Home Actualité Dr Flavien Édia Dovonou : « Les puits transformés en poubelle constituent un danger pour les eaux souterraines »

Dr Flavien Édia Dovonou : « Les puits transformés en poubelle constituent un danger pour les eaux souterraines »

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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Cette année, la Journée mondiale de l’eau (Jme) a été célébrée sous le thème « Les eaux souterraines, rendre visible l’invisible ». Quel sens revêt cette thématique et quelle est la situation de ces « eaux cachées » au Bénin ? Dr Flavien Édia Dovonou, spécialiste en Management environnemental et qualité des eaux, maître de Conférences des universités du Cames, et enseignant-chercheur à l’Institut national de l’eau (Ine) de l’Université d’Abomey-Calavi (Uac) répond.

Propos recueillis par Sêmèvo Bonaventure AGBON

 

Bénin Intelligent : Quels sont les objectifs visés en célébrant chaque 22 mars la Journée mondiale de l’eau (Jme) ?

Dr Flavien Édia Dovonou : Lorsqu’on célèbre le 22 mars de chaque année la Journée mondiale de l’eau, c’est dans le but d’attirer l’attention de la communauté internationale et nationale sur la nécessité de gérer de façon rationnelle les ressources en eau et de les protéger au mieux pour les générations à venir. Les Objectifs de développement durable (Odd) au point 6 demandent que l’eau et l’assainissement soient à portée de tout le monde d’ici 2030. C’est fort de cela que chaque 22 mars la Jme est célébrée pour attirer l’attention des autorités à divers niveaux sur leur rôle, celui de fournir de l’eau potable en qualité et en quantité à toute la population.

Quel est le sens du thème de cette année ?

Cette année le thème retenu par l’Organisation des nations unies (Onu) est « Les eaux souterraines, rendre visible l’invisible ». Ce thème, parce que nous avons assez d’informations sur les eaux de surface, les eaux atmosphériques et sur les glaciers mais les eaux souterraines qui sont en profondeur de la terre, nous n’avons pas beaucoup d’informations sur elles. Or, elles participent à hauteur de 40° à nos besoins quotidiens en termes d’alimentation, d’approvisionnement en eau potable, en termes de l’eau pour l’agriculture et l’industrie et même l’eau pour les constructions des bâtiments, routes… Ces eaux ne sont pas à portée de vue, ce sont des eaux cachées dont il faut parler parce que sans elles, il ne peut y avoir de vie sur terre. Les eaux souterraines sont par essence des eaux de très bonne qualité, parce qu’elles sont très loin de toute forme de pollution (chimique, organique ou microbiologique). Aujourd’hui, les eaux souterraines sont loin de nos yeux et loin de nos cœurs. Le thème retenu c’est pour qu’elles soient désormais proches de nos cœurs.

Le Bénin a-t-il des problèmes de gestion des eaux souterraines ?

Il faut relativiser. Lorsque vous êtes au sud du Bénin vous avez en profondeur de la terre des aquifères qui sont des formations géologiques ayant la double propriété de stocker l’eau et de la restituer. Ces aquifères sont profonds et protégés mais là où ils affleurent il y a des risques de pollution. On appelle ces zones des zones de recharge de la nappe. Aujourd’hui nous ne respectons pas les restrictions d’usage au niveau de ces zones de recharge où ne doit pas faire de l’agriculture extensive avec l’utilisation des engrais chimiques et des pesticides, on ne doit pas y construire des stations de traitement et d’épuration des eaux usées, on ne doit pas y construire des stations de traitement des boues de vidange…Toute chose qui pourrait porter atteinte à la qualité des eaux souterraines est interdite au niveau de ces zones sensibles qui sont des endroits où l’eau de pluie s’infiltre dans le sol, dans la nappe pour aller recharger.
Aujourd’hui, il est difficile de dire avec précision la quantité d’eau que nous avons sous nos pieds. On ne peut pas dire avec précision la géométrie des aquifères, leur volume, c’est compliqué. Par contre, au niveau des eaux de surface, on a beaucoup d’informations. On connaît la longueur des fleuves Ouémé, Mono ; on connaît la superficie des lacs Nokoué, Ahémé, Toho, Djètoé, Azili. Les problèmes que nous avons aujourd’hui c’est comment outiller le Bénin à ce qu’il y ait plus d’études géophysiques qui nous renseignent sur la géométrise des aquifères que nous avons sous nos pieds, sur le volume d’eau que nous avons à la disposition des populations. Aujourd’hui, on ne peut pas dire avec précision la quantité d’eaux souterraines que nous avons au Bénin. Tout ce que nous savons c’est qu’on connait la quantité d’eau qui rentre dans les nappes, on connait la recharge qui est de 1,9 milliards de m3 d’eau par an. Mais le volume d’eau sous nos pieds, nous n’en avons aucune connaissance précise, on a que des estimations.

La transformation des puits en poubelle est une pratique répandue au Bénin.

 

Les vieux puits dans nos quartiers sont souvent transformés en poubelles. Comment cette pratique pourrait-elle constituer une source de pollution des eaux souterraines ?

Comme je l’ai dit, les eaux souterraines  sont des eaux en profondeur. On en a accès par deux moyens : les puits et les forages. Les puits sont des trous de grands diamètres mais peu profonds, alors que les forages sont de petits diamètres mais très profonds. Aujourd’hui, les puits transformés en poubelle constituent un danger pour les eaux souterraines, surtout les puits qui sont abandonnés après les travaux de lotissement et de recasement. Dans beaucoup de quartiers lorsque ces travaux sont terminés, des puits se retrouvent sur la voie publique. Ces puits, pour les fermer, on devrait y mettre du sédiment, du sable.

Malheureusement, nous avons un mauvais comportement qui consiste à transformer ces puits en dépotoir sauvage d’ordures. Tout le quartier vient y verser les déchets solides et liquides. Ce faisant l’eau qui est au niveau de ce puits est contaminé systématiquement par ces déchets. Le contact de l’eau avec les déchets va provoquer des réactions chimiques ; lesquelles réactions vont larguer dans la nappe des polluants chimiques, organiques et microbiologiques. Or, la nappe est toujours là ; la nappe bouge et dessert d’autres puits. Donc s’il y a un puits comme ça dans des endroits, des quartiers, il faut faire très attention parce que la probabilité qu’ils contaminent les autres puits voisins est très élevée. Les puits transformés en dépotoir sauvage d’ordures constituent un danger pour notre environnement, un danger pour nos eaux souterraines.

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