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Conscription au Burkina Faso : Adieu la liberté d'expression ?

Conscription au Burkina Faso : Adieu la liberté d’expression ?

Par Arnauld KASSOUIN
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La conscription au Burkina Faso restreint la liberté d’expression. Elle n’épargne ni les professionnels des médias ni les magistrats. Toute critique sur la gestion du contre-terrorisme par les autorités militaires en place est passible de “punition”.

La conscription au Burkina Faso est utilisée « de façon abusive… pour enrôler illégalement des magistrats – procureurs et juges ». Leur crime, c’est d’avoir « lancé des procédures judiciaires à l’encontre de partisans de la junte ». Il faut aussi rappeler qu’il n’y a pas que ceux qui travaillent dans le corps judiciaire qui sont interpellés. En effet, les conscriptions « ont lieu sur fond de répression croissante de la junte burkinabè contre les dissidents, les journalistes, les défenseurs des droits humains et les opposants ». Pour les autorités militaires, « les ordres de conscription sont autorisés dans le cadre de “la mobilisation générale” décrétée le 13 avril 2023 », rapporte Human Rights Watch (Hrw). L’Ong observe également l’utilisation illégale de cette mesure pour « faire taire la dissidence ». Ainsi que des « enlèvements et des disparitions forcées de dizaines de détracteurs du gouvernement depuis la fin de l’année 2023 ».

Cette année, « plusieurs cas d’enlèvements de voix considérées comme hostiles au régime militaire » ont été enregistrés. Depuis septembre 2022, les autorités arrivées au pouvoir par un coup d’État répriment « toute personne qu’elles considèrent comme critique à l’égard de leur gouvernement ». En fait, « elles se sont servies de la conscription pour réduire au silence et harceler des voix indépendantes », lit-on dans le rapport 2023 d’Amnesty international. Le cas le plus illustratif est celui de Boukaré Ouédraogo enrôlé le 22 mars 2023 malgré son handicap visuel. Tout juste après sa critique de « la situation sécuritaire » dans « la commune de Tombouri ».

Toute critique de la situation politico-sécuritaire depuis l’avènement du gouvernement en place est assujettie à un enrôlement. Et ce, dans l’armée, pour aider dans la résolution des conflits à configuration terroriste en zone de conflit.

Mode opératoire

Huit sur dix des personnes conscrites ont, pour la plupart, porté des critiques sur la gestion de la situation sécuritaire par l’équipe du capitaine Traoré. Ensuite, survient la notification aux concernés ou leur interpellation pour une courte formation avant l’embarquement sur la ligne de front. « Les arrestations arbitraires, les enlèvements et les disparitions forcées de journalistes, d’activistes et de dissidents sont devenues la nouvelle norme au Burkina Faso », commente Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur le Sahel à Hrw. Pour Arouna Louré, un ancien conscrit, « le but est d’humilier. Si vous obéissez, ils prennent une photo de vous et la publient sur les médias sociaux pour vous humilier. Si vous fuyez le pays, ils vous traitent de lâche. Et si vous poursuivez l’État en justice, les gens diront que vous êtes aussi un lâche », déplore-t-il.

La conscription au Burkina Faso se justifie par le fait que « les libertés individuelles ne sont pas supérieures aux libertés nationales », affirme le capitaine Traoré. Rapporte Khadidiatou Cissé. Cet argumentaire ne convainc guère certains acteurs de la société civile.

Pour les syndicats des avocats et des journalistes burkinabè, comme pour l’organisation Human rights watch par exemple, l’initiative en elle-même « constitue une tentative de faire taire toute opposition pacifique », alors qu’elle « n’a pas tenu sa promesse de rétablir la sécurité au Burkina Faso », écrit Alessandra Prentice. En vérité, la conscription doit être « autorisée et être conforme au droit national ». Et non le contraire, alerte Human rights watch. « Le recours à la conscription motivée par des raisons politiques viole des normes internationales de protection en matière de droits humains », alerte Hrw. En réalité, « la conscription doit être effectuée conformément à des normes compatibles avec la non-discrimination et l’égalité devant la loi ».

Liberté terrorisée

En ciblant uniquement des individus qui ont ouvertement porté des critiques envers la gestion politique des autorités militaires, la conscription au Burkina Faso viole les droits humains. En particulier celui de la liberté d’expression. « Le Burkina Faso a procédé depuis 2022 à la suspension de plusieurs médias étrangers et locaux », confirme Édouard Kamboissoa Samboé. Ces multiples suspensions sont dues aux traitements « tendancieux de l’information sur la crise sécuritaire ». Ce qui induit comme conséquence l’impossibilité « d’informer dans la région », note Marin Paulay. Selon Reporters sans frontières, “le traitement patriotique” de l’information cher au capitaine Ibrahim Traoré” prend à cet effet « petit à petit le pas sur la possibilité d’exercer un travail journalistique rigoureux ».

Le pays des Hommes intègres

Ces dernières années, les violences envers les journalistes se sont également multipliées. Que ce soit du côté des groupes à référentiels terroristes et des autorités militaires, la peur est présente. Ce qui contraint les journalistes à moins bien exercer leur profession.

À ce jour, quatre journalistes ont été enrôlés au nom de la conscription au Burkina Faso. Entre autres, il y a Alain Traoré. Rédacteur en chef et animateur de l’émission “Le Défouloir” du groupe Omega Média. Ce dernier, a été kidnappé le 13 juillet à l’aube par des individus se réclamant de l’Agence nationale de renseignement. Pour rappel, la Radio Omega avait déjà été suspendue par le gouvernement burkinabè le 10 août 2023. « Au nom de l’intérêt supérieur national ». Ceci tout juste après avoir diffusé un entretien avec Ousmane Abdoul Moumouni sur le rétablissement du président déchu le 26 juillet au Niger.

Dans la même veine, il y a le directeur de publication de L’Événement, Atiana Serge Oulon. Lui aussi enlevé par la même agence depuis le 24 juin de cette année. Cet état de chose a rétrogradé le pays des Hommes intègres de la 58e place en 2023 à la 86e dans le classement de Reporters sans frontières en 2024.

Co-écrit avec Moucharaf SOUMANOU

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