•Le Bô n’est pas le Vodun. Le possesseur de Bô ou son détenteur peut ne pas être Vodunnon.
•Un Dieu ne crée pas un autre Dieu.
•Le Vodun constitue l’ADN de tout béninois.
Le professeur Dodji Amouzouvi, membre du Comité des rites Vodun dresse un bilan positif de la première édition des Vodun days. Il revient sur la polémique liée à la caravane des brésiliennes, les messages hostiles au Vodun dans cette période. Il explique par ailleurs les notions de bien, de mal, d’enfer et d’ancêtres dans la spiritualité Vodun.
Journaliste : Cette année, les Vodun days ont fait braqué les projecteurs sur la ville historique de Ouidah. Est-ce une nouvelle ère pour la célébration et la valorisation du Vodun ?
Dodji Amouzouvi : Oui absolument, c’est une réinvention de l’ancienne formule de la fête du Vodun depuis Ouidah 92.
Pourquoi célébrer le Vodun ?
Le Vodun comme Divin, comme spiritualité doit être célébré. Tout Dieu est Dieu pour être célébré, louangé, adoré ! on le fait pour obtenir les grâces et les faveurs du Vodun
Monseigneur Adoukonou définit le Vodun comme «le culte rendu aux ancêtres». Partagez-vous cette conception ?
Mgr Adoukonou a tout faux et a sciemment oblitéré la première réalité du Vodun. Il n’est jamais dit que les hommes que l’Église canonise sont la seule réalité de sa sainte Trinité adorable. Le Toxiô, l’ancêtre divinisé est un Vodun. Mais n’est pas la réalité du Vodun. Adoukonou le sait mais le tait. Dommage.
Que peut on retenir des Vodun days ?
On retiendra la révélation de nos valeurs, de nos cultures, de notre tradition au Bénin et au monde entier. L’unité nationale, le refus de la honte, du complexe à avoir face à nous mêmes et à nos ancêtres! Nous retiendrons que le Bénin est actuellement le centre du monde culturel, nous retiendrons le potentiel économique derrière tout ça !
Courant cette période, des critiques parfois très acerbes qui diabolisent le Vodun ont inondé les réseaux sociaux. Faut-il dire qu’il reste encore du chemin pour la tolérance et la bonne cohabitation entre les différentes religions ?
Oui sauf si ceux qui le font sont de bonne foi, on leur expliquera. Mais si c’est des crétins qui ont pris le rôle et l’habit de chrétien, qui vilipendent le Vodun le Jour pour courir et ramper vers lui la nuit, ou si c’est des adversaires politiques qui ne font aucune différence entre notre patrimoine commun et la guéguerre politique, je pense qu’il faut circuler.
Quelle que soit la religion qu’on a choisi de pratiquer, tous les béninois sans exception doivent savoir que le Vodun est notre ADN. C’est notre plumage. L’abandonner pour aller vers les dieux étrangers, les dieux d’autrui c’est inévitablement le choix le plus sûr de se couper de son origine. Ceux qui ont diabolisé le Vodoun avaient des objectifs bien clairs : nous assimiler, nous déraciner, nous fragiliser pour mieux nous dominer; spolier exploiter, détruire et ça n’a pas raté.
Si Vodun est Dieu selon la mystique africaine, le diable existe-t-il ?
Pas mystique africaine, mais spiritualité africaine. Dans cette spiritualité, le “Awovi” existe. le Malin, le mal existe. Mais il n’est pas conçu pour être dans un enfer et le Vodun dans un paradis. Il n’est pas conçu pour nous rendre un jugement dernier quand nous nous reverrons un jour.
Le mal existe, le Bien existe. Et le fidèle du Vodun est libre, créé libre. S’il choisit de faire le Mal, il paye cash, sanctionné pour le mal qu’il a fait. S’il fait le Bien et vit selon les orientations du Vodun, à sa mort après les rituels, il est divinisé, il devient Toxio et intercède pour nous auprès du Vodun Mahou Sègbo comme le font les autres Vodun qui sont des incarnations/engendrements du Mahou.
Que faire pour être en harmonie avec les différentes entités Vodun ?
Ne pas tuer, mentir, voler, désirer le bien d’autrui, vouloir du mal à soi ou à autrui, agresser autrui ou la nature, s’aimer et aimer son prochain, etc.
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En tant que fidèle du Vodun ou initié, tout ce qui doit être fait est indiqué lors des initiations. Pour le commun des mortels qui ne sont pas des initiés, apprendre et connaître les “Sun” lois principes et interdits de la nature et les respecter. Et on sera en parfaite harmonie avec le Vodun.
Comment peut-on définir le gris gris (bô) et quelle est sa place dans l’univers du Vodun ?
Le gris gris ou bô est la matérialisation d’une connaissance, d’une énergie, d’un pouvoir qu’on possède pour contrôler ou commander des principes ou énergies de la nature. Il est un instrument, une connaissance disponible à la portée de toute personne dans le Vodoun ou non. Le Bô n’est pas le Vodun. Le possesseur de Bô ou son détenteur peut ne pas être Vodunnon. Le Vodunnon peut recourir au Bô pour obtenir des résultats. Grâce au Fa, le Vodun peut indiquer des bô pour obtenir des résultats.
