Politologue et expert en intelligence économique et stratégique, Dr Olivier-Charles Attindéhou revient au Bénin, après plusieurs années de recherche et d’enseignement en France, pour mettre son expertise au service de la gouvernance publique. Actuel secrétaire général du Haut-commissariat à la prévention de la corruption (Hcpc), il explique son engagement contre la corruption, livre sa vision de l’intégrité et de la responsabilité civique, et évoque l’avenir du pays à travers une gouvernance fondée sur l’éthique, la rigueur et la transparence.
Bénin Intelligent : Votre mission actuelle au Bénin est-elle une rupture avec votre parcours en France ?
Dr Olivier-Charles Attindéhou : Je dirai plutôt que c’est une continuité. Lorsque vint l’adolescence, l’on m’a demandé ce que je voulais faire en tant qu’adulte. Je répondais toujours que je punirai les « méchants ». Mon expérience en France m’a inculqué la rigueur et la culture du résultat. Aujourd’hui, au Bénin, je mets cette exigence au service de la gouvernance publique. Servir à travers le Hcpc, c’est une manière de restituer à mon pays ce que j’ai reçu de mon parcours académique et professionnel, quand bien même je n’aurais pas encore la possibilité de punir les « méchants ».
Vous avez une formation très solide en sciences politiques et en stratégie. Qu’est-ce qui vous a personnellement motivé à vous engager dans la lutte contre la corruption ?
Voyez-vous, j’ai débuté ma formation universitaire par le Droit et la sociologie. Dans l’esprit de ce jeune adulte rempli d’idéaux, déambulait une appétence pour la compréhension des faits sociaux et de leur pathologie afin d’y apporter le remède adéquat pour le bonheur de la collectivité. Puis, à la faveur de certaines rencontres, j’ai ajouté l’économie politique et la science politique. Pour tout vous dire, l’engagement dont vous parlez n’est pas spécifiquement rattaché à la lutte contre la corruption.
Je tiens pour vérité, par mes mémés De Souza et Monteiro, que tout est architecture, donc construction et co-construction. N’est-il pas bon de refuser que notre commune maison qu’est le Bénin soit brisée par la malhonnêteté, le manque d’amour pour la chose publique ? Vous comprendrez que je ne défends que l’intérêt général. Car, l’on est véritablement heureux en contribuant au bonheur d’autrui.
Dr Oliver-Charles Attindéhou, Politologue et expert en intelligence économique et stratégique, secrétaire général du Hcpc
Certains critiquent le recours à des compétences formées à l’étranger. Que leur répondez-vous ?
Il y a un ancien Premier ministre français qui a dit qu’il ne faut pas confondre instruction, culture générale et compétence professionnelle. La compétence n’a pas de nationalité. Ce que le gouvernement recherche, c’est l’efficacité, la capacité à œuvrer avec audace et habileté, dans son domaine, pour des résultats mesurables. Lorsqu’un citoyen béninois formé à l’extérieur revient pour servir son pays, est-il un étranger ? Je reste convaincu qu’il est une richesse nationale. L’essentiel, c’est l’intégrité et la loyauté envers la République.
À l’approche des élections, les débats sur les textes électoraux s’intensifient. Comment analysez-vous ces réactions ?
Je vous remercie de m’accorder cette tribune. Aussi, je tiens à préciser que j’interviens, ici, en tant qu’universitaire. Cette précision est importante. Car il ne fait pas bon de laisser exister ce qui est susceptible d’engendrer de faux débats.
Vous savez, à chaque élection, les passions s’éveillent. Ces réactions révèlent souvent un déficit de pédagogie relative aux instruments juridiques, et parfois une méfiance héritée de pratiques anciennes.
Contrairement à ce que des pensées culturalistes ont propagé, les textes visant l’organisation des élections, dans nos États africains, résultent de compromis politiques. Il s’entend donc que tout acteur tentera d’en tirer avantage. Toutefois, il faut renforcer le principe souverain du droit. Lequel, me diriez-vous ? Retenons simplement que la loi n’est pas contre un camp : elle encadre le jeu démocratique pour tous, consolide les acquis, tout en participant à la construction de la Nation.
Dr Oliver-Charles Attindéhou, Politologue et expert en intelligence économique et stratégique, secrétaire général du Hcpc
Une loi peut-elle avantager un camp politique ?
Non ! Une loi bien élaborée ne favorise personne. Ce qui crée cette perception, c’est la lecture partisane des textes ; une lecture volontairement livrée à des militants pour déclencher un soutien que certains candidats peuvent ne pas construire. En démocratie, la loi est impersonnelle et d’application générale. Si certains s’y sentent désavantagés, c’est dû au fait que leurs stratégies politiques ne s’accordent pas avec les nouvelles exigences légales et demeurent inconséquentes dans le champ de la mobilisation effective. Serait-ce une incapacité à innover ?
