Balances truquées, pompes à carburant défectueuses, poids falsifiés… Dans les marchés et stations-service, de nombreux commerçants trompent encore les consommateurs avec des instruments de mesure non conformes. Face à cette fraude persistante, l’Agence nationale de normalisation, de métrologie et du contrôle qualité (ANM) a lancé une campagne musclée de vérification. Invité de l’émission 5/7 Matin, mercredi 2 avril, sur la Télévision nationale, Abdel Madjid Adelakoun a dressé le bilan de cette opération et rappelé les mesures prévues contre les infractions constatées.
Journaliste : Pourquoi l’ANM a-t-elle décidé de lancer une chasse aux instruments de mesure ? Avez-vous reçu des plaintes selon lesquelles les consommateurs sont grugés ?
Abdel Madjid Adelakoun, responsable de la communication : L’Agence nationale de normalisation, de métrologie et du contrôle qualité (ANM) a pour mission la mise en œuvre de la politique nationale de normalisation, de métrologie, de certification des produits, de vérification et de contrôle de la qualité. Je vais citer deux de ses attributions : coordonner tous les travaux d’élaboration des normes béninoises et procéder aux diverses expertises en vue de l’arbitrage de tout conflit relatif aux procédés de mesurage, aux instruments de mesure et aux quantités mesurées. Le ministère de l’Industrie et du Commerce en assure la tutelle.
L’intensification de nos activités de contrôle inopiné découle de la ferme volonté du gouvernement, à travers la ministre de l’Industrie et du Commerce, qui nous a demandé de renforcer davantage ce que nous faisons déjà. Notre activité est régie par le décret n°86-216 portant réglementation générale des instruments de mesure au Bénin. Les articles 8 et 12 disposent que « tout instrument de mesure doit subir la vérification primitive avant sa première mise en service et la vérification périodique lorsqu’il est déjà utilisé dans les transactions commerciales ».
Autrement dit, lorsque vous possédez une poissonnerie et que vous souhaitez vendre du poisson aux consommateurs, vous avez l’obligation d’acheter une balance et de la faire vérifier et certifier par les services de l’ANM avant sa première mise en service. Il ne s’agit pas d’acheter une balance, de commencer à vendre, puis d’attendre que l’ANM vienne la vérifier, non. Vous devez vous adresser aux services de l’ANM afin de la faire contrôler pour qu’elle soit déclarée conforme ou non conforme aux normes métrologiques.
Lorsque la balance est conforme, l’ANM appose une vignette verte valable un an. Après un an, vous devez la soumettre à une nouvelle vérification, appelée vérification périodique. Si l’instrument est déclaré non conforme, nous apposons une vignette rouge et nous procédons au retrait de cet instrument, car nous ne pouvons pas être certains qu’il ne sera pas utilisé malgré son non-conformité.
Un contrôle au niveau national. Quel est le constat général qui se dégage ?
Le constat général est que les commerçants continuent d’utiliser des instruments de mesure non vérifiés et non certifiés par les services de l’ANM. Pour eux, dans leur entendement, cela semble normal. Pourtant, le décret que je viens de citer interdit cette pratique. De plus, l’article 22 de ce décret nous donne les prérogatives de surveiller les instruments de mesure sur le marché afin de l’assainir. C’est précisément cet exercice que nous intensifions depuis quelque temps. Nous menons ces contrôles régulièrement, mais nous avons renforcé nos actions en raison du grand nombre de plaintes de consommateurs qui estiment être grugés dans différents points de vente.
Lorsque vous tombez sur des balances non conformes, quelles sont les sanctions prévues par les textes ?
Lorsque nous identifions des balances qui n’ont pas été vérifiées par les services de l’ANM, nous procédons à leur retrait systématique et nous appliquons des amendes. Selon les dispositions du décret, ces amendes varient de 10 000 à 1 000 000 FCFA. Des peines privatives de liberté sont également prévues, allant de 15 jours à 6 mois d’emprisonnement.

Nous avons également la loi sur la protection du consommateur, qui interdit la tromperie. Par exemple, dans le cadre du contrôle des préemballés (produits conditionnés en dehors de la présence de l’acheteur, comme les sacs de riz ou de sucre), il arrive que certains commerçants reconditionnent ces produits afin de réduire leur poids avant de les vendre. Cette pratique est strictement interdite par le décret 2007-292 du 16 juin 2007. En d’autres termes, le poids indiqué sur l’emballage doit correspondre exactement à la quantité contenue dans le sac. Si ce n’est pas le cas, la loi sur la protection du consommateur s’applique et des sanctions sont prévues.
