Chaque année, un public hétéroclite y défile. Les uns pour nourrir leurs curiosités, les autres en quête de connaissance. Depuis sa reconstruction en 1992, le monde de visiteurs nationaux et internationaux au sein du Dangbé-Xwé, le ‘’Temple des Pythons’’ de Ouidah ne diminue pas.
Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
Tout sourire, le géant basketteur franco-béninois Ian Mahinmi apparaît sur l’une des photos avec un reptile enroulé au cou. Décontracté et serein, Djimon Houssou, l’acteur d’Hollywood pousse, lui, l’audace jusqu’à tenir le serpent par la tête. A contrario, Marina H. n’a pu contenir son ophiophobie bien que encouragée par Modeste Zinsou, le guide principal des lieux.
Au Temple des Pythons, tout usager teste à la fin du parcours son rapport aux reptiles. Les habitués ne craignent rien. Quant aux autres, soit on fait mine de tenir, soit on s’offre aux rire des autres. Un véritable challenge passionnant ! « L’Afrique et ses mystères, je suis fière de cette culture et de cette richesse. Aujourd’hui, j’ai surmonté ma peur des reptiles grâce à notre charmant guide. Que cet espace dure et perdure pour permettre aux jeunes de se rappeler leurs traditions », confie, satisfaite, Salematou, le 18 juin 2023
Le Temple des Pythons de Ouidah, situé juste en face de la Basilique de l’Immaculée Conception, jouit d’une renommée internationale. Prisé des célébrités du monde des arts et de la culture, des personnalités diplomatiques, des autorités politico-administratives aussi bien nationales qu’étrangers ou de touristes en escapade au Bénin. Il est le seul endroit au Bénin voire au monde où ce reptile est conservé, divinisé et vénéré, attirant chaque année, des centaines de curieux. Il contribue ainsi à la réputation de Ouidah déjà célèbre pour sa place dans l’esclavage.
Les plus hautes personnalités de l’Etat ont posé leurs pieds au Temple des Pythons. A commencé par Patrice Talon, reçu jeudi 23 mai dernier. Natif de Ouidah, le chef de l’État a visité d’autres infrastructures en construction dans la ville spirituelle dans le cadre de l’ambition gouvernementale de redynamisation de l’offre touristique du Bénin. D’autres comme les humoristes Jojo le comédien, Axel Merryl ; sans oublier Djogbenou, ancien président de la Cour constitutionnelle ; et le footballeur international Guadeloupéen (1991 à 2008) Lilian Thuram, auteur de « Mes étoiles noires, de Lucy à Barack Obama ».
De plus en plus, le Temple des Pythons figure sur la liste des circuits touristiques incontournables lors des sorties initiées par des écoles, entreprises, organisations ou familles. Le prix de la visite est de 1000F par personne pour les étrangers venus d’Occident ; 500F pour les ressortissants de la Cedeao et 250F pour les enfants. De 2021 à 2022, un inventaire effectué cette année dans le cadre des « Réformes de la gestion du Temple des Pythons de Ouidah et Valorisation du patrimoine culturel Xwédah (Rgtpo-Vpcx), chiffre le flux de visiteurs à 19873 dont 3469 étrangers.
Avant d’être sujet de tourisme, le Python royal est sacré et tutélaire principalement pour les trois familles détentrices (Agbo Atakpaloko, Adjovi et Zossoungbo). A sa mort, il a droit à des rituels mortuaires autant que l’homme. Tous les sept, une grande cérémonie de purification se tient au sein du Temple, impliquant 41 vierges. Selon l’histoire, le royaume Savi lui doit son intégrité, et le roi lui doit sa survie face aux attaques expansionnistes des monarques d’Abomey. Le Python protégeait aussi l’agriculture, d’où la forme de grenier donnée au nouveau temple.
« Pour avoir protégé la vie du roi et le champ des ancêtres », raconte le guide aux visiteurs, « le Python est désormais pris comme une divinité à Ouidah ». Et pas seulement ! Il a donné son nom à la ville entière. Localement, il est connu comme ‘’Xweda Dangbé’’, signifiant ‘’Python bienfaiteur’’. Incapables de prononcer correctement l’appellation endogène, colons français, portugais et anglais l’ont déformée respectivement en ”Ouidah”, Judah”, et Whydah ».
