La désignation du candidat du parti Les Démocrates pour les élections générales de 2026 crée des remous internes et révèle, une fois encore, les tensions entre Boni Yayi et Éric Houndété. Malgré toute la légitimité dont il peut se prévaloir et son parcours irréprochable, le député a été écarté au profit d’un autre candidat, choix que beaucoup attribuent à des calculs personnels de l’ancien président.
Par Cédric ABAMON (Coll.)
Au sein du parti Les Démocrates, le choix du duo candidat fut certes très laborieux, mais il laisse un goût amer. Ce qui devait être une formalité démocratique s’est transformé en un épisode de crispation politique, mettant à nu les fragilités d’un parti qui se voulait le symbole du renouveau de l’opposition béninoise.
Depuis sa création, le député Éric Houndété, cohérent, discipliné et constant dans son opposition au régime Talon, incarne pour beaucoup la colonne vertébrale du parti. Il a porté le combat parlementaire avec courage, consolidé l’unité de la formation, et maintenu le cap même dans les moments d’adversité. Pour une large frange de la base militante, il était donc le candidat naturel pour représenter
Les Démocrates à la présidentielle de 2026.
Mais la logique militante n’a pas triomphé. Tout du moins, elle ne semble pas correspondre à l’agenda de l’homme de Tchaourou. Et pour cause, le choix final, selon plusieurs sources proches du parti, aurait été fortement influencé par Boni Yayi, président et figure tutélaire de la formation. Officiellement, il s’agirait d’un choix de consensus. Officieusement, nombreux sont ceux qui y voient la volonté du fondateur de maintenir la mainmise sur l’appareil politique qu’il a contribué à créer.
« Tout le monde sait que sans le feu vert de Boni Yayi, rien d’essentiel ne se décide au sein du parti », confie un député proche de Houndété.
« Cette fois encore, son influence a pesé, au détriment du mérite et de la cohérence. »
Selon plusieurs cadres, l’ancien président n’aurait jamais digéré l’autonomie politique d’Éric Houndété, qu’il considère parfois comme trop indépendant, voire difficile à contrôler. Dès lors, la perspective de le voir porter la candidature du parti à la présidentielle aurait suscité des réticences dans le cercle rapproché de Yayi.
Pour certains observateurs, le calcul est simple : garder la main sur un candidat plus malléable, moins charismatique, et donc plus dépendant du “père fondateur”.
Ce jeu d’influence, typique des formations politiques encore jeunes et centrées sur une personnalité dominante, risque pourtant de coûter cher aux Démocrates. Le parti, déjà fragilisé par des rivalités internes, voit s’ouvrir une fracture entre les fidèles de Yayi et ceux qui réclament une ligne plus moderne, débarrassée de la tutelle de l’ancien chef de l’État.
« C’est un mauvais signal pour l’opposition béninoise », analyse un politologue. « Les Démocrates avaient l’occasion de démontrer qu’ils pouvaient se réinventer. En écartant Houndété, ils donnent l’image d’un parti encore prisonnier des réflexes du passé. »
Dans les rangs des militants, la déception est palpable. Beaucoup s’interrogent : comment espérer conquérir le pouvoir si l’on sacrifie le mérite et la loyauté sur l’autel des calculs personnels ?
Éric Houndété, fidèle à son style mesuré, garde pour l’instant le silence. Mais ce mutisme ne saurait masquer la profondeur du malaise. D’autant que les signes d’un désengagement d’une partie de la base militante commencent déjà à se faire sentir.
À quelques mois des élections générales, Les Démocrates semblent plus divisés que jamais. Et si le choix du candidat venait à se révéler une erreur stratégique, l’ombre de Boni Yayi planera longtemps sur cet épisode comme le symbole d’un parti qui a préféré la logique du contrôle à celle du renouveau.
