté attaché à la personne de Jésus-Christ dont il trouve que le message d’amour existe au coeur des traditions africaines.

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