Le Bénin, à travers le ministre des Affaires étrangères, a partagé à la 79e session ordinaire de l’assemblée générale de l’Onu, sa lecture décomplexée de la géopolitique mondiale. Olushegun Bakari Adjadi expose les actions du Bénin dans trois domaines que le pays pense comme les fondements non négociables de la renaissance de l’Afrique.
Attaché à l’Afrique, mais sans fermer les yeux sur les tensions d’ailleurs qui affectent aussi le continent. À New York, le Bénin a dit ou répété ses quatre vérités au monde. Notamment dans les dossiers comme la guerre en Ukraine que Cotonou a clairement condamné. Mais aussi la situation explosive en Mer de Chine ou encore au Moyen-Orient où le Bénin prône depuis longtemps la solution à deux États pour mettre fin à l’éternel israélo-palestinien.
Avec peine donc, le ministre des Affaires étrangères du Bénin, Olushegun Bakari Adjadi constate que «l’incertitude devient une constante de notre époque». Incertitude à commencer par les Odd. «À cinq ans de l’échéance de 2030, il est douloureusement clair de constater que nous n’atteindrons pas les Objectifs de Développement Durable.»
Incertitude aussi vu la persistance de la pauvreté, reconnue par cette même Onu comme la source de tous les maux.
Incertitude davantage en Afrique où les crises lointaines s’exportent facilement. Tel est le cas dans la région du Sahel.
«La région sahélienne, en particulier, est aujourd’hui le théâtre de tensions grandissantes, exacerbées par des décisions prises sans le consentement des Africains», déplore-t-il. «Le Bénin dénonce fermement toute tentative de faire du Sahel un nouvel épicentre de luttes géopolitiques. Ces ingérences nourrissent le terreau du terrorisme, une abomination que nous condamnons sans réserve. (…) Que ce soit en Afrique ou ailleurs, le terrorisme est inacceptable», persiste Cotonou.
Sans le dire clairement, le Bénin condamne et désapprouve par exemple l’extension du conflit russo-ukrainien au Sahel. On se rappelle, en effet, que les services de renseignements ukrainiens avaient publiquement revendiqué leur soutien logistique à des terroristes qui ont ensanglanté la localité de Tinzaouatène au Mali.
Une Afrique forte
Plus intéressant encore dans l’intervention du Bénin à la tribune de l’Onu, c’est la foi du pays en une Afrique d’avenir, de développement. Et, loin de la traditionnelle apologie des ressources naturelles du continent, le Bénin pose à la face du monde, trois fondements du «respect de l’Afrique». Ce sont, en réalité, trois chantiers sur lesquels le gouvernement du président Talon a concentré ses actions et investissements depuis 2016.
Pour le Bénin, le respect de l’Afrique passe donc par la reconnaissance de ses valeurs culturelles, un panafricanisme engagé et la reconnaissance et implication des diasporas dans la construction du continent.
Sur le premier, le Bénin constate certes la balkanisation spirituelle de l’Afrique mais lui revendique une identité culturelle propre, préexistante à sa rencontre violente avec l’Occident ou même l’Asie.
«Comme il est impossible de comprendre l’Europe sans l’influence de l’Église chrétienne ou de comprendre le Moyen orient sans se pencher sur l’islam, il est tout aussi impossible de saisir l’essence de l’Afrique sans embrasser pleinement ses croyances, ses traditions, et sa civilisation.»
D’où le Bénin «terre mère de la culture vodun, a pris l’initiative de corriger les perceptions négatives sur cette culture. Nous voulons révéler au monde la richesse de notre civilisation. En connaissant et en respectant notre histoire, nos croyances, et notre culture, le monde pourra comprendre qui nous sommes et pourquoi l’Afrique est essentielle».
Allusion faite aux Vodun days -version relookée du ”10 janvier” – et les nombreux projets muséaux pour valoriser cet héritage culturel.et son apport à l’universel.
«Ils incarnent une part essentielle de notre identité collective »
Le respect de l’Afrique, pour le Bénin, il passe ensuite par «un panafricanisme moderne, tourné vers l’action». Autrement, «Un panafricanisme engagé dans la réduction de la pauvreté, dans la construction d’un continent prospère. Ce panafricanisme doit se traduire par des actions concrètes. Comment prôner l’unité africaine quand il est plus facile pour un Européen de voyager en Afrique que pour un Africain lui-même ?» s’interroge alors le ministre des Affaires étrangères.
Le Bénin jure donner la preuve de ce panafricanisme moderne à travers la suppression du visas pour tous les ressortissants africains afin de « bâtir une Afrique où chaque Africain puisse se sentir chez lui, partout sur le continent.»
La même dynamique de respect de l’Afrique a conduit à l’adoption d’une loi qui accorde la nationalité béninoise par reconnaissance aux Afro-descendants. Ceux-ci «doivent retrouver leur place au sein de la communauté africaine». Objectif, bâtir ensemble «notre renaissance commune.»