Au-delà des balances, l’ANM vérifie également les stations-service pour s’assurer de la qualité du service fourni aux consommateurs. Là aussi, vous tombez souvent sur des brebis galeuses.
Effectivement. Nous avons épinglé plusieurs stations-service, car il existe de nombreux instruments de mesure à contrôler. Nous avons commencé par ces stations lors du lancement de cette intensification et, comme vous l’avez constaté, nous avons mis sous scellés certaines d’entre elles. Lors de nos descentes inopinées, nous procédons à des opérations de contrôle du litrage afin de vérifier si la quantité de carburant débitée aux consommateurs est juste et exacte. Lorsque ce n’est pas le cas, nous appliquons également des amendes, qui varient de 500 000 à 100 000 000 FCFA, ainsi que des peines privatives de liberté allant de 3 mois à 5 ans d’emprisonnement.
Cette opération sera-t-elle une action pérenne ou s’agit-il uniquement de descentes spontanées et inopinées ?
Les descentes inopinées sont une activité régulière. Comme je l’ai rappelé, l’article 22 du décret n°86-216 nous donne les prérogatives de surveiller le marché. Cette surveillance est une activité continue, même si elle n’est pas toujours visible dans les médias. Il est important de ne pas trop médiatiser nos actions afin d’avoir une image fidèle du marché et de l’utilisation des instruments de mesure. Nous allons donc poursuivre ces contrôles de manière permanente. Le directeur général de l’ANM, Monsieur Mouhamed Nazif El Hadji Alassane Moutawakilou, a d’ailleurs déclaré lors d’une rencontre que les populations ne seront plus grugées par les commerçants.
Un autre constat sur le terrain montre que certains commerçants possèdent des instruments de mesure vérifiés et certifiés mais préfèrent utiliser des instruments non conformes.
Effectivement, c’est un cas de mauvaise foi. Lors de nos campagnes de vérification, nous demandons aux commerçants de sortir tous leurs instruments de mesure. Or, certains possèdent trois ou quatre balances mais n’en présentent qu’une ou deux à nos contrôleurs. Dès que nous quittons les lieux, ils utilisent les autres balances non vérifiées. C’est pour cette raison que nous devons intensifier nos contrôles inopinés et sanctionner ces pratiques frauduleuses.
Y a-t-il des types de balances spécifiques que les commerçants doivent utiliser ?
L’essentiel est que ces balances respectent les normes en vigueur. Nous recommandons l’utilisation d’instruments de mesure conventionnels, en opposition aux instruments traditionnels comme le “tohoungolo”. Il existe différents types de balances : mécaniques, numériques, et autres. Quelle que soit la balance choisie, les commerçants doivent la soumettre à l’ANM pour vérification et certification.
Et les “tohoungolo” ?
Le règlement n°8 de l’UEMOA, qui harmonise les instruments de mesure, interdit le “tohoungolo”. En principe, il ne devrait donc plus être utilisé sur le marché. Cependant, nous poursuivons nos efforts de sensibilisation pour encourager les consommateurs à adopter des instruments de mesure modernes et conformes.
Vous admettez que, sur les marchés, les céréales sont encore vendues avec le “tongolo” et non avec des balances.
Tout à fait. C’est une pratique ancestrale, culturelle et sociologique. C’est pourquoi nous continuons les sensibilisations.
Votre message aux consommateurs et commerçants ?
J’invite les consommateurs à être vigilants. Lorsqu’ils effectuent un achat, ils doivent s’assurer que l’instrument de mesure utilisé porte une vignette de l’ANM, preuve qu’il a été vérifié et déclaré conforme. En cas de doute, ils peuvent signaler tout cas de non-conformité à l’ANM, qui se chargera de mener des contrôles. Nous avons déjà parcouru tout le territoire national et poursuivons nos descentes afin de renforcer l’assainissement du marché.
(Propos transcrits par Sêmèvo Bonaventure AGBON)
1 Commentaire
J’ai eu du plaisir à vous lire Monsieur AGBON.
Très belle plume.
Et merci à l’ANM pour les efforts de normalisation.