Quelles sont les conditions d’élections menées avec intégrité ?
La transparence, la neutralité de l’administration électorale, l’équité d’accès aux médias, et la responsabilité des acteurs. Ce sont les bases d’un scrutin crédible et apaisé.
Ces conditions sont-elles effectivement respectées au Bénin ? Si oui, pourquoi autant de critiques ?
Monsieur Faladé, savez-vous que même Dieu est critiqué par celles et ceux qui s’estiment lésés ? Est-il possible d’empêcher une personne non vertueuse de créer un monstre ? En l’espèce, il ne nous est pas possible d’empêcher quelques profanes de croire qu’ailleurs l’herbe est plus verte. Ici, au Bénin, nous avançons avec les principes démocratiques. Et cela ne s’arrêtera pas maintenant.
Comment les citoyens peuvent-ils saisir le Hcpc ?
J’avais dit, plus haut, ne parler, ici, qu’avec ma casquette d’universitaire. Néanmoins, je vais répondre à votre question. Ils peuvent adresser un courrier au Hcpc, déposer une plainte via notre site web ou celui de la Cpd. Il me faut ajouter quelque chose : nous recevons les signalements portant sur des faits présumés de corruption : malversation, concussion, détournement, fraude, favoritisme/népotisme, extorsion, pot-de-vin, conflit d’intérêts, clientélisme, abus de fonction, trafic d’influence. Hélas, nous recevons de nombreuses sollicitations afférentes à des affaires foncières.
Dr Oliver-Charles Attindéhou, Politologue et expert en intelligence économique et stratégique, secrétaire général du Hcpc
Comment jugez-vous la volonté politique actuelle contre la corruption ?
Elle est réelle et visible. La volonté politique, c’est d’abord le courage de laisser les institutions agir sans interférence, et la mise à disposition des moyens nécessaires. Nous sommes dans une dynamique de consolidation de l’État de droit. Ce qui est actuellement fait n’existait pas au Bénin.

Quelle est votre vision de l’intégrité publique ?
L’intégrité, c’est refuser les avantages indus, respecter les règles même quand personne ne vous regarde. C’est le fondement moral de toute construction solide. Sans intégrité, aucune loi ne peut produire d’effet durable. Le contraire de l’intégrité représente un danger permanent, une menace pour la stabilité de nos institutions et la croissance économique.
Selon vous, comment inculquer la culture de l’intégrité et de la responsabilité civique à la jeunesse béninoise ?
Je ne sais s’il existe une recette miracle. Toutefois, regardons du côté de la ritualisation de l’instruction dès l’enfance : de 2 à 7 ans, de 7 à 12 ans, etc…Une conviction intime me pousse à vous dire que nous devons revoir la planification de l’éducation civique et son contenu.
Comment voyez-vous le Bénin dans dix ans si les valeurs d’intégrité et de bonne gouvernance deviennent réellement un mode de vie national ?
Cher Monsieur, je reste convaincu que tant qu’il existera de l’amour et de la solidarité dans un niveau de conscience objective, nous Bénin, sommes le Singapour en devenir. Autrement dit, je vois notre pays en paix, avec un rayonnement culturel particulièrement intense, pourvu d’une croissance économique génératrice de progrès social.
Votre regard sur le président Patrice Talon ?
Le Président Talon incarne la rigueur et la culture du résultat. C’est un dirigeant méthodique, attaché à la performance et à la responsabilité. Il a su transformer le Bénin à travers une profonde gouvernance publique. Admettons qu’il est une incarnation de l’amour pour son pays. En l’espèce, il faut le dire si fort que les anges l’entendent : nous avons eu, enfin, un patriote qui, par le travail, fit justice pour promouvoir la fraternité si nécessaire au renforcement de la construction de notre Nation. Aviez-vous vu une telle incarnation avant 2016 ?
Et sur le ministre d’État Romuald Wadagni, souvent cité comme modèle ?
(Sourire) Il incarne la compétence, la rigueur. Je puis dire qu’un esprit scientifique l’habite, tant sa démarche reste aussi méthodique, dans un calme inspirant. Il symbolise le mérite et la modernité de gestion. Sa fidélité à la vision du chef de l’État et sa maîtrise technique ont permis de bâtir une crédibilité financière solide pour le Bénin. Comme on le dit, ailleurs : The right man on the right place, with the one best way.
Votre mot de la fin
J’invite chaque Béninoise et chaque Béninois à faire de lui-même une énergie au service du développement du pays ; puis à choisir l’intégrité comme un mode de vie. Nous ne sommes pas éternels. En conséquence, nous avons l’obligation de laisser un solide héritage aux autres générations. Notre action collective d’aujourd’hui détermine le futur des enfants qui vivront dans notre pays. Ensemble, nous pouvons bâtir un Bénin plus juste, plus crédible et plus prospère.
