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Violences sexistes et sexuelles

Violences sexistes et sexuelles : Les lacunes dans la collecte des données assorties de recommandations

Par Koladé Raymond FALADE
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La campagne « Compter pour toutes » entre dans une nouvelle phase. Dans un document de positionnement publié mardi 26 mars, les militantes féministes relèvent les lacunes identifiées dans le système de collecte des données sur les Violences sexistes et sexuelles dans huit pays ouest-africains dont le Bénin. Pour corriger le tir, elles plaident notamment l’inscription d’une ligne budgétaire dans les lois de finances.

Sur les huit pays concernés par la campagne « Compter pour toutes », le Bénin est en avance en matière de collecte des données sur les Violences sexistes et sexuelles (Vss). C’est le seul à disposer d’un système de collecte des données – le Système intégré de données relatives à la famille, la femme et l’enfant (Sidoffe), un instrument de l’Observatoire de la famille, de la femme et de l’enfant (Offe) mis en place en 2012.

Des systèmes de collecte de données existent aussi, par exemple, au niveau de chaque juridiction pénale, ou encore au niveau de l’Assemblée nationale. Deux députées sont chargées, en effet, de recenser les cas de Vss au sein du législatif et sur le terrain, à l’occasion de déplacements auprès des communautés locales, ou encore au niveau des Centres de promotion sociale (Cps) et des Cipec-Vbg lors de la prise en charge des victimes ». Le réseau de parlementaires pour la population et le développement, et les Osc féministes collectent également des données.

Diverses fortunes

Par contre, au Niger, Burkina Faso et au Sénégal ces données sont plutôt produites par l’État. Le Niger qui n’a pas un système de collecte de données uniformisé et harmonisé à l’échelle nationale, s’appuie sur l’Institut national de statistiques (Ins). Cette structure «passe parfois par les enquêtes dans les ménages pour recueillir des données sur les Vss».

Au pays des hommes intègres, les données sur les Violences sexuelles et sexistes sont «d’abord enregistrées par la police, les services de santé et de l’action sociale dans le cadre de leurs activités d’enregistrement des informations générales sur leurs services.  Elles sont ensuite compilées au niveau de la Direction générale des études et des statistiques sectorielles (Dgess) des ministères de la Sécurité, de la Santé et de la Femme, de la Solidarité nationale et de la Famille, qui publient un annuaire statistique annuel».

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Osc et confessions religieuses y contribuent également. Tout comme au Sénégal où l’on consulte aussi les données produites par des partenaires internationaux comme la Banque mondiale, l’Usaid et les agences onusiennes. «Cependant, elles effectuent ce travail de manière indépendante de l’Etat», souligne le document de positionnement. Document signé, pour le compte du Bénin, par deux militantes féministes; Brian Sossou, présidente de l’Ong Filles en Actions et Chanceline Mevowanou, de Jeunes filles actrices de développement (Jfad).

Des « lacunes » et leurs conséquences

Dans tous les cas, ce tour d’horizon de la production des données sur les Vss en Afrique de l’ouest ne satisfait pas les militantes féministes. Elles relèvent une kyrielle de « lacunes ». Selon le diagnostic précédent, il ressort que «les données sur les Violences sexistes et sexuelles existantes ne sont pas toujours accessibles, rendues publiques ou vulgarisées». Conclusion, elles ne peuvent pas être utilisées « notamment lorsqu’elles proviennent de l’État, ce qui pose la question de transparence ».

Les acteurs épinglent en outre l’indisponibilité de ressources financières, techniques et humaines. Cette lacune, au niveau des Osc, affecte particulièrement la collecte de données sur les Vss, dans la mesure où celles-ci ont des moyens et effectifs «généralement très limités». Ce même problème de manque de moyens financiers et techniques empêche de collecter un grand nombre de données et d’assurer une bonne couverture en termes de représentativité (par sexe, par âge, par localité…) et peuvent être un frein à la digitalisation ou au bon archivage des données.

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Brian Sossou, présidente de l’Ong Filles en Actions, signataire du document.

Le document de positionnement n’occulte pas d’autres « lacunes » comme la non représentativité des réalités locales des données et la faible implication des têtes couronnées, des autorités religieuses et coutumières dans la collecte.

Les « lacunes » en matière de collecte des données sur les Violences sexistes et féministes ne sont pas sans conséquences. Elles entravent la compréhension du phénomène, de ses causes et conséquences, des besoins des survivantes et des obstacles rencontrés dans l’accès à une prise en charge effective.

Aussi, ces « lacunes » empêchent-elles, « l’évaluation de la qualité et de l’efficacité des mesures relatives aux Vss, et l’identification des progrès réalisés, des pistes d’amélioration ou encore des dysfonctionnements en matière de prévention, de protection et de prise en charge ».

