Edmond Batossi fait son entrée dans le cercle des écrivains béninois avec « La Science de mon grand-père ». L’ouvrage de 132 pages et constitué de cinq nouvelles a été lancé samedi 7 septembre à la bibliothèque ‘’Bénin excellence’’ de Zogbadjè, à Abomey-Calavi.
«La Science de mon grand-père » est un recueil de nouvelles paru aux Editions Béninlivres. Il est préfacé par Chidiaque Guezo, enseignant de lettres, journaliste et promoteur culturel. L’ouvrage aborde une panoplie de thématiques. Principalement, il explore et dénonce la discrimination de la médecine traditionnelle. « Il s’agit d’une véritable plaidoirie pour la reconnaissance et la valorisation par la vulgarisation de la médecine traditionnelle qui n’est pas à mon avis moins efficace que la médecine moderne » souligne l’auteur. En dehors de cette thématique, Edmond Batossi scrute d’autres thématiques « comme l’éducation, la politique béninoise ainsi que l’amour ».
Ce que gagne le lecteur
Le lecteur de « La Science de mon grand-père » gagne d’abord l’information. Ce livre lui offre de la matière pour cerner « d’où est partie cette discrimination qui existe entre la médecine traditionnelle et la médecine moderne » détaille l’auteur. La lecture de l’œuvre peut susciter également « en tout lecteur, l’idée de poser des actes pour changer le monde ». Dans l’ouvrage, Edmond Batossi estime que tant qu’elle est efficace, « il n’y a pas une raison de la reléguer au second rang ».
Le livre « est écrit dans un style très simple et digeste qui permet à tout le monde de s’approprier son contenu » magnifie Enock Guidjime, journaliste et présentateur de l’œuvre. Théophile Sewanou, Selim Akionla Ayodélé présents au lancement du livre ont aussi hâte de le découvrir. Le titre de l’ouvrage, les qualités de l’auteur sont entre autres les raisons qui ont motivé leur présence à cette cérémonie.
Edmond Batossi né en 1999 à Houègbo dans le département de l’Atlantique est un passionné de la littérature. Chroniqueur littéraire, il fait des études en Droit et en philosophie à l’Université d’Abomey-Calavi. La Science de mon grand-père est son premier ouvrage.
Présentation de l’œuvre
«On note depuis plusieurs années en Afrique la floraison de la nouvelle. C’est le genre littéraire qui polarise désormais l’attention des écrivains et des lecteurs sûrement à cause de sa brièveté et sa simplicité, contrairement au roman qui n’est pas moins complexe. L’essor de ce genre a favorisé l’émergence de jeunes nouvellistes qui se forgent, qui se font découvrir et dont le talent se précise et se confirme dans l’arène littéraire. Et comme l’écrivain est toujours en situation, pour reprendre les mots de Jean Paul Sartre, ils se sentent interpellés par les tragédies et les euphories de leur nation, zone d’existence, environnement immédiat, que dis-je, de la société.
C’est ce que fait, sans ambages, le jeune écrivain, Edmond Batossi qui nous est né. Un jeune écrivain, mais plein de talents et dont la plume est née avec des dents. Pas de balbutiements ! De la littérature militante, engagée, à l’instar de ses aînés, Florent Couao-Zotti, Daté Atavito Barnabé-akayi, Jean Pliya, Olympe Bhêly Quenum, Sembène Ousmane, Alain Mabanckou, Victor Hugo, etc.
À travers son premier geste littéraire, ce recueil de nouvelles intitulé La science de mon grand-père, que vous tenez à présent dans les mains, il passe, tel un meunier, les maux du 229 au moulin de son encrier. Comprenez-le : « Il arbore fièrement son manteau d’intellectuel éveilleur des consciences », rappelant l’anecdote de Dossou le lépreux dont le pays envahi par l’ennemi en pleine guerre, sort, s’expose au moment où tout est désert, en s’exclamant : «On ne dira pas qu’il n’y a pas âme qui vive ici ». Belle leçon citoyenne ! Belle réaction stimulante, n’est-ce pas ?
Toute écriture naît par observation : on voit les choses, les regarde, les contemple parfois. Et soit ça fâche, soit ça révolte ou titille l’esprit. Vous imaginez, réfléchissez et puis, pardi, comme un adepte en transe ou un animal en rut, vous saisissez votre plume. Ainsi naît l’écriture ! Edmond Batossi nous vient avec cinq nouvelles assez croustillantes et captivantes. Il n’est pas resté loin de sa société. Il a posé sa caméra et est resté à l’écart, captant la société béninoise avec ses travers. De la première nouvelle à la dernière, c’est la même dynamique, la même teinte d’humour, habillées dans un style caustique et de procédés envoûtants.
