La Mauritanie récuse les « soupçons » selon lesquels elle « servirait de point de passage pour des armes en provenance d’Ukraine, destinées à des groupes armés sévissant au Sahel », lundi, à travers son ministère des Affaires étrangères.
La Mauritanie réfute le complot d’armes contre les pays du Sahel central. D’ailleurs, si cela s’avérait, la stabilité de ce pays serait compromise, parce que « la sécurité intérieure de la Mauritanie ne peut être dissociée de celle de son voisinage », rapporte l’Agence Mauritanienne d’Information (AMI). En effet, dans la lutte contre les groupes armés non étatiques au Sahel, un État seul ne peut combattre le phénomène. « Lorsqu’un État vacille, les lignes de fracture traversent immédiatement les frontières », renchérit l’AMI. Autrement dit, la coopération régionale est indispensable dans la résolution des conflits à configuration terroriste. Dans ce sens, Mohamed Lamine Ouattara, expert en relations internationales, argue : « qu’il s’agisse de coopération sécuritaire, militaire ou même de coopération en matière de développement, tous ces aspects contribuent à l’endiguement du phénomène terroriste ».
Consciente de la nécessité des rapports de bon voisinage, la Mauritanie n’a pas hésité à briser l’écran de complot. Mieux, elle « oppose moins l’indignation que la permanence de sa ligne », qui est « de parler peu, d’agir davantage, et de préférer la constance et la clarté ».
Pour précision, ces accusations font suite aux propos du premier représentant permanent adjoint de la Russie auprès de l’ONU, le 20 août. En réalité, pour Dmitri Polyansky, « des faits précis indiquent clairement que les services spéciaux ukrainiens, notamment la Direction générale du renseignement du ministère ukrainien de la Défense, sont impliqués dans des activités subversives dans les pays du Sahel et dans d’autres régions d’Afrique, notamment au Maghreb ». « Les Ukrainiens mènent des opérations en Afrique en secret, notamment par l’intermédiaire de l’ambassade d’Ukraine en Mauritanie. Du matériel et des combattants transitent par des sections mal surveillées de la frontière avec la Mauritanie et pénètrent plus loin au Mali », va détailler par la suite Alexandre Ivanov, via le média d’État russe TASS, deux jours après Dmitri Polyansky.
Cependant, bien qu’il n’y ait pour le moment aucune réaction de la part des autorités de l’Alliance des États du Sahel, ces déclarations peuvent mettre à mal la coopération régionale.
La diplomatie mauritanienne : la constance comme ligne de conduite
Ces derniers jours, des accusations ont émergé, portées par certains médias étrangers, selon lesquels la Mauritanie servirait de point de passage pour des armes en provenance d’Ukraine, destinées à des groupes armés sévissant au Sahel. Aucune preuve tangible n’est venue étayer ces allégations. Il n’en demeure pas moins que la répétition de telles accusations impose une clarification.
Nouakchott récuse ces soupçons avec fermeté. Depuis plus d’une décennie, le pays a construit une stratégie de prévention et de lutte contre l’extrémisme violent qui lui a permis d’échapper aux dérives régionales. Cette politique, souvent citée en exemple, repose sur une conviction constante : la sécurité intérieure de la Mauritanie ne peut être dissociée de celle de son voisinage.
Cette interdépendance résulte pour le gouvernement mauritanien tout autant de l’impératif de solidarité que d’un constat de réalisme. Par simple lucidité, la Mauritanie estime qu’elle ne peut se permettre de voir un voisin sombrer dans le chaos, sans en subir elle-même, tôt ou tard, les répercussions. L’expérience confirme ce principe simple : lorsqu’un État vacille, les lignes de fracture traversent immédiatement les frontières.
De ce point de vue, l’attachement de Nouakchott à la sécurité collective du Sahel s’explique aisément. Le pays n’a cessé, dans la discrétion et loin des déclarations spectaculaires, de soutenir ses voisins lorsqu’ils traversaient des périodes de vulnérabilité. Soutien logistique, partage d’informations sensibles, médiation discrète : les gestes sont nombreux, même si la tradition locale a toujours privilégié la retenue à la sur-communication. La Mauritanie n’a jamais ressenti le besoin de proclamer ses solidarités mais préfère agir sans publicité.
À ce socle régional, s’ajoute une diplomatie dont la ligne apparaît, avec le recul, d’une grande constance. Dans un contexte mondial marqué par les revirements et les repositionnements, la Mauritanie s’est tenue à quelques principes cardinaux : attachement au multilatéralisme, respect scrupuleux de la Charte des Nations unies, règlement pacifique des différends et refus de s’engager dans les rivalités géopolitiques.
Le cas du conflit russo-ukrainien illustre cette cohérence. À l’Assemblée générale des Nations Unies, la Mauritanie a soutenu la résolution condamnant l’atteinte à la souveraineté territoriale de l’Ukraine. Dans le même temps, elle s’est opposée à l’exclusion de la Russie du Conseil des droits de l’homme, convaincue que les sanctions et l’isolement diplomatique ne règlent pas les crises mais les prolongent. Certains y ont vu une ambiguïté ; d’autres y reconnaissent une fidélité à des principes. Le pays, de son côté, souligne la simplicité de son raisonnement : ses relations avec Moscou remontent à 1965, celles avec Kiev plus récentes et limitées. Les choix diplomatiques ne se font pas en fonction des aides reçues de part et d’autres – au demeurant inexistantes dans le cas de la Mauritanie – mais selon l’épaisseur des liens historiques et la cohérence des positions de principe.
Avec ses partenaires sahéliens, la même logique prévaut. Des explications franches ont eu lieu, notamment avec les autorités maliennes, qui ont compris la nature de la position mauritanienne. Derrière ce dialogue s’affirme une conviction qui ne varie pas : prévenir l’instabilité d’un État de la région, c’est protéger l’ensemble du Sahel contre un effet domino.
Ainsi, face aux accusations récentes, la Mauritanie oppose moins l’indignation que la permanence de sa ligne. Elle parle peu, agit davantage, et préfère la constance et la clarté. Dans une région marquée par les crises et les basculements, elle a choisi une voie singulière : une diplomatie de retenue, discrète dans les formes mais ferme dans ses principes, convaincue que la stabilité n’est jamais l’affaire d’un seul pays mais une responsabilité collective.
Edito de l’Agence Mauritanienne d’Information