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Confédération du Sahel

Confédération du Sahel : Dur Brexit à l’africaine

Par Arnauld KASSOUIN
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La confédération des Etats du Sahel ambitionne consolider les accords trilatéraux entre les pays membres. Un nouvel ordre régional se présage. Cependant, des doutes subsistent quant à son efficacité.

La confédération des Etats du Sahel a vu le jou r le 6 Juillet 2024. Cette confédération mise sur pieds par le Mali, le Burkina Faso et le Niger est née 42 semaines après la création de l’Aes. Pour le capitaine Ibrahim Traoré, la confédération des États du Sahel a pour but de « prolonger et d’agrandir l’architecture de l’Aes ». En vérité, cette confédération entend incarner un nouvel ordre régional. Cela fait suite aux diverses sanctions de la Cedeao envers le Niger après le coup d’Etat du 26 juillet 2023. Aussi, il faut ajouter que la gestion de la Cedeao des questions d’ordre politique, diplomatique et sécuritaire ont favorisé la sortie des Etats membres de l’Aes. C’est ce qu’a fait savoir en réalité le communiqué rendu public le 28 janvier 2024 par la présidence de la république du Niger.

Cedeao

« L’organisation n’a pas porté assistance à nos États dans le cadre de notre lutte contre le terrorisme et l’insécurité », estiment les dirigeants militaires à travers ledit communiqué. « Pire, lit-on, lorsque ces États (Aes ndlr) ont décidé de prendre leur destin en mains, elle a adopté une posture irrationnelle et inacceptable en imposant des sanctions. » En bref, c’est ce qui a motivé la sortie du Mali, du Burkina Faso et du Niger de la Cedeao. Cette sortie des trois pays de la Cedeao est irrévocable selon le général Tiani. « L’approbation formelle du traité portant création de la confédération Alliance des Etats du Sahel consacrera » selon le général l’aboutissement des aspirations de leurs populations.

Mieux, il dit que cela permettra à leurs populations « à sceller le socle » de leur espace sahélien. Mais, qu’en est-il de l’intégration régionale ? A cette question, une analyse théorique des conséquences macro-économiques proposée par Etienne F. Sissoko, Tahirou Tangara et Khalid Dembele suppose que ce retrait de la Cedeao « représente un tournant critique pour les économies ». Surtout pour l’ensemble de la dynamique économique et politique de la région Ouest-africaine dans son ensemble mais aussi pour les pays de l’Aes.

Une intégration régionale en péril

Le Burkina Faso, le Niger et le Mali ( confédération du Sahel ) constituent moins de 10 % du PIB de la Cedeao. L’ensemble de ces pays représente 17 % de la population et plus de la moitié du territoire des pays membres de la Cedeao. Aussi, parmi les pays précités, il faut rappeler qu’ils affichent un taux de pauvreté plus élevé que le reste des pays membres de la communauté Cedeao. Les dernières études de la Banque Mondiale en date de mai 2024 sur l’économie des pays membres de l’Aes peignent un tableau sombre de la situation. En fait, la volonté de quitter la Cedeao ne sera pas sans conséquences pour les pays membres de l’Aes « Ce retrait affectera les conditions de voyage et d’immigration des citoyens de ces trois pays », avertit le président de la Commission Cedeao, Omar Alieu Touray, dimanche 7 juillet 2024 lors du sommet d’Abuja.

Accords de libre-échange

Pour le journaliste spécialiste du Sahel, Seidik Abba, cette sortie est l’expression type d’un « recul dans l’intégration régionale ». Dans la même veine, Christian Bouquet, insiste et renchérit que le fait que les Etats de l’Aes aient décidé de quitter la Cedeao, c’est de renoncer de « facto aux accords de libre-échanges ». Il l’a fait savoir dans une interview accordée à The conversation Africa. Les accords de libre-échanges permettaient à ce que la libre circulation des marchandises, mais aussi des capitaux et des populations entre les 15 pays membres de l’organisation soient possibles. En effet, le traité fondateur de la Cedeao, dans ses articles 35, 36, 37, 38 et 45, instaure une coopération entre les États membres dans les domaines du commerce, des douanes, de la fiscalité, des statistiques, de la monnaie et des paiements.

En plus de ces articles cités, il y a également des textes additionnels, comme la convention A/P4/5/82 du mai 1982 portant institution du transit routier des marchandises (Trie). De même, nous avons le protocole A/A/P.1/1/03 du 31 janvier 2003 relatif à la définition de la notion de produits originaires des pays membres de la Cedeao.

Banque Mondiale

L’hypothèse qui postule que le retrait des pays de l’Aes aurait des conséquences économiques négatives est un fait. Plusieurs analyses démontrent que ce retrait engendrera une réduction des échanges commerciaux, un ralentissement de l’investissement et une baisse de la demande globale en lien avec les modèles d’équilibre général calculable Megc et la théorie keynésienne (Keynes, 1936 ; Banque mondiale, 2023).D’ailleurs, l’évaluation de la Banque mondiale de mai 2024 illustre bien ce nouveau paradigme. À moyen terme (2024-2026), « les perspectives de croissance des trois pays seront faibles », renseigne ladite évaluation. Après la sortie des trois pays de la Cedeao, plusieurs transformations auront lieu sur le plan économique. Parmi celles-ci figurent, entre autres, « l’augmentation des coûts commerciaux et la diminution des flux commerciaux en ce qui concerne les importations en provenance de la Cedeao ». Une « perturbation des corridors de transit » est susceptible de resurgir, alerte l’évaluation de la Banque mondiale.

Stratégies

L’évaluation pointe également du doigt l’augmentation du risque pour les investisseurs et du coût de financement régional de l’Uemoa. Parce que les dirigeants évoquent déjà la possibilité de création d’une nouvelle monnaie. Car, considérée comme « instrument d’assujettissement et d’aliénation », les dirigeants militaires souhaitent en finir avec. Cet argumentaire n’est pas du goût de tous. À l’occasion d’une conférence organisée le 18 juillet 2024 sur « Coopération internationale : Un regard critique et éthique sur sa contribution au développement », le directeur de l’Institut des Artisans de Justice et de Paix, père Raymond Bernard Goudjo, estime que « nous avons la chance d’avoir le franc Cfa ».

Ce dernier arrime le fond de sa pensée au rôle historique que le Cfa a joué dans la création de l’Euro. À ce propos, le père invite à se poser les vraies questions.La sortie des pays comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger ne fragilise pas seulement l’économie des pays cités. Elle mettra également en péril l’économie des pays de la sous-région, car un peu plus d’un tiers (37 %) des importations vers les trois pays proviennent de la zone Cedeao.

La part relativement « plus élevée » du Burkina Faso, du Mali et du Niger en provenance de la Cedeao reflète en partie l’importance du commerce de transit à travers des pays comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Togo. Toutefois, le rapport souligne que « l’ampleur des impacts dépendra du scénario engagé ». Autrement dit, l’impact sera conditionné par une sortie ordonnée dès le 28 janvier 2025, avec des accords commerciaux et de transit, ou par une sortie négociée.

Co-écrit avec Moucharaf Soumanou

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