Le jeune écrivain, à la suite de Jean Paul Sartre, prend sa plume pour une épée. Il pose son index sur la politique. Des dirigeants brillant dans la léthargie, oubliant les fonctions régaliennes de l’Etat. Ils se soucient moins de leurs administrés, de leurs sujets. L’éducation, ce n’est pas leur affaire, ils n’ont rien à faire dans cette sphère. Cela ne les fait pas bander. Les emprisonnements politiques arbitraires, la liberté d’expression en danger, les exils politiques, la débauche juvénile, le chômage, la cybercriminalité sont des « mots-maux », ennemis du développement de notre vert-jaune-rouge, le 229.
Et comme dans un pays sous-développé, on peut manquer de tout, sauf l’amour, le sexe, les jeunes s’y adonnent sans mesure, sans prudence, sans vigilance, sans précaution, sans les bénédictions et onctions de leurs parents. Imaginez, chers lecteurs, les retombées que vous savez déjà déliquescentes, catastrophiques. La trahison et l’infidélité portent le même pagne au royaume des jeunes. Le multi-partenariat sexuel avec à la clé ses corollaires, les déboires érotiques et les dépressions amoureuses passent aux feux verts de la jeunesse. Et l’auteur ne s’est pas arrêté là ! L’échange des nudes sur les réseaux sociaux entre les inconscients amoureux du siècle de la bêtise humaine ne lui a pas échappé. Le tacticien de l’amour, le personnage de Kounty a précipité son ex Victima dans les caveaux de la mort pour avoir exposé le tableau de leurs débats et ébats sur les réseaux sociaux le jour anniversaire de son ex (le vocable d’une jeunesse perverse et pernicieuse) pour se venger de leur rupture.
L’autre nouvelle qui nous laisse le cœur glacé est Le prix de la gentillesse où le personnage de Hominvo a été, comme l’indique le titre de la nouvelle, victime de sa gentillesse, compassion, amabilité. Il finira sa vie derrière les barreaux. Des gens comme lui, des personnes de sa trempe sont si nombreuses dans le monde carcéral que cet enfer terrestre a marre de les garder tel le sépulcre de Jésus avait du mal à le garder. Combien d’innocents ne croupissent-ils pas dans ces maisons d’injustice baptisées prison ?
Le jeune Batossi, connaissant les problèmes de la couche sociale à laquelle il appartient, id est la jeunesse, met à nu les brides qui la tiennent en laisse de tout mouvement d’éclosion. La sexualité précoce, les mauvaises fréquentations, le prix de la désobéissance aux parents, le manque de retenue de ces derniers peuvent conduire à des actes insoupçonnés, insoupçonnables et inédits. Le nouvelliste a eu le mérite, dans un style limpide, dépouillé de toute impureté linguistique, de nous décrire tout cela sans gêne aucune et sans détours et contours.
En bon Africain, va-t-il oublier sa culture ?
Il nous parle de la science de son grand-père. Les secrets ancestraux ont ressurgi et agi dans la nouvelle éponyme La science de mon grand-père. Vous connaissez la force du verbe. Rappelez-vous : « Au commencement était la parole… ». Pourquoi ne pas dire aussi : « Au commencement étaient les recettes, les feuilles… » ? Et quand la parole sort, elle accomplit toujours sa mission. La Bible ne l’a-t-elle pas précisé aussi ?
L’auteur démontre les forces et les pouvoirs de la phytothérapie. Oui, le traitement des maladies par les plantes. Ça n’étonne pas, nous sommes en Afrique, et plus précisément au Bénin, la terre des Guézo, Gbêhanzin, Kaba, Guèdèhounguè…
Que peut aujourd’hui la science du Blanc contre la sorcellerie, les pouvoirs mystiques, les pièges sexuels et autres ? Absolument rien ! Mintônou, bien qu’intellectuel et ex-médecin, a su profiter des apports de la science des anciens pour sauver son épouse de la césarienne. Tant pis pour docteur Dave qui n’a pas accepté l’utilisation de cette poudre et cure-dent salvateurs dans son cabinet !
Que le chat soit gris ou noir, pourvu qu’il attrape ! Le cœur de Mintônou s’ouvre à la joie, puisqu’il est désormais père.
Et Jean Pliya dit : « Je ne suis pas hostile au progrès scientifique… Accepter ce qu’il y a de positif dans la médecine moderne ne m’empêche nullement de profiter des apports de la nature ou de la médecine traditionnelle. La solution idéale n’est-elle pas d’associer sans préjugé les diverses méthodes ? ».
À chacun de répondre !Chidiaque GUEZO, Enseignant de lettres, Journaliste et promoteur culturel