Les glaciers, véritables réservoirs d’eau douce de la planète, sont aujourd’hui menacés par le réchauffement climatique. Leur fonte progressive met en péril l’approvisionnement en eau de millions de personnes. À l’occasion de la Journée mondiale de l’eau, le Dr Flavien Dovonou, expert en hydrologie et gestion des ressources en eau, lance un appel urgent à la préservation de ces géants de glace. Selon lui, la survie de l’humanité dépend de notre capacité à stopper leur disparition et à lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. Il a été interrogé sur la chaîne Canal 3 Bénin.
Journaliste : Quel est l’objectif de la célébration de la Journée mondiale de l’eau ?
Dr Flavien Dovonou : Le but visé par cette commémoration est d’attirer l’attention de tout le monde sur l’importance de l’eau douce, sur le nécessité d’assurer une gestion durable de cette ressource. Attirer aussi l’attention de tout le monde sur le fait qu’aujourd’hui, nos ressources en eau sont menacées de pollution, l’accès à l’eau n’est pas équitable, il y a beaucoup de communautés qui n’ont pas accès à l’eau.
Il faut aussi qu’on encourage toutes les initiatives qui vont dans le sens de la réalisation des Objectifs du développement durable, surtout l’Odd n°6 visant l’accès de tous et de toutes à l’eau potable et à l’assainissement à l’horizon 2030.
Le thème de cette édition s’intéresse à la préservation des glaciers. Mais qu’est-ce qu’un glacier ?
Un glacier c’est un dépôt de glace, c’est une accumulation de neige qui se fait sur plusieurs années et qui fait que le glacier devient compacté, dense et immense. Lorsque cette accumulation se fait sur la terre ferme, on parle de glacier. Mais quand le phénomène se passe au niveau des océans et des mers, on ne parle plus de glacier, mais de banquise. Et c’est les banquises qui dérivent pour devenir les icebergs que vous connaissez très bien qui sont des dangers pour la navigation maritime.
Quelle est l’importance de ces glaciers ?
Les glaciers jouent un grand rôle dans notre environnement. Le premier rôle, c’est qu’ils reflètent les rayonnements solaires et ce faisant, protègent la terre contre l’élévation de la température. On parle d’effet d’albédo en ce moment.
Les glaciers sont aussi des châteaux d’eau pour notre planète. Quand on veut parler des ressources en eau, nous disons que nous avons 4 réservoirs. Il y a les eaux atmosphériques – les nuages, les eaux de surface constituées par les cours d’eau et les plans d’eau, il y a les eaux souterraines ; mais il reste un dernier réservoir qu’on appelle les glaciers et dont on parle très peu. Donc ces glaciers représentent aujourd’hui 69% du volume mondial total d’eau douce. D’où leur importance pour la survie de l’humanité.
Les glaciers aujourd’hui pour nous sont des marqueurs sensibles du réchauffement climatique. C’est-à-dire que quand ils fondent, on sait que la terre est en train de chauffer et qu’il faut faire quelque chose dans ce sens.
Au niveau des glaciers, nous avons des écosystèmes particuliers où vous avez des espèces en voie de disparition telles que les ours polaires, les phoques qu’on ne voit que dans ces environnements.
Les glaciers apportent également beaucoup de devises dans le tourisme. Parce que des gens sont curieux d’aller voir ce que c’est qu’un glacier et des touristes se déplacent pour aller à la rencontre de ces glaciers.
Donc les glaciers interviennent dans beaucoup de compartiments. Ils sont utiles pour l’écologie, l’économie et le social.
Pourquoi le choix de ce thème et que peut-on comprendre à travers ce thème ?
Le thème « préservons les glaciers » est un thème très capital pour nous. Parce que plus de la moitié de la population de la terre vit au dépend des eaux douces qui proviennent de ces glaciers. C’est un élément important du cycle de l’eau. Parce que pendant l’hiver, les glaciers sont solides à cause de la basse température. Mais pendant l’été, ces glaciers fondent et vont nourrir les nappes phréatiques, vont apporter de l’eau au niveau des rivières, des lacs. Donc il faut savoir que ces glaciers sont d’une importance capitale pour la survie de l’humanité.
C’est cela qui a amené l’Onu à décréter désormais les 21 mars de chaque année comme Journée mondiale des glaciers. Et nous sommes à la première édition de cette journée.
Comment les populations peuvent-elles contribuer à la préservation des glaciers ?
Les populations ont un grand rôle à jouer dans la préservation des glaciers. Le premier rôle, c’est qu’elles doivent aider à freiner le réchauffement climatique. Vous savez, l’ennemi n°1 de la glace, c’est la chaleur. Donc aujourd’hui, il faudrait que nous luttions contre les émissions de gaz à effet de serre. Ce sont ces gaz qui augmentent la température de la terre et cela agit sur les glaciers qui fondent.
Donc, à travers nos comportements, n’importe où nous sommes sur la terre, nous devons encourager des actions qui vont à l’encontre de cette élévation de la température de la Terre. Mais en quoi faisant ?
Les énergies fossiles émettent des gaz à effet de serre qui sont nuisibles à notre environnement. Aujourd’hui, nous prônons les énergies renouvelables, à savoir l’énergie solaire, l’énergie éolienne et même l’énergie des houles. Alors, les populations doivent adopter des comportements qui vont à l’encontre de toute élévation de température. Et ce faisant, nous allons conserver les glaciers sur plusieurs années et ils ne vont plus perturber le cycle hydrologique et même quelques fois le cycle écologique.
