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Terrorisme

Dr. Saturnin Ndong, géographe « La démocratie ne saurait être une panacée contre le terrorisme »

Par Arnauld KASSOUIN
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Contre le terrorisme, il n’existe pas de solution universelle. La démocratie ne pourrait alors être considérée comme panacée directe contre le terrorisme. Le Dr. Saturnin Ndong, chargé d’enseignement et de recherche à l’Université d’Avignon, analyse que loin d’endiguer le phénomène, le respect des règles démocratiques permetterait de limiter « considérablement l’insertion du terrorisme dans les sociétés ».

Bénin Intelligent: Quelle est votre analyse de l’état de la démocratie dans les pays sahéliens tels que le Mali, le Burkina Faso et le Niger ?

Saturnin Ndong: En parlant des trois pays cités, il importe de relever d’abord ce qui caractérise leur dénominateur commun : les coups d’État. En effet, des indépendances à aujourd’hui ces trois États sont essentiellement marqués par une multiplication de putschs : quatre au Mali, cinq au Niger et sept au Burkina Faso. Certains d’entre ces coups de force perpétrés par les armées peuvent certes se traduire par une liesse populaire, un soutien des peuples, voire une légitimation des pouvoirs militaires.

Cependant, ils restent de véritables taches démocratiques. Dans les faits, le coup d’État ne s’accommode pas avec la démocratie. Il ne constitue en rien l’expression librement manifestée par les peuples pour désigner celui qu’ils entendent confier leur destinée pour une durée limitée de la vie politique du pays. Concrètement, la démocratie dans ces trois pays reste un vain mot. Elle est à la fois fragile, mal appropriée, voire difficile à établir et à consolider.

Dans quelle mesure la nature d’un régime politique influence-t-elle la problématique de la guerre et de la paix à l’intérieur d’un État ?

Il importe déjà de faire constater que le fonctionnement d’un État repose sur la nature du régime existant et ce, quel qu’il soit. Une grande partie des États africains, notamment les pays francophones, est soumise au régime présidentiel avec en prime, l’exigence de séparation du pouvoir. À ce titre, la gestion de la guerre ou du maintien de la paix, deux aspects parfois liés aux facteurs endogènes et exogènes, reposent sur le régime en exercice.

Toutefois, dans la mesure où le régime politique d’un État promeut les valeurs démocratiques et l’implication de toutes les forces vives de la nation, la tendance territoriale tendrait davantage vers une stabilité, un équilibre et par conséquent une paix interne.

Dr. Saturnin Ndong

En revanche, dans le cas où le régime est très peu en conformité avec le cadre institutionnel et où les décisions émanent d’une seule entité, le risque de débordement des populations, des groupes rebelles, et même des militaires y plane très considérablement. Ce qui pourrait tendre aux déstabilisations et au pire des cas, aux guerres internes. L’historique des coups d’État du Burkina Faso est la parfaite illustration de cela. Puisque le régime politique de ce pays qui tend à donner une ossature démocratique fondée sur un régime présidentiel est en réalité une somme de dictatures dont le substrat institutionnel évolue à la guise des militaires qui arrivent au pouvoir.

Sur quels fondements repose l’idée que la démocratie instaure la paix, sachant que la démocratie n’a pas été conçue dans un premier temps pour traiter les guerres civiles, les sécessions et les rébellions armées ?

Ce qui devrait d’abord nous interpeller, nous africains, c’est notre compréhension de la démocratie. En réalité, notre première difficulté réside dans la conceptualisation de la démocratie à l’Africaine. Car celle que nous mettons en avant n’est pas la nôtre. C’est celle qui nous a été importée, imposée et que nous appliquons dans nos territoires, quand bien même nos réalités sociopolitiques et culturelles sont totalement différentes de celles de l’occident.

Qu’à cela ne tienne, ce qui ferait de la démocratie un vecteur de paix, c’est la prise en compte de l’opinion du peuple ainsi que son pouvoir décisionnel, à travers des modèles électifs des régimes présidentiels et parlementaires, lesquels permettent d’ailleurs un rééquilibrage des pouvoirs et la stabilité interne de l’État. Par ailleurs, cette paix rendue possible grâce à la démocratie ne peut perdurer que lorsque la participation et l’implication des peuples dans les décisions politiques sont acceptées.

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Quels sont les principaux défis auxquels la démocratie est confrontée dans la gestion de l’antiterrorisme au Sahel ?

L’un des principaux défis démocratiques de la gestion de l’antiterrorisme au Sahel porte sur le respect de l’ordre constitutionnel, premier gage de la stabilité des États. Sachant que la lutte contre le terrorisme nécessite une coordination d’opérations et une implication de certains secteurs publics outre ceux de la défense et de la sécurité, il est important que le pays soit institutionnellement stable. L’autre facteur consiste à assainir l’arrière-pays. C’est-à-dire apporter aux contrées vulnérables une véritable dimension sécuritaire capable de repousser les groupes terroristes, tout en protégeant les populations.

Comment les implications des transitions politiques, des dynamiques politiques internes et des crises institutionnelles peuvent-elles entraver les stratégies de lutte contre le terrorisme au Sahel ?

Les transitions politiques, lorsqu’elles reposent sur des principes démocratiques, portent très peu atteinte aux institutions des États. Au contraire, elles les renforcent, les consolident et maintiennent les projets étatiques, à l’instar de ceux liés à la lutte contre le terrorisme. En revanche, lorsqu’elles ne respectent pas le processus démocratique, elles peuvent avoir un effet d’entraînement sur la fragilité des institutions et par conséquent porter atteinte sur la sécurité des États.

Dans les pays du Sahel, les crises démocratiques récentes, symbolisées par les coups d’État, remettent clairement en cause certaines stratégies mises en place par les gouvernements antérieurs et fragilisent des alliances militaires et stratégiques construites autrefois. Le G5 Sahel par exemple, une alliance de lutte contre le terrorisme, ne peut survivre avec les prises de pouvoir des putschistes dans trois des cinq pays qui le constituent et qui, par ailleurs, s’opposent vertement à leur partenaire stratégique : la France.

Le temps de construction de nouvelles alliances militaires avec notamment la Russie et bien d’autres États, et le temps de déploiement de nouvelles stratégies sur le terrain, fragilisent quelque peu la lutte contre le terrorisme, voire la sécurité de certains territoires des pays du Sahel.

Dr. Saturnin Ndong

En quoi la démocratie peut-elle contribuer favorablement à la lutte contre le terrorisme au Sahel, en plus des mécanismes de médiation, de dialogue, du respect des droits de l’homme et de la participation politique ?

La démocratie ne saurait être une panacée dans la lutte contre le terrorisme qui nécessite d’abord des stratégies bien encadrées, des équipements militaires, des technologies de surveillance territoriale plus avancées, des militaires bien formés ainsi que des alliances entre pays sous-régionaux et des partenaires internationaux.

Toutefois, l’intérêt de la démocratie dans cette lutte contre le terrorisme s’inscrit dans la stabilisation des institutions politiques et le renforcement des organes publics territoriaux, sachant que le terrorisme se nourrit des failles de la gouvernance territoriale et des fragilités institutionnelles quelles qu’elles soient.

Par ailleurs, le fait que l’œuvre démocratique soit celle d’une implication et d’une prise en compte des populations, il va sans dire que sa mise en pratique limite considérablement l’insertion du terrorisme dans les sociétés. Et au sein des populations du Sahel dont la pauvreté et le manque d’équipements publics dans leurs contrées glissent progressivement dans les rangs de terroristes.

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Albani@hotmail.fr juin 4, 2024 - 9:12 pm

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