Dans la communauté Vodun, on entend dire qu’il y a un “Gouverneur” appelé Thron qui serait au dessus de tous les autres esprits. Est-ce vrai ?
Non ! Sauf si le raisonnement se fait à l’intérieur de la constellation du Thron. Mais élargi à tout le système doctrinal et philosophique du Vodoun, ce n’est pas vrai. Maintenant on ne peut pas interdire à quelqu’un de dire que son Vodun est au dessus de tous les Vodun, c’est de bonne guerre. A la catéchèse, on nous disait que le Dieu trinité est le Dieu suprême qui a crée le ciel et la terre, les animaux et les plantes. Certains ignorants disent même qu’il a créé le Vodun. Ah quelle prétention ! Mais c’est de droit.
Je réponds simplement qu’un Dieu ne crée pas un autre Dieu. Les Dieu intermédiaires identifiables à des cultures précises et à des peuples précis sont des Dieux horizontaux et tout ce qui monte converge vers l’Unique Dieu qui ne répond d’aucune culture précise. Dès qu’on peut l’identifier à un peuple il est un Dieu horizontal et ne peut créér un autre Dieu !
La caravane brésilienne en prélude aux Vodun days a suscité beaucoup d’indignations à cause du style vestimentaire exhibitionniste.des caravaniers. Quelle est votre position sur la question ?
Sur la question de la Samba ! pour moi c’est une polémique de plus, une vaine polémique quand je mets de côté des gens honnêtes qui cherchent à savoir. Mais polémique inutile et nauséabonde quand il s’agit des gens qui l’animent pour leur obédience religieuse ou politique.
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Ce qu’il faut retenir : La Samba est d’origine brésilienne. Elle est née dans les favelas de Salvador et de Bahia. Elle est une danse identitaire des esclaves africains des maîtres portugais. Quand on sait les liens du Brésil avec Ouidah on comprend aisément que cette danse est une danse ouidanienne, une danse de revendication, une danse identitaire. C’est une danse inspirée de l’environnement du Vodun. Elle n’est pas une danse européenne. Elle reste et demeure une danse africaine digne. La Samba aujourd’hui et la musique, le style et la danse qui vont avec est le délice musical numéro 1 mondial et fait l’identité du Brésil.
Si Ouidah accueille les Vodun days sans faire et faire recours à cette histoire, à son histoire, à notre histoire les personnalités qui se sont indignées devront simplement faire le lien entre l’histoire, la tradition, notre identité et cette danse pour éduquer et informer les jeunes d’aujourd’hui. Et non dans une envolée morale ou moralisatrice dérouter les jeunes et leur mentir.
«Non la Culture de l’autre qui l’a hissé à ce niveau mondial, ne dépravera pas les nôtre ici. Au contraire !»
Les Vodun days sont aussi une occasion d’ouverture du Bénin sur le monde, cette culture bénino-brésilienne qui nous revient, comment nos artistes et créateurs peuvent-ils l’investir, créer quelque chose qui fera aussi les beaux jours culturels du Bénin, comment les chercheurs et universitaires vont se saisir de cela pour mener des recherches sérieuses sur ce pan de notre patrimoine, de notre histoire. Comment sommes-nous tolérants vis-à-vis des autres cultures du Monde ? voilà de bonne questions.
Mais si c’est un débat entre hypocrites qui accourent pour bien regarder, se divertir et revenir jouer aux objecteurs de conscience au propre au sens de la pudeur, ou pour jouer aux purs contre les dépravés, je dis, circulons. Il y a beaucoup de gens qui ont fait le déplacement de Ouidah les jours suivants dans la secrète intention de voir. Il viennent perronner au sainte ni touche. Sont-ils au moins informer du niveau très préoccupant des questions de mœurs dans notre pays ? Que font-ils ? Non la Culture de l’autre qui l’a hissé à ce niveau mondial, ne dépravera pas les nôtre ici. Au contraire !
Votre appel aux Béninois
Faisons de notre culture, de notre passé de notre tradition, de nos arts le levier de notre développement ! Le Vodun constitue l’ADN de tout béninois. Ce n’est pas une question de choix mais une vérité basique. Les spiritualités ou religions étrangères à nos cultures ne nous sauveront pas, ne nous dévélopperont pas autant que le Vodun. C’est le Vodun d’abord, c’est nos cultures d’abord et après peut-être les autres cultures, les autres dieux, les autres religions.
1 Commentaire
Je ne suis pas du tout d’accord avec le Professeur Dodji Amouzouvi sur cette affirmation. La samba est plutôt une danse Brésilienne que les afrodescandants se sont transmis de génération en génération. C’est vrai quelle a son essence dans les favelas de Bahia et de Salvador (Brésil). Mais se sont les propriétaires des esclaves (nos parents/ancêtres déportés d’Afrique vers le nouveau monde) qui imposaient longuement la pratique de ces danses dans leurs forts au point de les intégrés dans le subconscient de leurs esclaves. Avec le temps, cela a pris.
Ayons le courage de nous dire cette vérité.
Si non demain, quelqu’un d’autre peut se lever pour venir nous dire que le Sakpatahoun est une danse japonaise 😂