Home Actualité Reconnaissance de la chefferie traditionnelle : Le royaume de Saxè (Ouidah, Kpomassè…) alerte sur son exclusion

Reconnaissance de la chefferie traditionnelle : Le royaume de Saxè (Ouidah, Kpomassè…) alerte sur son exclusion

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
0 Commentaire

Au Bénin, la chefferie traditionnelle s’apprête à être formellement encadrée par une loi en attente d’examen et d’adoption à l’Assemblée nationale. Cependant, plusieurs entités, dont les Xweda de Ouidah et alentours, constatent l’exclusion de Saxè de la liste des royaumes et chefferies traditionnelles officiellement reconnues.

Dah Atakpaloko Agbo est la voix officielle de la dénonciation de cette exclusion par omission. Le président de Xwédah Hwendo, association en charge de la gestion du Temple des Pythons de Ouidah, insiste sur le fait que

« les évidences révélées par des faits historiques du Bénin d’aujourd’hui citent le royaume de Saxè de la communauté Xwédah comme une organisation sociale mûre qui a connu, de 1500 à 1726, l’existence d’un pouvoir traditionnel dont la gestion a assuré le rayonnement d’un espace territorial clairement identifié, incluant l’actuel Ouidah et une partie de la commune de Kpomassè ».

Il fait ainsi allusion à certains travaux scientifiques réputés dont ”Ouidah : la mémoire silencieuse” de la muséologue-sociologue Rachida Ayari-de Souza et surtout “Historicité et espaces de pouvoir traditionnel en République du Bénin”. Cet ouvrage, rédigé par 14 enseignants du Département d’histoire et d’archéologie de l’UAC, identifie au total 19 royaumes dans le Bénin précolonial, dont Saxè, relevant de l’aire culturelle Ajatado.

Parmi les contributeurs du document de 272 pages, revu et corrigé en décembre 2020, figurent entre autres Alexis Adandé, Jérôme Alladayê, Bellarmin Codo, Didier N’Dah, Eméry Patrick Effiboley, Didier Marcel Houénoudé et feu Félix Iroko.

Ces chercheurs reconnaissent que Saxè a bien existé en tant que royaume, avec « un territoire permanent bien connu, borné au nord et au nord-ouest par le lac Ahémé et le Kufo, au sud par l’océan Atlantique, au sud-ouest par la rivière conduisant en pays Popo, et au sud-est par des communautés Aïzo » (p. 172).

Sa généalogie comprend des souverains comme Ayohuan, qui accéda au trône en 1671, Agbangla, mort en 1703, Ayisan, qui régna de 1703 à 1708, et enfin Xufon, sous qui le royaume fut conquis par le Danxomè du roi Agaja en 1727.

Ce qui semble encore plus incompréhensible pour les Xweda, c’est que l’un des documents ayant servi de base à l’élaboration du projet de loi sur le cadre juridique de la chefferie traditionnelle n’est autre que ”Historicité et espaces de pouvoir traditionnel en République du Bénin”, cité plus haut. Ils ne comprennent donc pas pourquoi le royaume de Saxè a été exclu du ”rendu final”.

Avant le président Agbo, Tchiakpè Jérôme (Sa Majesté Houéda Hossou Houffon, roi de Savi/Ouidah) attirait également l’attention de la Commission des lois de l’Assemblée nationale sur cet ostracisme. « Cette omission porte préjudice à la communauté et au patrimoine culturel du Savi, qui méritent d’être reconnus et préservés au même titre que les autres royaumes », écrit-il, craignant que cette « exclusion dans le projet de loi […] risque de marginaliser la communauté et de nuire à la préservation de son héritage culturel ».

Changements majeurs

La colonisation a désorganisé les structures traditionnelles et dépossédé les chefs de leurs pouvoirs. Après les indépendances, les nouvelles autorités n’ont pas daigné réparer cette injustice. Pendant la période révolutionnaire, le pouvoir traditionnel a même été marginalisé et combattu, avant de regagner en influence dans les années 1990, marquées par un vent de revalorisation des cultures nationales.

L’absence d’un cadre juridique clair a conduit à la prolifération des royaumes sans base historique, à l’inféodation des chefferies traditionnelles aux partis politiques, à la multiplication des associations de rois et chefs traditionnels sous-tendues par des rivalités et des guerres de leadership, ainsi qu’à une absence de contribution à l’administration efficace des régions et au développement du pays, relèvent les experts.

La Constitution révisée en novembre 2019 marque une avancée radicale en reconnaissant désormais la chefferie traditionnelle. L’objectif est de la faire participer, dans les limites prévues, à la consolidation de la démocratie, à la paix sociale et à la préservation des us et coutumes conformes aux valeurs républicaines.

À cet effet, la proposition de loi soumise aux parlementaires et consultée par Bénin Intelligent reconnaît 16 royaumes ayant existé jusqu’à la veille de la colonisation : soit la borne du décret de 1894 (créant la colonie du Dahomey et Dépendances pour la partie méridionale du Bénin) et 1897 (pour la partie septentrionale) sauf les royaumes restaurés par le colonisateur (Alada et Ketou)

Elle reconnaît en outre, de manière non exhaustive, 80 chefferies supérieures dépendantes ou non, à pouvoir moyennement centralisé, ainsi que 10 chefferies coutumières à pouvoir non centralisé.

La loi crée par ailleurs une Chambre nationale de la chefferie traditionnelle, une Commission nationale permanente de suivi de la chefferie traditionnelle et un Conseil du trône ou des sages au niveau de chaque royaume.

Elle répertorie surtout les critères de dévolution du pouvoir traditionnel au sein de chacun des 16 royaumes et définit les rapports entre les autorités traditionnelles, d’abord entre elles, puis avec l’État, ainsi que les sanctions encourues par ces autorités en cas de manquement à leur devoir de loyauté, d’intégrité et de neutralité politique.

Le projet fait obligation à tout citoyen, quelle que soit son appartenance socioculturelle, de respecter les autorités traditionnelles. Enfin, nul ne peut se prévaloir du titre de roi, de chef supérieur ou de chef coutumier s’il n’est choisi comme tel, sous peine des sanctions pénales relatives à l’usurpation de titre.

LIRE AUSSI

Lire aussi

Laisser un commentaire

A propos de nous

Bénin Intelligent, média au service d’une Afrique unie et rayonnante. Nous mettons la lumière sur les succès, défis et opportunités du continent.

À la une

Les plus lus

Newsletter

Abonnez-vous à notre newsletter pour être notifié de nos nouveaux articles. Restons informés!