Home Débats Attaye Ag Mohamed : « Notre objectif, c’est l’autodétermination du peuple de l’Azawad »
Attaye Ag Mohamed : « Notre objectif, c'est l'indépendance de l'Azawad »

Attaye Ag Mohamed : « Notre objectif, c’est l’autodétermination du peuple de l’Azawad »

Par Arnauld KASSOUIN
0 Commentaire

Depuis quelques mois, l’idée d’un rapprochement entre le FLA et le JNIM est au centre des débats. Ce rapprochement marque-t-il le début d’un projet de fusion entre les deux groupes ? Les aspirations à un Azawad indépendant s’étaient-elles éclipsées avec le temps ? Dans cet entretien, Attaye Ag Mohamed, membre influent du Front de libération de l’Azawad, tient à rappeler que rien n’a changé. Mieux, il insiste sur le fait que leur priorité demeure le droit à l’autodétermination du peuple de l’Azawad.

Bénin Intelligent : Quelle distinction fondamentale peut-on noter entre les aspirations d’hier et d’aujourd’hui du Fla ?

Attaye Ag Mohamed : Le Front de libération de l’Azawad n’est que la continuité cyclique d’une cause historique et politique plus ancienne que les indépendances africaines. Nous en sommes tous les produits générationnels.Nous faisons partie de la chaîne d’une demande qui n’est pas liée au contexte actuel du Sahel. C’est une demande plus ancienne, réaliste et plus locale que toutes les nouvelles dynamiques qui ont saisi des opportunités (comme la violence) dans la région. En effet, tout tourne autour du droit des peuples à l’autodétermination. Ce droit est un principe du droit international. Il est un droit qui est de plus en plus codifié, même si c’est au niveau de certaines déclarations des nations unies. Pour la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, c’est un droit consacré.

D’ailleurs, cette dernière est l’instrument juridique le plus avancé en la matière. Pour ceux qui veulent savoir, l’Afrique dispose de meilleurs instruments juridiques évoquant la problématique des peuples et de leur droit à l’auto-gestion et à l’auto-détermination. Cette autodétermination peut s’articuler sous plusieurs formes. Elle va d’une pyramide de besoins d’autogestion et de participation aux affaires jusqu’à un système de décentralisation renforcée, voire un système d’Etat régionalisé ou fédéral vers l’indépendance. C’est une pyramide de besoins, d’offres politiques, de modèles dans laquelle l’autodétermination se retrouve à des échelles.

«… Massacres des populations… »

Le principe, il est le même depuis les indépendances. Il est là depuis la lettre adressée au Général De Gaule par les Chefs Touaregs, Songhais, Maures et Peuls de l’Azawad en 1958. Même lorsque des accords reconnaissant l’intégrité du Mali ont été négociés et signés, il était là. Il y a eu au moins cinq cycles d’insurrection de 1963 à nos jours qui mettent la question de l’auto-gestion, de la participation aux affaires de l’espace comme demande principale.

Plusieurs engagements nationaux existent. Que ce soit des pactes, des accords avec plusieurs dénominations. Le dernier remonte à 2015, en passant par celui de Ouagadougou en 2013, où la CEDEAO menait les négociations. Même à ce moment, le principe évoqué plus haut était là. Donc, la libération de l’Azawad est aujourd’hui une demande plus récurrente. Cette libération se justifie par les mêmes raisons qui ont le régime de Bamako à considérer les massacres des populations de l’Azawad comme étant une libération. (…)

« Notre objectif, c’est l’Azawad »

Les forces de défense de l’Azawad restent ouvertes à des solutions, comme toujours et toutes les générations qui ont mené ce combat. Pour précision, il est important de rappeler que seul le régime militaire qui gouverne au Mali nous intéresse. Ceux qui nous intéressent ne sont pas au Niger ni au Burkina Faso. Nous respectons l’intégrité territoriale du Niger, du Burkina Faso, de l’Algérie, de la Mauritanie, de la Guinée et du Sénégal. Nous respectons et continuons de respecter leur intégrité territoriale, leur choix politique indépendant. Mais nous ne reconnaissons pas Bamako, comme étant autorité légale et légitime chez nous. Tant qu’il n’aura pas convenu avec nous de ce qui adviendrait de notre part sur ses territoires. Qu’il le comprenne ou non, notre objectif n’est pas de les convaincre ni de les sensibiliser.(…)

Toutes les raisons et les actes qui rendent un groupe ou un acteur non éligible au dialogue politique s’appliquent à la junte militaire. (…) Lorsque le mode opératoire contre les populations civiles est sans limites, lorsque des mercenaires classés groupes terroristes sont importés pour tuer, lorsque les richesses sont spoliées gratuitement, lorsque les autorités coutumières sont humiliées et des familles sont violentées, (…) pour nous, c’est du terrorisme. La junte n’a absolument rien à envier à l’Etat islamique au Sahel. C’est notre groupe qu’eux appellent terroriste (…).

