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Georges Amlon : « Si on n’a pas de bonnes informations dans un journal, le tort est toujours partagé »

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Georges Amlon, l’ancien directeur général de l’Ortb est la personnalité invitée par l’Upmb pour entretenir les acteurs des médias sur le thème de la 30ème édition de la journée internationale de la liberté de la presse : « Façonner un avenir de droits: la liberté d’expression comme moteur de tous les autres droits de l’homme ». Le journaliste à la retraite a exposé son opinion sur les maux et l’enjeu des médias au Bénin.

Par Sêmèvo Bonaventure AGBON

La liberté n’est jamais un droit absolu. C’est la première vérité que l’ancien directeur général de l’Office de radiodiffusion et télévision du Bénin (Ortb) a assené à l’auditoire. « Partout des restrictions existent, il nous revient de nous battre au quotidien pour notre liberté ». Il tire cette conclusion de sa propre expérience au sein de la rédaction de Rfi où une production de lui n’a pas été diffusée. Cette année, le Bénin a gagné neuf places dans le classement de Reporter sans frontières.

Au Bénin, le sous-développement des médias et leur difficulté à produire des contenus de qualité résident dans la conception qu’ont les dirigeants des médias. L’influence de ceux-ci est peu prise au sérieux et les moyens conséquents quasi inexistants, estime le conférencier. « Pourquoi ils [les médias étrangers, ndlr] font des choses que nous on ne fait pas ? C’est parce que nous n’avons pas les mêmes conceptions des médias », tranche Georges Amlon.

D’après des données de la Cour des comptes française, le budget de fonctionnement du groupe France Médias Monde, qui réunit France 24 et les radios Rfi et Monte Carlo Doualiya (Mcd) s’élevait à 265 M€ en 2019 et est financé à 95 % par des ressources publiques.

« La France finance par an à des milliards des programmes sur Rfi ». « Aucun média chez nous ne peut concurrencer Canal+ », par exemple, parie Georges Amlon. « Parce que personne ne mettra l’argent qu’il faut. Si vous voulez aller faire un reportage loin de Cotonou, votre rédacteur en chef va vous demander : « où est l’argent ? » Alors vous allez faire Codiam-Cadjehoun et revenir à la maison ».

La peinture assez réaliste heurte l’égo du public de professionnels qui dissimule sa gêne derrière des sourires crispés. « La classe dirigeante ne pense aux médias que quand elle veut s’en servir. Personne ne comprend l’enjeu des médias », rebondit le conférencier. Un jour, « J’étais allé voir le ministre pour le renouvellement de nos émetteurs [de l’Ortb, ndlr]. Il m’a répondu « nous n’avons pas de l’argent, on va voir ça l’année prochaine ». Les dirigeants ne voient pas clairement quels sont les enjeux des médias. Ce n’est pas parce qu’on ne le leur a pas dit, il y a eu les états généraux ».

La part des professionnels

Toutefois, Georges Amlon n’impute pas tous les maux de la presse béninoise aux seuls gouvernants. « Si on n’a pas de bonnes informations dans un journal, le tort est toujours partagé », souligne-t-il. Les médias ont besoin de s’organiser eux-mêmes, et du coup « beaucoup de choses vont changer », assure-t-il.

D’ailleurs, l’idéal qui doit guider la création d’un organe de presse n’est pas observé, à ses yeux. « On crée un organe de presse d’abord pour servir le peuple d’où la passion. Et non pour se mettre de l’argent dans les poches. Après, le media peut rapporter. C’est parce que je suis journaliste que je suis devenu consultant », nuance Georges Amlon.

Actuellement, la production de contenus médiatiques ne satisfait pas les attentes des consommateurs, ce qui participe aussi à la dégringolade des médias. Le conférencier n’en est pas étonné. La désaffection des populations est une réaction logique. Sinon, « Imaginez que vous ouvrez un maquis et proposez des aliments de mauvaise qualité chaque jour et vous plaignez que les gens ne viennent pas manger ». Une boutade par laquelle l’homme il avoue que « Dans notre presse nous nous ingénions à faire les plus mauvaises productions qui soit et voulons que les gens nous applaudissent ».

À cet effet, il témoigne de la rigueur professionnelle qui caractérisait certains organes, notamment publics. « Je me souviens que lorsqu’il y avait une faute, le Dg [de l’Onip (ex Onepi)] de l’époque Noël Alagbada nous convoquait. Les souvenirs que j’ai de l’Ortb, quand vous faites une faute à l’antenne vous avez peur de revenir à la rédaction ».

L’aide de l’État

Georges Amlon persiste que les médias demeurent des canaux importants d’éducation dans un État démocratique. A ce titre, l’aide public que consentent plusieurs États dans le monde ne relève pas de la mendicité. Il vise à amener ceux-ci à accomplir efficacement leur mission principale : informer, éduquer et divertir. « L’éducation sur le code de la route, par exemple. On a besoin des médias pour parler à la population », martèle Georges Amlon.

« L’aide existe sous différentes formes. Il peut être indirect (réduction de vos impôts, différence des frais d’électricité pour les organes de presse, achat de produits (exonération). Ce n’est pas de la mendicité ». Aussi, « Certains organes bénéficient du financement public. C’est l’Assemblée nationale qui adopte tous les ans le budget de l’Ortb et non le gouvernement ».

Suppression de l’Abp

Dans les échanges libres avec les journalistes, le conférencier a été amené à opiner sur la suppression en janvier 2022 de l’Agence Bénin presse (Abp) créée en 1961. « La fermeture de l’Abp doit être dénoncée », a déclaré Georges Amlon.

« Ceux qui l’ont supprimée ne savent pas ce à quoi elle sert », a-t-il déploré. Ce maillon important de la chaîne de production et de diffusion de l’information avait encore sa place et une mission à remplir dans un contexte de prolifération des ‘’fake news’’. « La supprimer et se plaindre après de la circulation des infox, c’est une ineptie », critique-t-il.

L’existence d’une agence de presse n’est pas une spécificité béninoise. « Tous les pays du monde ont une agence », fait-il remarquer. « Parce qu’on sait que là [au niveau des agences, ndlr] on peut centraliser l’information, la trier vraiment et la dispatcher vers les autres médias et le monde », explique Georges Amlon. « Regardez les Russes, Coréens… parce qu’ils veulent que leurs pays soient connus et c’est à travers les agences ».

Initiative Upmb

L’Upmb dirigée par Zakiath Latoundji a pris l’habitude de réunir les professionnels des médias à l’occasion de la journée de la liberté de la presse. « C’est important qu’on se retrouve en cette occasion. La journée de la liberté de la presse revêt une importance capitale pour le professionnel, l’acteur des médias. Donc l’Union a pris l’initiative de réunir les professionnels autour de cette communication qui s’articule autour de la thématique retenue pour cette célébration. C’est vrai que nous traitons l’information mais c’est aussi bon que nous soyons informés », a justifié la présidente.

De son côté, Rosette Bessou, Secrétaire générale adjointe de la Haac invite les journalistes à « faire des efforts pour aller à la source de l’information, faire un bon traitement et être sûrs de la véracité » de ce qu’ils publient.

 

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