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Pierre Dossa, environnementaliste : « L’assainissement n’est pas ressenti comme un besoin immédiat »

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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Dans le processus de développement, l’assainissement est un pan très important qui est malheureusement marginalisé. En observant le quotidien des béninois, c’est que découvre Pierre Dossa, environnementaliste et membre de l’Ong Communication unite for climate water and sanitation (Cuc-Was-Ong). Il propose alors des stratégies de communications pour inculquer l’amour de l’assainissement aux populations.

Propos recueillis par S. B. A

 

BI : Au Bénin l’assainissement bénéficie-t-il d’une grande attention ?

Dossa : L’assainissement est un domaine relativement complexe. Il présente en effet des spécificités par rapport à d’autres secteurs du développement qu’il faut toujours garder à l’esprit. L’assainissement n’est pas ressenti comme un besoin immédiat par rapport à l’eau : la demande des populations pour ce service est moins grande, de même que la volonté de s’impliquer et la disposition à payer pour ce service. Il faudra donc susciter la demande chez les habitants et trouver un moyen de les convaincre de s’investir et de participer pour améliorer leur assainissement.

L’assainissement est-il limité à l’hygiène publique et la protection de l’environnement ?

Je dirai non, parce qu’un assainissement adapté peut également contribuer à la sécurité alimentaire. Les agriculteurs sont les principaux demandeurs en fertilisant, aussi le produit proposé doit-il répondre à leurs attentes. La réutilisation, le recyclage et la récupération dépendent tous d’une manière ou d’une autre de l’extraction ou de l’utilisation des matériaux et de l’énergie provenant des excrétas et des eaux usées. Les substances nutritives des excrétas ont une valeur de fertilisation et peuvent partiellement se substituer à la demande en fertilisants artificiels. Les excrétas peuvent améliorer la nature des sols et donner du biogaz susceptible d’être utilisé dans les ménages pour la cuisine et le chauffage. S’il n’existe aucun moyen d’utiliser ou de valoriser les excrétas ou les eaux usées, il est alors nécessaire de les enfouir. Cependant, cela doit se faire en prenant en compte les risques pour la santé publique et pour l’environnement. Le rejet anarchique des excrétas dans les sols ou dans l’eau peut également provoquer une surcharge d’éléments organiques et de substances nutritives dans l’environnement, causant des préjudices aux plantes et aux animaux.

En tant que jeune défenseur de l’environnement, l’assainissement en matière d’hygiène, santé et de travaux publics est-il une responsabilité du gouvernement ?

L’assainissement reste toujours une responsabilité de l’Etat en matière d’hygiène, de santé et de travaux publics. L’Etat a pour mission de réaliser notamment des politiques en matière d’assainissement, d’établir des normes et de mettre en place des organismes de surveillance. Dans certains pays, l’Etat mène lui-même de grands programmes de développement dans le domaine de l’assainissement. C’est le cas du Programme d’action du gouvernement (Pag) au Bénin qui vise l’accès de tous à l’eau potable, l’interdiction de rejet des déchets dans les espaces publics et sur les infrastructures routières, l’éradication de la pauvreté par une approche intégrée consistant à améliorer l’habitat et les services urbains dont l’assainissement.

En quoi l’assainissement d’un quartier pauvre, est-il un enjeu fondamental ?

