L’image du Vodun doit avancer. Ce «symbole de la diversité, de la complexité de l’altérité africaine» ne doit plus paraître comme la «religion du pauvre, une religion du méchant, une religion du dégueulasse» . Le ministre du Tourisme, de la culture et des arts, Jean-Michel Abimbola incite à une ”réforme des offrandes” dans le Vodun. Propos recueillis jeudi 30 novembre lors de la conférence de presse sur les Vodun days à Cotonou.
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Pourquoi Ouidah pour accueillir les Vodun days ?
«A Ouidah, ce n’est que la suite de l’institutionnalisation du 10 janvier… Plusieurs communes, villes au moins une bonne dizaine ont revendiqué le titre de capitale du Vodun. On n’a pas lancé ce concours-là.
Nous avons choisi Ouidah parce que Ouidah est connu pour son statut de ville symbole, ville de réhabilitation de la mémoire des afro descendants et un instrument de la promotion de la Destination Bénin. Moi je me situe dans un cadre de développement touristique.
Donc comment je fais pour pouvoir avoir des produits d’appel ? L’un des produits que je peux vendre c’est Ouidah. Aujourd’hui des gens vont vendre Gorée, Venise, etc. Qu’est-ce que je vais vendre au Bénin ? Je suis en train de développer le label Ouidah… Ouidah a été la porte par laquelle le Vodun a été exporté à travers la traite négrière, l’esclavage. Nous avons le Candomblé, la santeria cubaine, etc.
Ouidah a été une porte de diffusion du Vodun. A Ouidah vous avez pratiquement tous les Vodun. Tous les captifs venaient avec leur Vodun. (…)
Hymne à l’amour
Je voudrais pour finir lancer une fois encore un message. Le message que le Vodun est un hymne à l’amour, à l’humanisme, à la tolérance, de respect de la nature. Le Vodun aspire à l’épanouissement intégral de l’individu dans toutes ses dimensions ; s’impose ainsi comme symbole de la diversité, de la complexité de l’altérité africaine.
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Nous avons à nouveau l’occasion d’illustrer notre attachement à la tolérance, à la coexistence religieuse. Le fait que les autres religions prospèrent au Bénin, c’est justement la preuve s’il en fallait de la tolérance du Vodun. Le gouvernement n’est pas là pour faire la promotion d’une religion par rapport à une autre. Nous sommes dans un Etat laïc, toutes les religions sont admises, respectée. Le gouvernement est là pour la réappropriation culturelle pour pouvoir dire que toutes les religions se valent.
Offrandes et image du Vodun
Le Béninois qui ne connait pas le Vodun, c’est possible. La plupart connaissent le Vodun mais n’assument pas officiellement le Vodun. Ce sera désormais de moins en moins le cas. Parce que c’est de notre faute aussi ; médias, leaders, intellectuels c’est à nous d’abord d’être décomplexés. C’est à nous de montrer ce qu’est vraiment le Vodun et de ne pas aller dans des caricatures ridicules sur le Vodun. Nous avons mis en place le comité des rites Vodun exactement pour ça. Pour essayer de voir comment nous allons changer l’image du Vodun.
Pourquoi une religion doit paraître comme une religion du pauvre, une religion du méchant, une religion du dégueulasse et d’autres religions vont paraître plus sexy ? Sur les autres religions il y a eu un travail qui a été fait. A un moment donné toutes ces religions étaient des religions d’Etat quelque part ; donc ont bénéficié des moyens, de l’aide, de l’intelligence, de l’ingénierie de l’Etat.
Jean-Michel Abimbola, Mtca
Je vais vous donner un exemple que tout le monde connait : la fête de la Pâques chez les chrétiens. C’est un animal qu’on égorge et son sang qu’on asperge sur les murs. Est-ce que quelqu’un fait encore ça ? Peut-être que les gens le font chez eux. Personne ne voit encore ça.
Donc on peut très bien dans une religion avoir le sang sans choquer le monde par l’image qu’on en donne. Quand nous avons nos autels, nos déités et nous faisons des offrandes ; vous n’avez aucune religion sans offrande, aucune. Il y en a même on danse, on danse pour aller donner. Vrai ou faux ?
«c’est dégueulasse !»
Donc toutes les religions, il y a le concept de sang. Nous avons également au niveau du Vodun. Mais quand on a fini de faire une offrande, que nous appelons à tort sacrifice parce que les autres religions ne l’appellent pas ‘’sacrifice’’.
Quand on a fini de faire cette offrande nous avons la possibilité après de laisser comme ça se fait parfois la carcasse de l’animal sur la déité qui se décompose. Et, on a un essaim de mouches, on a les odeurs, on a une infection. Comment voulez-vous attirer les gens avec ça ? Sauf si vous êtes du couvent et que vous y êtes habitués. Tout le monde passe par là, on se pince le nez ; c’est dégueulasse.
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Comment nous allons faire pour qu’on n’ait plus ce genre d’image, qu’on ne choque plus le peuple avec ça, qu’on ne choque plus les visiteurs, que le Vodun soit aussi cosmétisé, aussi beau à voir que d’autres religions ? Si je prends le christianisme, 2000 ans, ils ont eu le temps de bien organiser, de bien structurer, de savoir ce qu’il faut présenter.
Comité des rites Vodun et image du Vodun
Dans toutes les religions vous avez le sang, l’huile, l’alcool, l’eau, vous avez les offrandes. Pourquoi une religion doit paraître comme une religion du pauvre, une religion du méchant, une religion du dégueulasse et d’autres religions vont paraître plus sexy ? Sur les autres religions il y a eu un travail qui a été fait. A un moment donné toutes ces religions étaient des religions d’Etat quelque part ; donc ont bénéficié des moyens, de l’aide, de l’intelligence, de l’ingénierie de l’Etat. Donc nous avons la possibilité également de travailler pour changer l’image du Vodun.
C’est pour cela que nous avons constitué le comité des rites. Nous allons labellisé le couvent pour dire voici comment un couvent se présente ; pas par le gouvernement, c’est pourquoi on a pris que des Hunnon, des initiés, des gens qui connaissent la matière et qui peuvent aller discuter avec leurs pairs, qui peuvent rentrer dans des couvents et avoir le dialogue. »
Propos recueillis et transcrits par Sêmèvo B. AGBON