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Culte, culture et développement de l’Afrique : Le choc Mahougnon Kakpo, Père Gbédjinou et Raphaël Yebou

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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Le développement du continent africain dépendra-t-il du retour à la culture ? Cette question à laquelle les panafricanistes/Kémites répondent avec force par l’affirmative, était au cœur de l’émission hebdomadaire ‘’Aéropage’’ de Radio Immaculée Conception. Sous la conduite de Juste Mahougbé Hlannon, le journaliste-animateur, trois intellectuels aguerris se sont affrontés samedi 18 mars. Il s’agit du professeur Raphaël Yebou, chrétien catholique, le Père Rodrigue Gbédjinou, docteur en Théologie dogmatique et Mahougnon Kakpo, Bokonon et professeur Titulaire de Littérature africaine.

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON

Les trois invités sont unanimes que la culture est le trait caractéristique de l’Homme. « S’il y a un terme qui est capable de représenter l’Homme en général, c’est la culture. L’Homme est l’élément fondamental de la culture… » (Prof. Kakpo). « La culture, pour moi c’est la façon d’être au monde, la façon de concevoir la vie, d’envisager les choses, d’envisager les rapports aux choses, à l’Homme et à Dieu » (Prof. Yebou).

Le Père Rodrigue Gbédjinou, par ailleurs directeur de l’École d’initiation théologique et pastorale (Eitp) recours, lui, à une métaphore puissante : « La culture, c’est l’âme d’un peuple ». Il souligne que le « terme [est] assez polysémique », mais il retient que la « culture détermine l’Homme, détermine son identité et aussi détermine son avenir ».

« Non, c’est de l’utopie que de penser qu’on peut séparer le culturel du cultuel.» Prof. Mahougnon Kakpo

Après ces clarifications, la tempête envahit le plateau. Juste Hlannon, l’animateur demande si « une démarcation est possible entre le culturel et le cultuel ? » Une question pertinente, dans un univers désormais irrémédiablement multiconfessionnel où les Hommes appartenant à la même culture, ne s’y reconnaissent toujours pas notamment en matière de foi, de croyances.

Or, l’avis du professeur Mahougnon Kakpo est sans ambages : il est impossible de séparer le culturel du cultuel. Une telle entreprise relèverait de l’ « utopie », de la « démagogie », voire de l’hypocrisie, selon lui. « Non, c’est de l’utopie que de penser qu’on peut séparer le culturel du cultuel. C’est une démagogie, c’est une utopie que de croire que je peux être de telle culture et faire autre chose qui ne renvoie pas à la culture», assène-t-il.

Le professeur Raphaël Yebou, chrétien catholique a semblé aller dans le même sens que lui, mais attention ! une nuance fondamentale réside dans sa réaction très habile : « Je ne pense pas qu’on soit amené à séparer le cultuel du culturel pour sauver quoi que ce soit….Le culte étant un élément de la culture, on ne peut pas confondre l’ensemble et l’élément. Moi, j’ai plutôt le sentiment que dans le vaste champ de la culture il y a le culte. Et je ne confonds pas le culte et la culture », avoue le grammairien.

La difficile démarcation

Le Père Gbédjinou contrattaque. Tout en partageant la définition du professeur Mahougnon Kakpo, le prêtre de l’Archidiocèse de Cotonou prend des distances avec lui quant à la séparation du culturel d’avec le cultuel que l’ancien ministre juge utopique. Le docteur en Théologie dogmatique fait observer que « La culture n’est donc pas une réalité figée, la culture est une réalité dynamique ». Il l’illustre si bien par le fait que, « quand je nais je reçois une culture, il y a tout un bagage, tout une vision du monde qui m’accueille et dans cette vision du monde je suis intégré. Mais moi aussi je peux faire évoluer cette culture par les apports, les réflexions ».

« Le culte est dans le culturel mais la pratique cultuelle est subjective », Prof. Raphaël Yebou

Rodrigue Gbédjinou reconnaît tout de même que culte et culture s’imbriquent :« La démarcation est difficile » entre le culturel et le cultuel. Mais pas impossible, et « à un moment donné il faut séparer, il faut distinguer pour unir », insiste-t-il. Ce qui permettra de réussir cette séparation difficile, « c’est simplement la raison », indique-t-il, enfin.

Le Prof. Mahougnon Kakpo qui est resté sur sa soif, est revenu à la charge. « Vous pouvez être d’une culture et pratiquer un autre culte », concède l’auteur de ‘’Introduction à une poétique du Fa’’ et de ‘’La naissance de Fâ : L’enfant qui parle dans le ventre de sa mère’’.

« Mais vous ne pouvez pas dire que vous êtes dans l’ère culturelle Aja-Tado et sortir de cette ère culturelle la conception qu’on a du Vodun, la conception qu’induit le Fâ par exemple ; vous ne pouvez pas séparer ça », défie-t-il.

Le Père Gbédjinou dut alors repréciser sa pensée. La séparation [du cultuel du culturel] que lui souhaite vivement, permettrait de mettre d’un côté « ce qui relève de la vie de l’Homme, ce qui relève de la vie [profane, ndlr] où tout le monde peut se retrouver » et de l’autre « ce qui renvoie à la transcendance [la religion, les croyances, ndlr] et qui nécessite un choix ».

La symbolique du sang

Dans le duel entre Kakpo et Gbédjinou, le professeur Yebou intervient. « Le culte est dans le culturel mais la pratique cultuelle est subjective, elle varie en fonction des individus. Celui qui a pratiqué le Vodun et qui découvre que le Christ a un message plus élevé et qui accepte le Christ, celui-là il ne pratique plus le Vodun, il n’est plus dans le culte du Vodun. Il a fait un autre choix », clarifie-t-il.

Petitement, le débat est transporté sur le terrain de la biologie, de la métaphysique. Si l’individu est libre de choisir un culte autre que celui de sa propre culture, l’égrégore familial l’implique confessionnellement  dans ce culte qu’il croit avoir quitté. Telle est, en tout cas, l’opinion discutable avancée par Mahougnon Kakpo. En ce sens que, dit-il, « Vous n’avez pas choisi de naître dans la famille. Vous êtes né dans la famille, vous avez retrouvé un univers qui vous imprègne. ».

« La culture est une réalité dynamique», Père Rodrigue Gbédjinou

Le choix d’un culte par-delà l’appartenance à telle culture doit impliquer « une rupture par rapport à un univers », oppose le Père Gbédjinou. « Parce que quand on parle de choix, il y a des réalités qui tombent », martèle-t-il. Tout ne tombe pas, surtout à cause du sang qui est la famille, relance Mahougnon Kakpo. « A partir du moment où le sang est génétique il y a un égrégore », insiste-il. « Le sang n’a pas de confession, le sang c’est le groupe A, groupe B, etc. partout dans le monde », casse Père Gbédjinou.

Oui, mais « dans certaines familles on identifie des enfants lors du baptême traditionnel qui ne sont pas de la famille, à cause du sang. C’est-à-dire lorsque vous amenez l’enfant que vous avez fait peut-être en ville, ou même à la maison, l’enfant peut ne pas être l’enfant du père considéré. Lorsque on veut lui faire le baptême, cet enfant n’est pas appelé à recevoir le baptême de cette famille-là. Et il arrive des catastrophes en ce même là, parce que le sang qu’il porte n’est pas celui de la famille », a illustré Mahougnon Kakpo.

N. B: La suite de leurs interventions dans nos prochaines parutions. 

 

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