Le député Louis Vlavonou a été investi jeudi 13 avril à Porto-Novo, président de l’Assemblée nationale, neuvième Législature. Devant un parterre d’invités, il a appelé ses collègues à bien jouer leur rôle quelques soient leurs sensibilités politiques. Quant à lui, il a promis d’être impartial tout au long de son mandat à la tête de l’institution. Le discours a convaincu la Majorité parlementaire, la Minorité, elle, reste prudente et attend le voir à l’œuvre.
Par Raymond FALADE
La neuvième Législature de l’Assemblée nationale que va diriger Louis Vlavonou pour les trois prochaines années, est marquée de deux signes distinctifs majeurs. « D’une part, son caractère transitoire et d’autre part, les espoirs et enjeux dont elle est porteuse ». Désormais, Louis Vlavonou aura à conduire une Assemblée « tricolore » avec l’entrée au Parlement de l’Opposition après quatre années d’absence.
Au cours ce mandat, les députés travaillons à tenir « prêt » le Bénin, « tant en matière législative, qu’en matière de contrôle de l’action gouvernementale, pour les élections générales de 2026 et leurs suites ». Louis Vlavonou a promis de conduire cette Législature conformément aux normes républicaines et en bon père de famille.
« Je me tiendrai, aux côtés de chacun de mes cent-huit (108) collègues, sans distinction entre majorité et minorité parlementaire mais dans l’intérêt exclusif de notre peuple et de notre pays. Je m’efforcerai de jour comme de nuit, dans mes rapports avec chacun, de discerner entre les considérations politiques, administratives et personnelles. Je ferai autant que possible appel aux vertus de la concertation et de la consultation. Je tâcherai en permanence d’être équitable, de faire preuve de disponibilité, de prendre en compte les diverses contributions et de rester attentif aux préoccupations des uns et des autres », s’est engagé le chef du Parlement.
A cette qualité managériale, la vice-présidente de la République Mariam Chabi Talata l’y invite vivement. « Un président de Parlement est comme le chef d’un ménage polygamique. Vous ne pouvez pas réussir hier et échouer aujourd’hui », a-t-elle lancé à l’endroit de Louis Vlavonou, dans son discours de réception de celui-ci comme Grand-Croix de l’Ordre national du Bénin. Cette distinction, souligne d’ailleurs la vice-présidente, Louis Vlavonou la mérite pour avoir fait « du Parlement un milieu sain de vie ».
Le président Vlavonou, exhorte par ailleurs chaque député « de la majorité parlementaire, tout en soutenant légitimement l’action du gouvernement à laisser à ses collègues de la minorité, la possibilité d’exprimer et de soutenir librement leur opinion, fût-elle radicalement différente ». Quant aux députés de la minorité, Louis Vlavonou les a appelés à une opposition constructive. Il espère que ceux-ci « ne s’arc-bouteront pas dans une opposition systématique, voire stérile ».
Cet appel fait réagir Eric Houndété. Le président Vlavonou, dit-il, « est mal fondé à dire ça. L’opposition ne peut pas être soupçonnée de manque d’objectivité », a répliqué le président du parti « Les Démocrates », seul parti de l’Opposition ayant des représentants au Parlement pour le compte de la neuvième Législature à l’issue de la cérémonie.
Un discours « rassembleur mais… »
Un discours « rassembleur », ont salué la plupart des députés. « Le président s’est montré engagé à poursuivre les réformes entreprises au niveau du pays, surtout à faire en sorte que l’Assemblée nationale soit effectivement représentative de l’ensemble de la nation », retient Glawdys Tossou, députée de l’Union progressiste le Renouveau (Up-Le Renouveau).
Armand Gansè, député du Bloc républicain (Br) note trois éléments essentiels de ce discours. Le premier, « ce sont nos devoirs, le devoir d’un député à l’Assemblée nationale, nos obligations vis-à-vis du peuple qui nous a choisi. Le second point, il faut actualiser certaines lois, en initier d’autres pour rester en accord avec l’évolution du monde puisque tout est dynamique. Le troisième point, c’est d’accompagner véritablement le gouvernement » décrypte le député.
Cependant, le président du parti Les Démocrates reste prudent. Eric Houndété estime qu’avec son « expérience », il ne peut se satisfaire d’un discours. « J’attends la mise en œuvre du discours », a-t-il déclaré. « Le président, je le garderai à l’œil et je verrai si tout ce qu’il a dit, il aura la capacité de rester conforme à sa parole. S’il aura le détachement qu’il faut, la possibilité d’être lui-même et de ne pas subir les pesanteurs politiques » a insisté Eric Houndeté.
Le député Léon Degny du parti Les Démocrates tout en saluant la qualité du discours du président Vlavonou relève par ailleurs des sujets « importants » qui n’ont pas été abordés. Ils sont relatifs à « la question des réfugiés et des prisonniers ». Selon lui, « ce sont des questions essentielles parce qu’on ne peut pas faire le développement de notre pays, construire notre pays lorsque des têtes pensantes, des Béninois croupissent dans les prisons, que les Béninois soient à l’extérieur et qu’ils ne puissent pas prendre part à cet effort de reconstruction de développement de notre pays ».
Des chantiers …dont la révision de la Constitution
Pour le compte de la neuvième Législature, de grands chantiers attendent les 109 élus du peuple. Mais celui qui a retenu toutes les attentions, c’est la révision de la Constitution. Dans son discours d’investiture, Louis Vlavonou a évoqué la possibilité « de porter à la Constitution, les retouches qui s’imposent, en vue de son amélioration constante, tout en conservant les fondamentaux, notamment l’option républicaine et démocratique et la limitation à deux du nombre de mandats du président de la République ».
Kolawolé Djiman Ogbon, député du parti Les Démocrates est d’avis. L’élu de la 10e Circonscription électorale s’en tient à la proposition de la loi d’amnistie, portée par son parti. Il insinue que la révision de la Constitution pourrait donc permettre d’insérer cette loi.
La révision de la Constitution annoncée selon Louis Vlavonou devrait porter entre autres, sur la modification de la loi organique relative aux lois de finances, le vote d’une nouvelle loi portant cartographie électorale, la modification du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
Une révision de la constitution béninoise est-elle opportune ? Si cela doit arriver, le juriste Franck Oke suggère «une approche méthodologique différente de celle du président de l’Assemblée nationale.» Il s’attend à ce que « nous ne partions pas d’un principe de révision constitutionnelle mais que nous en confions la décision aux acteurs qui en feraient la proposition au terme d’un examen critique de la loi constitutionnelle en toutes ses dispositions.»
En novembre 2019, l’Assemblée nationale, 8e législature avait retouché la constitution du 11 décembre 1990, ce qui n’inaugure pas une nouvelle République ni ne consacre une nouvelle Loi fondamentale. A travers la décision Dcc-19-504 , la Cour alors présidée par Joseph Djogbenou a entériné la modification apportée par les députés et qui touche à 47 articles.
Cette révision a préservé les matières constitutionnelles interdites de modification ; à savoir la forme républicaine de l’Etat et la laïcité (article 156). Elle a, en outre, corsé la limitation du mandat présidentiel.
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