« Monter l’enchère des pics… »

Pour nous, cet Etat ne peut s’estimer être crédible dans une perspective de dialogue. Même si on voudrait dialoguer, ils ne sont pas crédibles. Nous ne faisons rien qui ait pour objectif de discuter avec la junte militaire. Absolument rien. Si elle estime à un moment donné qu’il n’y a plus rien à faire, tant mieux. Notre objectif à nous, c’est de défendre l’Azawad. Notamment, sa cause, ses droits, sa dignité dans la cohabitation. Cela peut se traduit par un format défini politiquement avec le reste du pays ou non, ou par un modèle d’indépendance totale ou d’un modèle d’Etat.

Le temps nous dira plus. Il n’y a pas d’aspiration d’hier et d’aujourd’hui. (…) De fait, il appartiendra aux générations, au temps et aux contextes de définir à quel niveau de pic atteindre. Que ce soit au pic extrême, tout dépendra des actions et amplifications des violations, des crimes et des massacres visant les populations. Ce qui, à mon sens ne ferait que monter l’enchère des pics. (…)

La question de l’Alliance Jnim et Fla

Il n’y a pas d’alliance avec le Jnim. Le Jnim est une organisation qui n’a jamais signé d’accord depuis sa création. Il est issu d’Ansar Dine et d’autres katibas comme celle du Macina. Le Jnim est une force d’alliance sahélienne de groupe djihadiste. Il n’y a pas d’alliance entre le Fla et le Jnim. Aussi, le Jnim n’a jamais signé un accord avec le gouvernement. Alors que les mouvements qui constituent majoritairement le Fla étaient signataires de l’accord et engagés dans le processus de paix. Ce n’était pas le cas du Jnim.

Le Jnim est un acteur très majoritairement local. Bien que son mode opératoire n’ait rien à voir avec celui du Fla, il reste un acteur local qui porte une revendication. Ce dernier a une opinion et crée une certaine forme de gouvernance que les populations trouvent comme une alternative. Il n’y a pas une raison de considérer le Jnim terroriste et la junte non. (…)

Toutefois, il est à considérer qu’on n’est pas dans une logique de fusionner nos forces avec le Jnim. Cependant, nous avons une action qui vise un territoire et pour atteindre cet objectif, cette dernière peut nous amener jusqu’à la limite de nos adversaires. Quoi qu’il en soit, il appartiendra à notre état-major de faire des estimations selon la pertinence. Malheureusement, comme vous le savez, le même Jnim a été le premier obstacle à notre action en posant une embuscade à notre colonne, qui avait pour objectif de commencer ce travail. Mais pour ne pas ouvrir plusieurs fronts en même temps, notre état-major a jugé qu’il faut plutôt revoir l’approche. Il ne nous appartient pas de vous dire ici qu’on soit déployé ou non. Il appartiendra au temps et à qui décide de cela.

N’y a-t-il pas d’alliance ?

Retenez qu’il n’y a pas encore d’alliance, pas de coordination et pas de fusion. Il n’y a pas de force intermédiaire non plus. Mais, il y a des initiatives en cours similaires à celles portées par Bamako. Mais comment est-ce que les gens trouveraient que c’est bizarre que nous, nous parlions avec le Jnim pendant que les Etats aussi veulent parler avec le Jnim ? il est paradoxal de considérer que cela ferait de nous des terroristes. Donc tous les Etats qui essaient de parler avec des acteurs qualifiés ainsi seraient des acteurs terroristes.

Nous, on a le droit de discuter avec eux. Parce que les membres du Jnim sont des locaux. Ce sont des populations avec lesquelles on est obligé de vivre et de trouver un terrain d’entente. Pour information, Nelson Mandela avec son organisation a été considéré comme terroriste pendant plusieurs décennies. (…) Alors qu’aujourd’hui il fait partie des références les plus emblématiques pour nos peuples, nos intellectuels et pour nos causes.

LIRE AUSSI :

Lire aussi

Laisser un commentaire

A propos de nous

Bénin Intelligent, média au service d’une Afrique unie et rayonnante. Nous mettons la lumière sur les succès, défis et opportunités du continent.

À la une

Les plus lus

Newsletter

Abonnez-vous à notre newsletter pour être notifié de nos nouveaux articles. Restons informés!