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Église catholique au Bénin : Colère contre l’introduction de la cérémonie de sortie des jumeaux

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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Au Bénin, des dignitaires Vodun s’insurgent contre l’introduction de ‘’Hoxosun’’ –la cérémonie de sortie des jumeaux- dans la liturgie de l’Église catholique romaine. Inculturation ou incursion dangereuse ?

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON

« L’heure est grave ! Quand je dis l’heure est grave, l’heure est effectivement grave. Nous ne saurions tolérer encore cette imposture ». Ces mots sont du professeur David Koffi Aza, président national du Conseil national des cultes endogènes du Bénin (Conaceb).

L’indignation est née d’une vidéo de l’Abbé Justin Bocovo. Dans l’élément abondamment diffusé sur les réseaux sociaux depuis quelques semaines, le curé de la paroisse Notre Dame de la visitation de Gbedagba informe que « Depuis quelques années le Seigneur m’a inspiré de libérer les frères et sœurs à travers une célébration de la cérémonie de sortie des jumeaux et c’est ce que nous faisons depuis six ans ».

Jumeaux -Hoxo.
L’homme en soutane, explique qu’il s’agit d’une « cérémonie fort simple qui consiste à interner les jumeaux sur la paroisse bien sûr, et à célébrer la messe et à faire une prière de consécration devant le tabernacle et devant la Vierge Marie et demander que le Seigneur les libère, les délivre ». Et de poursuivre que « C’est une célébration au cours de laquelle nous faisons le rite du marché qui est un rite d’abondance et de prospérité, et puis nous faisons également l’installation sur le siège du Christ. C’est un rituel dans la célébration qui consiste à demander la stabilité aux personnes qui sont en difficulté ».

 

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Avant d’en venir aux détails concernant ladite cérémonie chrétienne, Le prêtre catholique s’est d’abord prononcé sur les « questions des jumeaux » qu’il juge « une question très complexe dans nos familles ».

En effet, explique-t-il, « Lorsque vous avez des jumeaux, que vous ayez fait des cérémonies traditionnelles ou pas, cela peut être source de blocages dans votre vie. Vous pouvez tomber malade, vous pouvez perdre votre travail, vous pouvez ne pas connaître la joie de l’amour conjugal, vous pouvez manquer la vie familiale, vous pouvez même connaître des échecs scolaires. Tout ça se passe dans la vie des chrétiens. Et même lorsqu’ils ont recourent aux cérémonies traditionnelles ça empire ».

Contrattaque

Réagissant à ces propos tenus dans la vidéo, David Koffi Aza, président du Conaceb crie à une « incursion …dans les divinités ». « L’Église catholique romaine peut-elle faire les rituels de Hoxo (jumeaux/jumelles) ? L’Église catholique peut-elle faire des rituels d’initiation au niveau de nos panthéons ? Aujourd’hui à Gbedagba avec Abbé Bocovo on fait les rituels des jumeaux, et on estime, on affirme même sur les réseaux sociaux que le rituel des Hoxo qui est fait dans la tradition crée des empêchements aux gens, des soucis aux gens, apporte la mort aux gens. En un mot on vilipende », fustige-t-il.

 

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Ce discours rappelle, dit-il, la même rhétorique de diabolisation des valeurs endogènes utilisée par l’Église catholique au début de l’évangélisation. « C’est la même rhétorique qu’ils avaient tenue il y a 150 ans pour dire que tout ce que nous faisions … est diabolique, qu’on doit laisser et suivre leur Jésus. Aujourd’hui vous revenez avec cette même rhétorique qu’on doit abandonner notre tradition et que la liturgie traditionnelle c’est vous qui allez le faire. Démontrez-moi dans votre bible où se trouvent les rituels aux jumeaux ? », interroge David Koffi Aza. « On ne se laissera pas faire. Il faut que ça s’arrête. Ne rentrez pas dans nos divinités. Arrêtez de nous vilipender », exige-t-il. « Arrêtez vos incursions dans notre milieu traditionnel, initiatique. ‘’Hoxosun’’ appartient aux Vodunnon », a insisté Koffi Aza.

Pour finir, le président du Conaceb a appelé « le clergé catholique pour rappeler à l’ordre les leurs » et a invité « le ministre de l’Intérieur pour rappeler à l’ordre l’Église catholique romaine. »

Koffi Aza est soutenu entre autres par un autre dignitaire, en l’occurrence Maître Bobos. Lui voit « une aberration » car « on ne peut pas du jour au lendemain créer un égrégore et commencer par soigner les gens avec. Ce n’est pas seulement une guerre envers la tradition mais c’est la vie de nos sœurs, de nos mères qu’on veut plus détruire ».

Inculturation

Les religions non chrétiennes n’ont pas été dans les bonnes grâces de l’Église catholique au début de l’évangélisation en Afrique. Elles ont été longtemps assimilées au fétichisme, animisme et paganisme. « Il aura fallu le Concile Vatican II, dans les années 60 pour noter un changement officiel d’attitude vis-à-vis des religions non chrétiennes. Depuis lors, cette nouvelle donne marque profondément le travail de l’Église catholique en Afrique qui vivra un moment historique et inédit en 1994 avec le premier synode des évêques pour l’Afrique. Ce rendez-vous sera suivi d’un autre en 2009. Au cours de ces différentes assises, on a sérieusement pris en considération les relations entre l’Église catholique et la RTA. Une nouvelle ère a commencé », constate justement l’auteur Jean-Baptiste Sourou (2008).

Dans Nostra aetate (Déclaration sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes, Rome, à Saint-Pierre, le 28 octobre 1965), l’Église catholique « ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère ces manières d’agir et de vivre, ces règles et ces doctrines qui, quoiqu’elles diffèrent sous bien des rapports de ce qu’elle-même tient et propose, cependant reflètent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes. (…) Elle exhorte donc ses fils pour que, avec prudence et charité, par le dialogue et par la collaboration avec les adeptes d’autres religions, et tout en témoignant de la foi et de la vie chrétiennes, ils reconnaissent, préservent et fassent progresser les valeurs spirituelles, morales et socio-culturelles qui se trouvent en eux. ».

Au Bénin, cela se traduit par l’inculturation. Ainsi, de nombreuses expressions culturelles vodun ont fait leur entrée dans la liturgie de l’Église catholique. Ce sont entre autres, les rythmes sacrés Hanyé, agbochebou (divinité Sakpata) et le ‘’mèwiwhendo (rite funéraire).

 

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Mais l’inculturation compte aussi des contempteurs. Ses partisans « se font le devoir de « discerner [dans les traditions] ce qui, après bien des détours, rejoint quand même le Créateur » et de déceler « le feu divin qui couve sous …des œuvres du Malin ».

Autrement, ils se prennent en « examinateur » des valeurs endogènes afin de leur délivrer d’abord « un certificat de propreté spirituelle » en vue de leur introduction dans la liturgie chrétienne, reproche l’historien des religions, Jérôme Alladayè dans son ouvrage « Le catholicisme au pays du Vodun » paru 2003.

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