Du point de vue environnemental, cela profite à toutes les populations à proximité et en aval en réduisant les pollutions locales et leurs conséquences. L’assainissement rentre nécessairement dans une problématique globale de gestion de la ressource en eau et de préservation de cette ressource. En terme sanitaire, c’est la population de toute la ville qui voit les risques d’épidémies diminués. Pour les populations exposées, les maladies dues au manque d’hygiène sont nombreuses et variées : diarrhées, maladies dermatologiques, respiratoires, virales, etc. Au niveau socio-économique, une amélioration des conditions d’hygiène se traduit par une réduction des dépenses de santé publique et une baisse du nombre de maladie, un grand nombre de maladies étant d’origine hydrique, fécale ou dues aux insectes qui prolifèrent en présence de déchets et eaux stagnantes. Ainsi, au Bénin, les maladies liées à un mauvais assainissement représenteraient la perte de nombreuses journées de travail et des pertes économiques pouvant s’élever à un taux très important de dépenses à des dépenses publiques du secteur assainissement. D’un point de vue commercial, un mauvais assainissement peut avoir des répercussions négatives. L’assainissement permet d’améliorer l’environnement urbain. Les enfants ne se blessent plus en jouant sur les tas d’ordures, les canaux ne sont plus bouchés par des déchets solides créant des inondations et rendant les routes impraticables, les moustiques et les gênes odorantes disparaissent, les habitants se réapproprient les espaces communs. Au niveau des villes, un assainissement adéquat est une question de santé publique, les risques de choléra et de peste diminuent. En effet, même si les épidémies apparaissent dans certains quartiers mal assainis de la ville, elles s’étendent très rapidement à toute la ville. L’assainissement des quartiers pauvres est donc une problématique qui concerne tous les habitants d’une même ville.

Pour une bonne protection des ouvrages d’assainissement en cours de réalisation dans les grandes villes, qui sensibiliser ?

La meilleure sensibilisation sera celle par l’approche Iec (informations, éducations et communications) et Cesp (communications, éducations, et sensibilisation du public) pour expliquer les risques de pollution de ces ouvrages à la population bénéficiaire.

Les habitants des quartiers ne connaissent pas les solutions qui s’offrent à eux et les comportements sanitaires à adopter. Les enfants sont des cibles privilégiées des campagnes de sensibilisation particulièrement à l’école, car ils peuvent relayer les informations à leur famille et seront demain les responsables de leur quartier. Les femmes, responsables de l’hygiène du foyer, constituent également une cible essentielle de la sensibilisation. Les autorités locales malgré un discours souvent consensuel définissant l’assainissement comme une priorité, les autorités locales et gouvernementales ne sont pas toujours au fait des conséquences réelles d’un mauvais assainissement.

Selon vous comment sensibiliser la population cible ?

Les actions de sensibilisation peuvent prendre de multiples formes : festivals de l’assainissement, défilés, campagnes de nettoyages, projections de films, pièces de théâtre, fêtes religieuses, etc. Ainsi, les grands rassemblements publics, diffusion de slogans, jeux éducatifs avec les plus jeunes, création d’un centre d’information pour la communauté entre autres sur l’assainissement, etc. Ces actions doivent bien sûr être adaptées au mieux à la population cible du point de vue culturel, religieux et éducatif. Il est possible d’utiliser les canaux d’information et d’éducation existant sur place : radio, télévision, écoles, clubs, etc.  Une action porte-à-porte sur le terrain par des accompagnateurs sociaux est souhaitable afin d’apporter l’information aux habitants et de propager l’éducation par l’exemple : lorsqu’un problème sanitaire est visible comme des déchets ménagers jetés directement devant une maison, un accompagnateur social peut expliquer à la famille concernée comment procéder.

Afin que cette sensibilisation se fasse de manière durable et efficace, qu’avez-vous à proposer comme idée surtout sur la gestion des toilettes ?

Une idée intéressante consiste à former des animateurs sociaux appelés aussi facilitateurs ou médiateurs au sein de la communauté elle-même, en particulier parmi les jeunes nés et ayant grandi dans les quartiers concernés. Les toilettes ne constituent qu’un élément de l’ensemble du système d’assainissement. D’autres éléments tels que la collecte, le transport, le traitement et l’utilisation des excrétas sont, tous ensembles, vitaux pour un assainissement durable. La segmentation du système d’assainissement en cinq éléments crée une marge considérable de flexibilité dans la conception et le choix d’une solution appropriée aux conditions locales. Les toilettes constituent la première barrière entre les personnes et les agents pathogènes existants dans les fèces, parce qu’elles confinent les excrétas dans un endroit précis et contrôlé. En plus des toilettes elles-mêmes, l’infrastructure doit comprendre des dispositifs pour le lavage des mains et procurer l’intimité, la sécurité et le confort à l’utilisateur. Ces caractéristiques sont toutes importantes pour le fonctionnement de l’ensemble du système d’assainissement.

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