Recommandations

Le document de positionnement est assorti d’une série de recommandations de six ordres adressées nommément à chacun des pays embarqués dans la campagne. Pour l’amélioration de la collecte des données sur les Vss en Afrique, les signataires appellent à renforcer les capacités et augmenter les moyens techniques, humains et financiers alloués aux acteur.ice.s de la collecte; et améliorer la synergie et la collaboration entre les acteur.ice.s de la collecte de données. Jusque-là, les difficultés liées à la collaboration entre eux/elles provoquent la dispersion et nuisent à l’efficacité des politiques de prévention et d’élimination des Vss et de prise en charge des victimes.

Les recommandations encouragent par ailleurs d’améliorer l’accessibilité des données, désagréger les données et adopter une approche féministe et intersectionnelle, adopter une approche participative des communautés concernées dans la collecte, moderniser les méthodes de collecte tout en garantissant la protection des données personnelles et de la confidentialité des victimes de Vss.

Les militantes féministes plaident également pour l’instauration d’une ligne budgétaire dans les lois de finances à partir de 2025 pour la lutte contre les Violences sexistes et sexuelles. Ce qui permettra de disposer des moyens financiers nécessaires pour la collecte des données afin de lutter efficacement contre les Vss. Cette ligne budgétaire pourrait être portée par le ministère des Affaires sociales et de la microfinance, proposent-elles.

Le Bénin mobilise

Au Bénin, la présentation du document de positionnement a mobilisé du monde. Autour des militantes féministes, plusieurs acteurs étatiques, religieux et des membres de la société civile se sont joints. Les députés Victor Topanou, Yacoubou Orou Se Guéné, Sofiatou Tchanou ont tous salué l’engagement des féministes et les ont rassuré de leur soutien à accompagner la lutte.

Les Violences sexistes et sexuelles doivent être combattues sur tous les plans. C’est le souhait de la parlementaire Sofiatou Tchanou. Plusieurs fois députée à l’Assemblée nationale, elle affirme que c’est toujours difficile pour la femme de s’exprimer. Plus difficile encore, lorsqu’elle se retrouve dans un cercle où la femme est minoritaire. Elle en veut pour preuve ses premières années au Parlement où les femmes étaient au plus 8 sur 83 députés.

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Le militantisme est l’un des moyens pour combattre les violences sexistes et sexuelles. En témoigne l’histoire d’Héléna Capo-Chichi, présidente de l’Ong Famille, nutrition et développement. Née dans une famille d’une fratrie de 5 enfants dont elle est la seule femme, Héléna Capo-Chichi a vécu des violences sexistes. Elle était réduite aux travaux domestiques et à la cuisine aux côtés de sa mère après les cours. Elle ne devrait pas parler en cas de malentendu avec ses frères et n’avait pas droit à la distraction comme eux.

Héléna Capo-Chichi était surveillée partout même à l’école. Ce qui l’a rendu finalement timide. Le salut est venu de son père, professeur de philosophie qui, ayant remarqué ce qui arrivait à sa fille, a dû l’envoyer ailleurs pour continuer ses études. Face à la réalité de la vie, Héléna Capo-Chichi a pris son destin en main pour s’affirmer et rompre les barrières sexistes. Aujourd’hui, elle est une militante féministe engagée.

Méthodologie

La conférence de presse de présentation du document de positionnement a connu également la présence des responsables d’Ong, les Organisations de la société civile, des représentants des ministères de la Justice et de la législation, de l’Économie et des finances, des Affaires sociales et de la microfinance, de l’Intérieur et de la sécurité publique, du maire de Tori-Bossito, de l’Unfpa, de l’Unicef, de Plan international Bénin et d’autres structures engagées dans la lutte contre les Violences sexuelles et sexistes. 

Avant d’aboutir à l’élaboration du document de positionnement, les militantes féministes ont organisé un cortège d’activités partant d’une assise multi acteurs qui a rassemblé les acteurs de la chaine de collecte des données de prise en charge des victimes, rappelle Brian Sossou, présidente de l’Ong ‘’Filles en Actions’’. Ces activités, informe-t-elle, ont débouché sur la prise en compte de leur plaidoyer à divers niveaux pour constituer le document.

Lors de la présentation du document, les parlementaires présents se sont engagés à accompagner les féministes dans cette lutte. « À travers leur discours, on a l’impression qu’ils portent la lutte à cœur », apprécie Folashadé Saïzonou, assistante plaidoyer à l’Ong Filles en Actions. « Pour pouvoir faire des choses grandes, il faut revendiquer. Et justement, ce document nous permet de revendiquer, de dire ce dont nous avons besoin. C’est la fin du processus de campagne « Compter pour toutes». Mais la campagne continue toujours », souligne Folashadé Saïzonou.

Le document a été réalisé de concert avec les huit pays d’Afrique francophone dans lesquels se déroule la campagne. Il s’agit du Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mauritanie, Mali, Niger et du Sénégal. Avant de se séparer, les différents acteurs ont signé un tableau d’engagement.

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Une figure de l’Église du Christianisme céleste signant le tableau d’engagement

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