Que savons-nous de l’état des glaciers aujourd’hui ?
L’état des glaciers aujourd’hui est alarmant. Aujourd’hui, le plus grand glacier du monde s’appelle Lambert. Il est au niveau de l’Antarctique et il mesure 400 kilomètres de long sur 100 kilomètres de large. Ce glacier est menacé parce qu’il est en train de fondre et de façon drastique.
Quand nous prenons le mont Kilimanjaro en Tanzanie, on nous a appris en géographie, que c’est le sommet de l’Afrique. Il cumule à une altitude de 5 895 mètres. Il était entièrement recouvert de glace dans les années 1900. Aujourd’hui, il a perdu 90% de sa superficie de glace.
Avant, les gens mettaient près de 6 à 7 jours pour en atteindre le sommet. Mais aujourd’hui, en 72 heures, les touristes sont au sommet du Kilimanjaro. C’est la preuve qu’il y a un danger, que ces glaciers sont en train de fondre et quand ils vont finir de fondre, la vie sera très difficile parce que les eaux douces de ces glaciers sont nécessaires pour la survie de l’humanité.
Comment arrive-t-on à se rendre compte que les glaciers sont en train de changer ?
Il y a un service mondial de suivi des glaciers qui alerte, qui donne des informations. Dans le monde, il y a des chercheurs qu’on appelle des glaciologues qui étudient la mécanique de la glace, la chimie de la glace et de jour en jour, ils nous informent sur le fait qu’à l’allure où vont les choses, ces glaciers sont en train de disparaître. Ils sont allés jusqu’à démontrer que si la terre continue de chauffer, à l’horizon 2100 les montagnes de l’Himalaya en Asie vont disparaître complètement.
Ce sont des projections et des simulations qui amènent à ces conclusions. Mais le réel problème c’est que lorsqu’il y a la fonte de ces glaciers, cela amène à l’augmentation du niveau de la mer. Et quand il y a augmentation du niveau de la mer, les îles qui sont dans la mer et dans les océans vont disparaître.
Et il n’y a pas que les îles, il y a même des villes côtières comme Cotonou, Lomé, etc., qui sont exposées à cette augmentation du niveau de la mer. D’où la nécessité, l’importance de sauvegarder, de protéger les glaciers et d’arrêter la fonte.
Le 21 mars est déclaré Journée mondiale des glaciers et le 22 mars, Journée mondiale de l’eau. Quels sont les messages clés qu’on peut retenir avec ces deux journées ?
Ces deux journées vont dans le même sens. C’est-à-dire communiquer autour de l’importance de l’eau douce. Vous savez la terre est appelée planète bleue parce que vue du ciel, 70% de sa superficie est constituée d’eau.
Mais attention, ce n’est pas toute cette eau qui est utile à l’homme. De ces 70%, vous n’avez qu’environ 3% qui représentent de l’eau douce, répartie au niveau du sous-sol, donc on parle des eaux souterraines, au niveau des eaux de surface, au niveau de l’atmosphère et au niveau des glaciers. Donc, il faudrait qu’on puisse travailler à préserver cette ressource qu’est l’eau douce et qui est importante pour l’industrie, l’agriculture, l’élevage et la consommation humaine.
La journée du 22 mars nous amène aussi à faire le point sur la mise en œuvre de l’Objectif du développement durable n°6, à savoir l’accès de toutes et tous à l’eau potable à l’horizon 2030. Donc l’un mis dans l’autre, c’est des effets qui se complètent et qui attirent notre attention sur le fait que sans eau, pas de vie. Vous savez très bien que notre organisme est constitué pour 50% de l’eau et nous ne pouvons rien faire sur la terre sans faire usage de l’eau.
Quelles sont les mesures prises en matière d’adaptation et d’atténuation des effets de changement climatique ?
Les mesures varient d’un pays à un autre. Je vais vous donner un exemple. Tous les matins, vous allez voir entre Calavi-Kpota et l’échangeur de Godomey, des longs rangs de véhicules. Amusez-vous à faire le constat, si vous avez 100 voitures alignées sur un kilomètre, par exemple, vous allez compter 100 personnes. Or, ces 100 personnes peuvent rentrer et rester dans deux bus.
Aujourd’hui, on prône la notion de co-voiturage. Il faut qu’on nous amène à savoir qu’en quittant un point A pour un point B, nous n’avons plus intérêt à prendre chacun sa voiture pour y aller. Nous émettons du gaz carbonique nuisible à l’environnement. C’est ce gaz carbonique qui participe au réchauffement climatique. Comment faire pour que le covoiturage soit une réalité ?
Il y a des pays où c’est à vélo que les gens se déplacent. Le recteur de l’université vient à l’université à vélo. Pareil pour le ministre. Nous ne pouvons pas faire ça ici, mais quand même, on peut trouver des formules pour minimiser les émissions de gaz à effet de serre. Ce faisant, nous allons contribuer à diminuer la température de la terre et à conserver les glaciers.
Votre mot de fin
Je voudrais finir en partageant une belle phrase que j’ai eue du secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, monsieur António Guterres, qui dit « l’eau nous unit, toutes et tous, de plus elle est au centre de nombreux défis mondiaux. Qui dit eau, dit santé, assainissement, hygiène et prévention des maladies, dit paix, dit développement durable, lutte contre la pauvreté, soutien au système alimentaire et création d’emplois et de prospérité. »
Je vous remercie.