Aujourd’hui encore, des populations portent toujours les cicatrices identitaires 2×5, signe du lien fort qui unit le Xwedah et le Dangbé. « Nous nous portons mutuellement dans l’esprit, mais aussi dans la chair comme le montrent les cicatrices qui décorent mon visage et que je porte fièrement », professe Ignace Adjovi, agent en service au Temple de Pythons et natif de Ouidah.
Autrement, le Python, c’est l’ancêtre mythique « qu’on ne tue pas, qu’on ne maltraite pas et qu’on ne mange pas », assène Dada Daagbo Hounon Hounan II, chef spirituel suprême du Vodun. Au-delà donc de l’émerveillement, les visiteurs s’instruisent d’une spiritualité, d’une religion en parcourant les différents compartiments du Temple.
Cécile Martin-Phipps en a témoigné à l’issue de sa visite le 23 juin. « Nous sommes très honorés d’avoir été introduits à la religion vaudou au Temple des Pythons. Que la bienveillance et la protection accompagnent le Bénin dans l’atteinte des Objectifs de développement durable ! », a écrit la directrice de l’Institut de la Francophonie pour le développement durable dans le livre d’or du Temple.
« J’ai retrouvé avec beaucoup de bonheur ce riche patrimoine de notre pays qu’ensemble nous avons défendu la survie… Mes enfants ont apprécié la visite. Merci de continuer cette œuvre culturelle », renchérit l’avocat Olyekpe.
Préservation
En dépit de leur proximité géographique, et à l’opposé de la basilique bâtie sur la diabolisation du Vodun, le Temple des Pythons remplit une fonction de réhabilitation d’une spiritualité longtemps dénigrée. « J’ai eu une image plus humaniste du Vodou contraire au mal propagé par la désinformation », s’écrie justement O Maïga, lors d’une visite, le 18 juin dernier.
« C’est avec beaucoup d’émotion et surtout de grande fierté que je remplie ce livre d’or du Temple des pythons de Ouidah. C’est un lieu mythique, spirituel que tout le monde doit absolument visiter avant de mourir », appuie Dine Bouraima, le 27 septembre 2019. Cet expert en amélioration du climat des affaires et en développement des outils de promotion des investissements, est par ailleurs président de ‘’Consortium Touristes par Millions au Benin’’
Le Dangbé-Xwé, à l’origine, est une forêt sacrée d’environ trois mille mètre carré. Il est installé après la chute du royaume de Saxwè, l’actuel Savi en 1727. « En ce temps-là, le Dangbé-Xwé représentait un refuge pour le Vodun Dangbé qui a servi d’arme de résistance contre les envahisseurs. Selon les communautés détentrices, les Xwédah Dangbé Vodun est le garant de leur protection et bien-être. Ses bienfaits sont nombreux et participent à la satisfaction des besoins de l’homme sur tous les plans », note Pacôme Alomakpé, gestionnaire du patrimoine culturel.
Dans une Afrique où la christianisation et la modernisation sauvage ont emporté biens de patrimoines inestimables, le Temple des Pythons est une exception. Plusieurs visiteurs dressent, en guise de reconnaissance, des lauriers aussi bien aux communautés détentrices qu’aux gestionnaires.
« Très impressionnée par la préservation, la conservation et le partage de nos croyances, cultures et traditions. Bravo, petite fille de roi, reine-mère et membre du gouvernement au Cameroun, legs extraordinaire où République et traditions vivent en bonne intelligence. Je partirai du Bénin fière d’être africaine, frère de ce que nous sommes », Ketcha Courtès, ministre de l’habitat et du développement lors de son passage.
Maillon important de la médiation culturelle, le service des guides est l’un des plus sensibles parmi les neuf dont dispose le Temple des Pythons. Le crédo de l’administration : « Le guide qu’il faut aux touristes qui arrivent ». Ainsi, les guides sont déployés suivant le type de visiteurs (chercheurs, journalistes, étudiants, apprenants, curieux) et même en fonction de leur ressort linguistique (anglophone, francophone, asiatique).
L’administration travaille à renforcer davantage l’offre du Temple des Pythons. Une série de réformes est ainsi envisagée, et concerne aussi bien les discours servis aux visiteurs que l’accréditation des guides de tourisme externes, la protection des Pythons et la distribution des objets de souvenir.
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1 Commentaire
Merci pour la preservation de nos patrimoines et notre culture ancestral. L’ Afriqie a toujours garde’ nos reves.
Honeur soit rendu a vous tous.