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Société : Ces femmes exclues de la Jif

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON
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Dame Nansifath est vendeuse de lait caillé local communément appelé “akpan” et du “gari” glacé. Mardi 8 mars, elle a « fêté » la Journée internationale de la femme (Jif), sur son lieu de vente. Loin de toutes réjouissances ou encore de discours politiques. Devant son petit commerce, toujours dans l’optique de joindre les deux bouts.

Par Raymond FALADE

Place Lénine à Akpakpa centre dans le quatrième arrondissement de Cotonou. Jusqu’à 17h30 minutes, Dame Nansifath, grosse, teint noir et taille moyenne est encore devant son étalage. Avec ses copines, aussi vendeuses, elles parlent et discutent de tout et de rien. Il a fallu notre arrivée pour qu’elles se rappellent que ce mardi est dédiée à la femme. Les préoccupations quotidiennes obligent !

Chaque jour, Dame Nansifath doit se réveiller à 6 heures. « Je reste ici parfois jusqu’à 19h. S’il y a la vente, on rentre vite. Mais le cas contraire, on est obligé d’attendre jusqu’à une heure donnée », raconte-t-elle.

Dans ces tâches quotidiennes, elle se fait aider par ses enfants. « Avant que les enfants n’aillent à l’école, ils m’aident un peu. Ils m’aident à amener les marchandises ici. À leur retour, ils vont venir ici pour ramener le reste de la vente à la maison », informe Nansifath. À la question de savoir si son époux ne se plaint pas quand elle passe tant de temps loin du foyer, la vendeuse sourit. « Ça, c’est pour celui qui a un mari. Si j’en avais un, je n’aurais pas de soucis liés à l’alimentation». Et d’ajouter « Regardez vous-même. Même si c’est dur, au moins, avant qu’il ne quitte la maison, même si c’est 500f, il aurait pu laisser non ? Mais rien ». Elle nous apprend que ce sont les revenus du commerce d’ ‘’akpan’’ qui servent à payer la scolarité des enfants. « Ils sont tous dans le public. Je n’ai pas de l’argent pour les envoyer dans le privé. Les enfants ne veulent pas savoir qu’il n’y a pas. Même si on n’a pas, il faut aider un peu un peu les enfants. Là, l’enfant n’enviera pas ses camarades », a-t-elle déclaré tout en fixant son étalage.

La situation est plus compliquée pour Nansifath ces derniers moments. La conjoncture économique actuelle en est la cause, pointe la vendeuse. « Ces derniers temps, il y a moins vente sans vous mentir. Le plastique que vous voyez n’est pas rempli. Le tapioca que j’ai préparé aujourd’hui, c’est juste la moitié du récipient. Mais jusqu’à l’heure-là je n’ai pas encore écoulé », confie-t-elle visiblement désespérée. La raison, a-t-elle poursuivi, c’est que littéralement, « il n’y a pas de l’argent. S’il y avait l’argent, les gens vont acheter », soutient-elle.

Dame Nansifath est sûre d’une chose : ce n’est pas que les populations n’ont pas envie d’en acheter. Mais c’est plutôt parce qu’elles n’ont pas d’argent. « Même moi qui suis ici, il y a des choses qui me plaisent. Mais je n’ai pas l’argent pour me les offrir », avoue-t-elle. La preuve, a-t-elle appuyé, « quand mon enfant est revenu de l’école tout à l’heure, il devrait rentrer. Mais, il a refusé de rentrer parce qu’il veut manger d’abord. Je suis obligé de lui acheter pour 100f. Tous les jours, c’est comme ça je dois faire. Matin, midi, soir ». Indexant les usagers et riverains autour de son étalage, elle affirme que si elle décide d’offrir gratuitement ses produits, cela finirait en moins de 5 minutes.

La situation est si compliquée qu’il faut réfléchir plusieurs fois avant de manger. « Moi-même qui suis ici, depuis le matin, j’ai faim. Mais quand je pense à toutes les dépenses que j’ai à faire… ». Le reste de la phrase est resté dans sa gorge. « Ma sœur a mangé du gari tout à l’heure, elle a remis le reste à mon enfant. Je viens de renverser ça dans un petit gobelet pour lui. Moi-même je veux manger du gari. J’ai faim », poursuit Nansifath, l’air triste.

Si les populations dans leur grande majorité accusent les pouvoirs publics d’être responsables de la conjoncture économique actuelle, Dame Nansifath estime plutôt que c’est une situation circonstancielle. « L’État fait ce qu’il peut. Moi je ne suis pas fonctionnaire pour dire que c’est à cause de cela que je n’ai pas d’argent. Pour moi, l’État n’est pas responsable de la mévente. Il fait de son mieux », félicite-t-elle. Les clients apprécient les produits de Nansifath. Ils aiment en consommer régulièrement. « Mais, parfois, il n’y a pas l’argent pour en acheter quand bien même on en a envie », a témoigné un conducteur de taxi moto.

Confiante que tout changera un jour, elle invite surtout les hommes à prendre soin de leurs femmes et de leurs enfants.

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