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Enseignement supérieur : Grand ménage nigérian au Bénin et au Togo

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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Plus de 22 000 nigérians ont obtenu de faux diplômes au Bénin et au Togo. En cause, des établissements privés, pointe le ministre de l’Éducation du pays. Le Nigéria désavoue alors ceux-ci et publie une liste de 8 universités homologuées.

C’est sur une émission télévisée que la mesure a été annoncée à destination du Bénin et du Togo. Le Nigéria ne reconnaîtra désormais que les diplômes de 8 universités délivrés à ses ressortissants.

La liste dévoilée dimanche par Tahir Mamman, ministre nigérian de l’Éducation, intervenant dans l’émission Politics Today de Channels Television comprend les universités publiques. Elle exclut donc largement les universités privées dans les deux pays. Seules y figurent, en plus des universités publiques, l’Université africaine de Développement coopératif (entité interétatique, Bénin) et l’Université catholique d’Afrique de l’Ouest.

Le chiffre qu’avance le Nigeria pour motiver sa décision est effrayant : plus de 22.500 nigérians, dit le ministre, ont obtenu de (faux) diplômes au Bénin et au Togo; donc sans avoir avoir suivi ni des cours ni passé des examens, rapporte SésameInfo. Le pays de Tinubu a alors procédé à leur annulation. La majorité des faux diplômes ont été délivrés au Bénin, soit 21 000, croit Togo first.

Le scandale remonte au début d’année 2024. De retour dans son pays, le Nigéria, le journaliste Umar Audu révèle avoir obtenu en à peine un mois, un relevé de notes et un ”diplôme authentique” dans une école supérieure privée de Cotonou. Or, ledit diplôme devrait être normalement obtenu au bout d’un parcours académique de quatre ans. Ce ”faux” parchemin, il l’utilise ensuite pour être déployé dans le Corps national du service de la jeunesse.

La révélation est explosive et jette du discrédit sur la qualité de l’enseignement supérieur (privé) au Bénin. Mais pas que. Le réseau de faussaires s’étend au-delà. L’Agence Campus France classe les deux pays dans le top 5 des destinations prisées des étudiants nigérians. Ceux-ci fuyant leur pays dont le système éducatif est en proie à «des grèves prolongées» (observe RFI) mais aussi l’insécurité. D’autres pays sont aussi dans le viseur des autorités nigérianes.

« Nous n’allons pas nous limiter au Bénin et au Togo. Nous allons étendre le filet à des pays comme l’Ouganda, le Kenya et même le Niger, où de telles institutions ont été mises en place », annonce le ministre cité par l’Agence Ecofin.

Mobilité internationale

En 2019, les chiffres de l’Institut statistique de l’Unesco (Isu) placent les étudiants nigérians en tête en matière de mobilité internationale. «En 2017, un peu moins d’un étudiant nigérian sur quatre part en mobilité dans un autre pays d’Afrique subsaharienne ; 18% sont inscrits dans un pays du Golfe de Guinée, et en particulier au Ghana et au Bénin».

Campus France déduit que le Nigeria est le pays subsaharien comptant le plus d’étudiants (plus de 2 millions en 2019) et est aussi le principal pays d’origine des étudiants internationaux africains avec 85 000 étudiants en mobilité en 2017, en croissance rapide (+48% depuis 2012). «Ainsi, un étudiant sur cinq en mobilité en Afrique subsaharienne est nigérian».

Craintes

Logiquement donc, la mesure d’exclusion de plusieurs universités privées suscite des craintes chez les concernés. Le président de leur faîtière, l’Association nationale des étudiants nigérians (Nans) au Bénin, confie à RFI que «près de 15 000 étudiants nigérians pourraient être affectés si les diplômes délivrés au Togo et au Bénin ne sont plus reconnus dans leur pays».

À première vue, la décision du géant de l’est.traquant les faux diplômes, s’apparente à une violation de la souveraineté de ses deux voisins. Mais elle protège ses ressortissants contre le mal profond des “usines de fabrication” de faux diplômes.

La réaction du Nigéria met les pays concernés face au défi du contrôle pédagogique des établissements privés d’enseignement supérieur. Combien de béninois ont-ils obtenu des diplômes par le même procédé que le journaliste nigérian dans ces écoles ? L’institution des examens nationaux de licence et de master met-elle fin au phénomène ? Ces examens sont-ils imposés aux étrangers qui se font former dans lesdits établissements ?

Au Nigéria, des universités à bout de souffle

Pays le plus peuplé d’Afrique avec environ 232 679 478 habitants, le Nigeria fait face chaque année à un flux d’étudiants impressionnant. Les 274 universités sont donc exiguës pour accueillir la masse de deux millions de jeunes qui frappent à leur porte chaque année. Selon les chiffres de la Commission nationale des universités (NUC) citée par Ecofin, la capacité d’accueil des établissements existants oscille entre 500 000 et 700 000 candidats.

D’ailleurs, l’accès à l’enseignement supérieur nigérian n’est pas aussi ouvert. Il est «conditionné à la réussite des épreuves nationales, l’Unified Tertiary Matriculation Examination (UTME), et lié à la qualité des diplômes obtenus à la fin du secondaire, par discipline : les Secondary School Certificates (SSC)», explique Campus France.

En effet, les étudiants doivent atteindre un score minimum de C6 au SSC (soit l’équivalent d’un B dans le modèle anglo-saxon) pour être admis. Un casse-tête. Puisque en 2017 par exemple, 30% seulement de jeunes ont réussi le test sur 1,8 millions de candidats. Et ont pu s’inscrire dans un établissement de l’enseignement supérieur.

«Ce ratio semble faible, mais il n’était que de 10% il y a encore dix ans. Cette procédure est organisée par une agence fédérale, la Joint Admission and Matriculation Board (JAMB). L’étudiant peut postuler au maximum à deux universités, deux instituts polytechniques et deux établissements de formation des enseignants. En 2016, 70% des candidatures se sont portées sur une université fédérale, 27,5% sur une université d’État et seulement 1% sur une université privée accréditée. Excepté pour les étudiants qui ont une vocation très affirmée ou qui suivent un choix familial particulier, les jeunes Nigérians s’orientent en priorité vers les universités fédérales puis d’État.»

Les dossiers de Campus France, n°49, octobre 2019.

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