Le pipeline nigérien est depuis l’avènement du coup d’Etat du 26 juillet 2023 menacé. Avec la dégradation sécuritaire qui s’observe dans la région Ouest-africaine, le pipeline se présente comme une source possible de financement du terrorisme.
Le pipeline nigérien est une source de revenus essentielle pour l’économie nigérienne. L’exportation du pétrole brut va générer le quart du PIB du Niger. Soit plus de 13,6 milliards de dollars en 2020 selon la Banque mondiale. De plus, elle devrait occasionner « à peu près 50 % des recettes fiscales du Niger », rapporte Le Monde avec l’AFP. « Le Bénin en profitera aussi grâce à la redevance qui sera perçue sur le pétrole qui traverse le pays ». À titre illustratif, le premier chargement de 1 000 000 barils du pétrole brut vers l’international a rapporté 500 000 dollars au Bénin. Cependant, dans un contexte d’insécurité grandissante, le pipeline nigérien semble ne plus être profitable que pour les deux gouvernements.
En effet, initialement, le champ pétrolier d’Agadem devait transiter par l’oléoduc Tchad-Cameroun, long de 1080 km. Mais ce projet a été abandonné pour plusieurs raisons. Il y a entre autres le contexte sécuritaire du bassin du lac Tchad. Surtout avec l’avènement de Boko Haram, filiale de l’État islamique en Afrique de l’Ouest. Brice Mbodiam appuie, dans un article publié sur Investir au Cameroun, que « l’insécurité grandissante à ses frontières (Niger) et la menace permanente que fait d.ésormais peser la secte fondamentaliste Boko Haram dans la région du lac Tchad » font partie des raisons ayant favorisé le Bénin.
Bénin comme choix
En réalité, pour mieux sécuriser l’investissement et les infrastructures, le Niger a opté pour l’alternative béninoise. Parce que ce choix était plus rassurant. Malgré le fait qu’elle soit plus coûteuse (608 milliards FCFA) et plus longue (1982 km). Toutefois, il est à rappeler que ce choix se justifiait par le fait que le Bénin était jugé moins exposé à la menace terroriste. Cette stabilité n’était qu’une feuille de paille puisque le Bénin a connu des incidents à l’allure terroriste.
Michaël Matongbada, chef d’équipe Sahel Civic, argue à ce propos que « depuis l’incident du 1er mai 2019 au cours duquel le guide béninois (Fiacre Gbédji) a été tué et deux touristes étrangers enlevés dans le parc Pendjari, le Bénin est officiellement confronté à la présence, mais également à l’action, des groupes armés d’opposition ». Dans cette nouvelle dynamique sécuritaire sous-régionale, le Niger doit-il à nouveau orienter l’oléoduc le reliant au Bénin ?
Stabilité de courte durée
Les coups d’État qui ont successivement eu lieu de 2020 au 26 juillet 2023 ont reconfiguré le multilatéralisme régional ouest-africain. En fait, au Sahel, ils sont loin d’apporter une stabilité. Parce que motivés par l’expansion de l’insécurité, ils ont plutôt aidé à un repositionnement des factions terroristes. « Les décès au Sahel ont quasiment triplé depuis 2020, date du premier coup d’État dans la région », renseigne à titre illustratif le Centre d’études stratégiques de l’Afrique. En ce qui concerne les pays du golfe de Guinée, et principalement le Bénin, la situation sécuritaire s’est continuellement dégradée.
De 6 attaques directes en 2021, le Bénin a annuellement enregistré, jusqu’au premier trimestre 2024, 16 attaques directes, puis 41 attaques directes et enfin 10 attaques directes. Bien que l’implication des groupes armés dans le golfe de Guinée ne soit pas encore à un niveau très élevé. Que le bilan soit du côté ennemi ou civil, les neutralisés se comptent par centaines. Ces faits démontrent l’avancée très remarquable du terrorisme au Bénin, pays abritant le pipeline nigérien.
Eu égard des brouilles survenues entre le Bénin et le Niger après le coup d’État du 26 juillet 2023, les ministres en charge des hydrocarbures du Niger et du Tchad ont exprimé le 11 juillet 2024 leur volonté de reprendre le projet reliant les deux pays par la construction d’un pipeline. « Concrétiser dans » des « délais raisonnables » la réalisation de cette infrastructure, est le souhait de la ministre tchadienne du Pétrole, des Mines et de la Géologie. Elle l’a fait savoir lors d’une visite, au début de la seconde décade de juillet, au Niger. Cette infrastructure, qui prendra départ du champ pétrolier d’Agadem, situé dans l’est du Niger non loin de la frontière avec le Nigeria, sera reliée à l’oléoduc Tchad-Cameroun.
Oléoduc Niger-Tchad, Tchad-Cameroun, un pari risqué
Officiellement, les champs pétroliers d’Agadem bénéficient d’une forte présence militaire. Ils sont environ 700 militaires à assurer la sécurité du champ pétrolier. Toutefois, il faut avouer que cette région du Niger est confrontée à d’importants conflits à configuration terroriste.
À la date du dimanche 21 juillet 2024, par exemple, la China National Petroleum Corporation suspendait « tous les projets de construction sur le site d’Agadem » à cause de la situation sécuritaire dans la région. Ceci fait suite à l’attaque des infrastructures du champ pétrolier survenue le 12 juin aux abords du village de Salkam. En réalité, « la tâche deviendrait » encore « plus complexe si jamais les travaux de construction du nouvel oléoduc démarraient ». Et ce, en raison de la position géographique du site qui fait frontière avec le nord du Nigeria. Une région qui, d’ailleurs, selon plusieurs événements, serait considérée comme une zone à grand risque à cause des attaques régulières de groupes armés appelés « bandits ».
Risque d’insécurité
Pour rappel, « le Niger est touché par des violences djihadistes. Et ce sur plusieurs pans de son territoire. Surtout dans l’Ouest du pays, près du Mali et du Burkina Faso. Aussi, au sud-est, riverain du lac Tchad et du Nigeria », peut-on lire sur Voxafrica. De plus, outre la menace terroriste, « si on associe » le flux de 90 000 barils que le Niger destine quotidiennement au marché international, « le pipeline Tchad-Cameroun arrive à saturation ».
Cependant, le plus grand risque auquel est exposé le pipeline nigérien ne réside pas que dans les risques liés au sabotage de l’oléoduc. Car, il est susceptible d’être une source de financement des activités terroristes. Parce que la plupart des groupes armés terroristes de la région se financent par quatre catégories typologiques. Le (GIABA) et le GAFI indique que ces groupes terroristes arrivent à se financer par le commerce et d’autres activités lucratives. De plus, ils mettent en exergue la contrebande d’armes, de biens et de monnaie. Pour finir, ils arrivent à se financer aussi à travers des Ong grâce aux œuvres et prélèvements caritatifs. Aussi avec le trafic de drogue et le commerce illicite.
Co-écrit avec Moucharaf SOUMANOU
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